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Merah est mort, Sarkozy parle à Strasbourg.

Publié le 25 mars 2012 par Juan
Merah est mort, Sarkozy parle à Strasbourg. C'était le premier discours officiel du candidat sortant après la tragédie de Toulouse, jeudi soir, à Strasbourg. Le cadavre de Mohamed Merah avait été transféré pour autopsie à Paris. Sarkozy avait lâché son costume de président pour reprendre celui de candidat.
A Strasbourg, Nicolas Sarkozy faisait son show.
L'introduction fut sans détour: « Un assassin a voulu selon ses propres mots « mettre la France à genoux » en semant la haine et la terreur, il a été mis hors d’état de nuire. »
Instrumentalisation maximale
En résumé, Sarkozy développe un argument en trois temps: Mohamed Merah a attaqué la France (« La France aujourd’hui est meurtrie, elle est meurtrie au plus profond d’elle-même par ces crimes odieux perpétrés contre des enfants et contre des soldats désarmés.») , il a menacé nos valeurs (« Ce sont les valeurs de la France qui ont été niées, ce sont les principes de la République qui ont été bafoués »), nous devions être forts car la France est un phare pour l'humanité.
« Ces événements tragiques ont endeuillé la France mais ils nous rappellent ces événements que nous sommes forts lorsque nous sommes unis autour de nos valeurs, que nous sommes faibles quand nous oublions nos valeurs.»
L'instrumentalisation fut maximale quand il se plut à décrire Mohamed Merah: « chercher une explication au geste de ce fanatique, de ce monstre, laisser entrevoir la moindre compréhension à son égard ou, pire, lui chercher la plus petite excuse serait une faute morale impardonnable.»
L'instrumentalisation se poursuivit quand il tacle celles et ceux qui s'interrogèrent sur le contexte de ces attentats. « Non, la France n’est pas coupable, non, il n’y a pas en France un climat qui puisse expliquer ces crimes parce que ces crimes sont inexplicables et inexcusables ! » L'affirmation était un peu courte. Elle contredisait même l'argument sarkozyen largement relayé depuis mercredi sur le danger communautaire. Alors, que fallait-il comprendre ? La France est-elle un pays paisible soudainement attaqué par un malade mental isolé ? Ou souffre-t-elle de tensions communautaires ?
Evidemment, ce jeudi soir à Strasbourg, il n'était pas question pour Sarkozy de s'interroger sur la diplomatie française. L'échec de l'opération afghane depuis qu'il l'a renforcée en 2008 interroge. L'attitude pro-atlantiste du gouvernement français depuis 2007 également. Un moment, Sarkozy eut raison: « ce crime ne sert aucune cause, aucune cause politique, aucune cause religieuse, aucune cause humaine, ce crime abîme toutes les causes. Ce crime doit être regardé pour ce qu’il est, un acte inacceptable pour la conscience, pour la civilisation et pour la société.»
Ah... les valeurs !

A Strasbourg, Sarkozy a promis de ne jamais transiger sur les valeurs. Tout y passa, c'était chic et grandiose, mais quand il était faux et amnésique. Oubliés la chasse aux Roms qui provoqua une indignation planétaire, le soutien affiché aux dictateurs jugées utiles (Bachar el-Assad en 2008-2010, le colonel Kadhafi et ses contrats troubles en 2005-2009; etc), la multiplication des lois de surveillance (visiblement inefficaces) qui inquiètent jusqu'à l'ONU. Oublié le débat sur l'identité nationale de l'hiver 2009/2010, la traque des sans-papiers jusque dans les écoles. La liste est longue et mériterait un billet.
Parfois, sa profession de foi sonnait comme un aveu d'échec sur son propre quinquennat, comme lorsqu'il évoquait les « pompiers auxquels dans certains quartiers on ose jeter des pierres, nous ferons respecter les institutions de la République ».
L'instrumentalisation continuait quand il rappela ses mesures du jour contre le terrorisme, deux machins inapplicables et décidés à chaud et sans analyse. Surtout, il mentit: « Désormais, toute personne se rendant à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme sera punie pénalement d’une peine de prison ! » Il abusa d'un « désormais », comme si ses annonces précipitées de la veille étaient déjà réalité.
C'était faux. Ces annonces n'étaient que des promesses, puisque le Parlement est vacant jusqu'à son renouvellement en juin prochain. Une journaliste du Parisien confia, le lendemain sur TWitter, que le Monarque avait un temps pensé à convoquer le Parlement avant le 6 mai pour mieux « coincer » la gauche. Quel manque de respect pour la démocratie ! Nous sommes en pleine campagne, c'était justement le moment des promesses et des programmes. Pourquoi jouer avec les institutions - et notamment les privilèges de la fonctions présidentielles - pour fausser la compétition électorale ?
