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Agriculture : l'usage des pesticides n'est pas indispensable

Publié le 22 mars 2012 par Bioaddict @bioaddict

Selon une étude de l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA), la réduction de 30% de l'usage des herbicides, insecticides et fongicides par les agriculteurs n'entrainerait ni baisse de la production, ni perte de revenus. Agriculture : l'usage des pesticides n'est pas indispensable

Bien que comprenant de plus en plus, et de mieux en mieux, que les pesticides sont un véritable poison pour l'environnement et la santé, à commencer bien entendu par la leur et celle de leur famille, les agriculteurs français non bio continuent à considérer ces produits comme étant indispensables pour maintenir leur production et assurer leurs revenus. Ainsi la France continue à être le premier pays consommateur de pesticides en Europe, et le troisième dans le monde (INRA).

Devant les exigences du Grenelle de l'environnement qui avait fixé en 2008 l'objectif de réduire de 50% l'usage des pesticides en 10 ans afin de réduire leurs effets catastrophiques, les agriculteurs sont donc inquiets. Non pas tant pour la santé, mais surtout pour leur avenir financier. Car pour eux l'équation "moins de pesticides égal moins de rendement, égal moins de revenus", est évidente.
Mais ont-ils raison ?

Des chercheurs de deux unités de l'Inra de Versailles-Grignon, Economie publique et Agronomie, ont réalisé une étude, pour tenter de répondre à cette question.

Etude comparative des différents modèles de culture

Sur la base d'expertise et de résultats expérimentaux passés, l'INRA a construit des scénarios de pratiques culturales réduisant plus ou moins la quantité de pesticides consommée et prenant en compte les différentes pratiques agricoles : l'agriculture intensive, qui utilise le plus de pesticides, l'agriculture biologique qui les proscrit, l'agriculture raisonnée, qui cherche à maîtriser les intrants agricoles, l'agriculture à bas niveau d'utilisation de pesticides, qui combine moyens chimiques et non-chimiques pour protéger les cultures, et enfin, l'agriculture intégrée, qui met en oeuvre notamment des rotations de cultures afin de réduire les risques d'agressions biologiques.

À partir de cette typologie, un modèle de simulation économique a été construit sur une France divisée en huit grandes régions, valable pour les grandes cultures, notamment céréalières.

Les simulations numériques réalisées à partir de cet outil ont permis de déterminer la meilleure utilisation des pesticides en fonction de la culture et de la région, de façon à ne pas diminuer le revenu des agriculteurs.

Ainsi, les chercheurs de l'INRA ont pu montrer qu'en développant l'agriculture à bas intrants, on pourrait baisser de 30% l'usage des pesticides sans pour autant diminuer la productivité des terres et sans réduire les marges des agriculteurs.

En revanche, une baisse de 50% de la consommation de pesticides, celle donc prévue par le Grenelle de l'Environnement, conduirait à une baisse de 5 à 10% de la productivité au niveau national. Ce qui veut dire que pour atteindre cet objectif de 50%, il faudrait augmenter significativement la part de l'agriculture biologique et de l'agriculture intégrée. Cette augmentation a d'ailleurs été prévue par l'Union Européenne avec le passage en agriculture biologique de 20% de la SAU (Surface Agricole Utile) en 2020.

Quelles mesures fiscales ?

Enfin, les chercheurs se sont demandé quelles mesures fiscales pourraient contribuer à faire baisser l'usage des pesticides.

Ils ont modélisé un système de taxation des pesticides et de subventions qui, associé au conseil et à la formation, pourrait convaincre les agriculteurs de raisonner leur usage de ces produits chimiques. Dans ce modèle, les recettes fiscales issues de la taxation sont intégralement reversées au secteur agricole.

Ils ont ainsi montré que, pour atteindre l'objectif de 30% de réduction, les pesticides devraient être taxés à 100%, alors que l'objectif de 50% de baisse d'utilisation des pesticides nécessiterait une taxe de 180%.

Ces travaux montrent ainsi clairement, pour les chercheurs de l'INRA, que l'usage des pesticides n'est pas indispensable ; qu'une réduction importante de l'utilisation des insecticides, fongicides et herbicides est un objectif tout à fait réaliste du point de vue économique ; et que l'avenir est au développement d'alternatives à l'agriculture intensive.

H de M

Référence :
F. Jacquet, JP. Butault, L. Guichard. INRA
An economic analysis of the possibility of reducing pesticides in French fields crops
http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_nese111035A1.pdf


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