Vive de Gaulle !
Chaque année, il se rend au plateau des Glières, dans le Vercors. Il fallait bien que cela serve. A Strasbourg ce jeudi, Nicolas Sarkozy avait besoin d'invoquer de Gaulle. « Mes Chers Amis, en 1947, ici à Strasbourg, Cher Philippe Richert, Chers Amis, le général de Gaulle disait aux Français : "nous nous trouvons désormais dans un univers entièrement différent de celui où notre pays avait vécu pendant des siècles" » Il fallait récupérer ce qui pouvait être récupérer.
Sarkozy voulait ressembler à de Gaulle. Ses exemples étaient spéciaux et spécieux. « La France a des responsabilités particulières en Europe et dans le monde, elle a assumé ses responsabilités la France lors de la conférence de Copenhague sur le climat.» Copenhague ?  Le sommet fut un fiasco. Un vrai fiasco. Des mois de préparations et de mise en scène médiatique, avec Jean-Louis Borloo en tête, pour .... rien. Un peu plus tard, il ré-invoqua de Gaulle. « Souvenez-vous, le général de Gaulle ! » cria-t-il, avant de citer le sauveur de la France libre: « si nous n’étions pas le peuple français, nous pourrions reculer devant la tâche » . Il devait récupérer: « mais, mes Chers Amis, nous sommes le peuple de France, nous ne reculerons pas devant cette tâche ! »
Ses responsabilités, la France « les assumées la France lorsqu’elle s’est interposé au nom de l’Europe dans le conflit où la Géorgie était menacée de disparaitre. » Fallait-il rire ou pleurer ? La Géorgie a été démantelée.
Responsable... ou irresponsable ?
La France aurait aussi assumé ses responsabilités «quand elle a répondu en Côte d’Ivoire à la demande des Nations Unies pour mettre un terme à un déni honteux de démocratie. » Dont acte. Sarkozy avait raison. Il avait tort sur l'ensemble de sa politique françafricaine.
Evidemment, Sarkozy avait besoin de revendiquer sa guerre en Libye, sa seule victoire, une rédemption. Elle devait faire oublier tout le reste. Y compris les sales contrats de livraison de système d'espionnage conclus par Sarkozy avec Kadhafi quand il était ministre de l'intérieur.
Sarkozy, ce jeudi, avait même pu dénoncer « un régime syrien qui assassine honteusement son peuple innocent victime d’un dictateur sans scrupule ». En décembre 2010, le ministre Mitterrand guidait le couple El-Assad dans de riches musées parisiens. C'était il y a 14 mois.
Après de Gaulle, Sarkozy se confondait avec la France. Il débloquait sans doute. Nul ne savait. Ainsi, « C’est la France qui a exigé des Etats-Unis d’Amérique la création du G20, instrument indispensable au rétablissement de la confiance ! ». Barack Obama en est tout retourné.
Sarko, Super-Dupont
« C’est la France qui a réclamé la réforme de la finance mondiale qui nous a amenés au bord du gouffre, la lutte contre les paradis fiscaux, la taxe sur les transactions financières, la lutte contre la spéculation sur les marchés des matières premières et l’avenir de notre agriculture. » La Sarkofrance a réclamé. Sarkozy est toujours très bon pour ce genre de réclamations. Rien ne fut fait.
Ce n'était pas tout. La fin du discours approchait et Sarkozy s'envolait vers d'improbables cieux narcissiques. « C’est la France, mes Chers Compatriotes, mes Chers Amis, qui a entraîné toute l’Europe dans le soutien à la Grèce menacée de faillite ». On se pinçait. Le gars nous prenait pour des cons. Pardonnez l'expression.
Un moment, nous avons cru à un éclair de lucidité: « Au nom de la stabilité, nous avons toléré des régimes qui n’avaient rien à voir avec les valeurs qui étaient les nôtres ! » Que nenni ! Sarkozy pensait à l'Union soviétique, disparu voici 20 ans !  Le gars était Hibernatus.
« Au nom de la stabilité, nous avons accepté pendant des décennies que presque 100 millions d’Européens ne bénéficient pas de la liberté, la liberté pour nous, la dictature pour eux au nom de la stabilité. »
Réécrire l'histoire
Il y eut cette phrase, un truc incroyable: « Avec les printemps arabes, la France a senti que sa place ne pouvait être qu’aux côtés des peuples, des peuples qui voulaient se libérer ». On se souvenait pourtant de la ministre Alliot-Marie en voyage touristique en pleine révolution tunisienne. Ou des vacances d'Etat de François Fillon en Egypte pendant cet autre printemps. On se souvient de la livraison de grenades lacrymogènes au régime de Ben Ali, quelques 4 jours avant la chute du régime.
Mais attention, pour ces nouvelles démocraties, Sarkozy sera vigilant, et davantage qu'avec les autocraties d'il y a un an: « Mais avec la même franchise je veux dire à ces nouveaux régimes que nous avons soutenus et que nous aiderons que pour nous le respect des minorités ça ne se discute pas, le respect des libertés religieuses y compris pour les chrétiens d’Orient ça ne se discute pas ! Les droits de l’homme et les droits de la femme ça ne se discute pas ! » Tolérant avec Ben Ali, inflexible avec la jeune démocratie tunisienne, il est comme ça Sarkozy. Il a changé.
Pour ce monde nouveau, Sarkozy avait plein d'espoir. Comment le croire ? La rhétorique est souvent ridicule: « ce monde nouveau nous devons l’aider à naître car le monde ancien n’en finit plus de mourir et le nouveau a du mal à naître, c’est à la France de l’aider à naître ». sarkozy se prenait pour une sage-femme. « Le message de la France est simple, nous n’avons pas le droit d’échouer. » Il avait échoué pendant 5 ans.
Il clama quelques preuves, mal choisies et peu crédibles: « Si la France ne croit pas à la taxation des transactions financières, personne ne le fera ! » La fameuse taxe décidée par Sarkozy n'était que le rétablissement de l'impôt de bourse qu'il avait supprimé. « Si la France ne lutte pas pour un new deal économique et écologique planétaire, qui le fera à notre place ? » Vraiment ? L'organisation des G20 et G8 par la France l'an passé fut un fiasco retentissant.
A Strasbourg, Nicolas Sarkozy voulait encore défendre la réintroduction de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. « Mais la France, je veux le dire, est plus forte avec ses alliés que toute seule. S’il en est qui veulent rompre l’amitié avec les Etats-Unis d’Amérique, qu’ils le disent aux Français ! » C'était curieux. Qui réclamait de rompre nos relations diplomatiques avec les Etats-Unis ? Personne. Mais Sarkozy avait besoin de nous raconter une histoire. Il était Don Quichotte, il s'inventait des obstacles, des ennemis: « On ne peut pas avoir d’alliés, on ne peut pas avoir de partenaires, si l’on ne respecte pas la parole donnée. »
Décisions improbables
Il pensait qu'il avait pris des décisions difficiles. Lesquelles ? Le bouclier fiscal ? «  Quand on est chef de l’Etat, on n’a pas que des décisions faciles à prendre, on a même que des décisions difficiles ».
Il eut parfois des paroles improbables. « La France au Moyen-Orient, son honneur, c’est de ne pas choisir entre ses amis ».
« Si les Français me font à nouveau confiance, je me rendrai d’abord en Allemagne pour redire au peuple allemand l’amitié indéfectible du peuple français et sa volonté de construire avec lui un destin commun.» Il avait raison de prévoir d'aller rencontrer Angela Merkel dès sa réélection plutôt que de retourner au Fouquet's. La chancelière allemande, qui avait rapidement soutenu le candidat sortant, s'en est détachée dès le lendemain.
Promesses futiles
Evidemment, s'il était réélu, tout serait à nouveau possible. Ces nouvelles promesses, après 5 ans de gouvernance, en étaient drôles. Ainsi, il irait nous résoudre le conflit Israël/Palestine...  « Mais sitôt après, je me rendrai auprès du peuple israélien et du peuple palestinien et la France leur proposera une initiative pour faire avancer la paix.» Bien sûr....
Ce jeudi en fin d'après-midi, Nicolas Sarkozy dut s'attarder un peu sur l'Alsace. Il fallait bien satisfaire l'assemblée de militants locaux.
Mais le plus incroyable fut cet aveu final, incroyable aveu d'une confusion des genres, président et candidat.
« Alors, mes chers amis, ce soir, dans cette réunion si particulière, à un moment si particulier, au moment où, dans la même journée, je me dois d’être président de la République face à la douleur des victimes, président de la République face à des décisions graves, président de la République garant de l’unité de la nation, et en même temps candidat, candidat parce qu’il y a un rythme démocratique, ici, dans cette journée si particulière, je vous ai fait mon discours en pensant à l’étrangeté de cette journée. Je veux vous dire une chose : Aidez-moi, aidez- moi, aidez-moi, aidez-moi à construire cette France qui entraînera le monde sur la voie d’un nouvel ordre mondial. Aidez-moi à construire l’Europe forte. Françaises, Français, j’ai besoin de vous ! Vive l’Alsace ! Vive la France ! Vive la République !»

Fallait-il l'aider ?
Non


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