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Les accords d’Evian : un cinquantenaire sans tambour, ni trompette

Publié le 26 mars 2012 par Alex75

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Le 18 mars dernier était célébré le cinquantenaire, des fameux accords d’Evian et le 19 du cessez-le-feu, en Algérie alors encore française. Mais en réalité, cela reste une façon de parler, presque une figure de style, car justement rien n’a été célébré, à proprement parler, sur les deux rives de la Méditerranée. Le secrétaire d’Etat aux anciens combattants, l’a d’ailleurs précisé : « La France n’organisera aucune commémoration nationale, pour cet anniversaire ». A savoir un anniversaire, que personne ne célèbre, une paix qui n’était qu’un cessez-le-feu, une victoire militaire écrasante de la France, mais aussi et surtout une défaite politique. Plutôt même un lâche soulagement, une page douloureuse se voyant ainsi enfin tournée, suivie par des meurtres en série, il convient également de le rappeler – par la nature également du conflit, exceptionnellement cruel -, des enlèvements de pieds-noirs par centaines – comme à la faveur des évènements d’Oran -, des Harkis massacrés par milliers. Chacun se retournait subitement contre les siens, l’armée française tirant sur des Français, à la faveur de la fameuse fusillade de la rue d’Isly, le FLN exécutant dans des conditions atroces, tous les Arabes ayant servi aux côtés de l’armée française.

Des valises  par millions, des cercueils par milliers, ce fut également le début terrible exode des pieds-noirs. Des Français présents sur cette terre, parfois depuis des générations, qui s’y sentaient souvent chez eux, victimes de certains tournants pris occasionnellement par l’Histoire -ici, celle du colonialisme -, pouvant ainsi broyer cruellement certains destins humains à elle, attachés. Il est vrai, cette terre, l’Algérie -ainsi baptisée par le général Bugeaud-, avait toujours été une proie des conquêtes, depuis plusieurs siècles : le Romain, l’Arabe, l’Espagnol, l’Ottoman, enfin le Français. La violence, une certaine forme de cruauté, à savoir une habitude séculaire, presque une seconde nature dans cette contrée. Les Français avaient débarqué en 1830, pour prendre à la gorge les pillards barbaresques, écumant la côté méditerranéenne depuis leur nid de corsaires algérois. Pour conquérir l’intérieur des terres, le général Bugeaud appliqua, pour vaincre les fières tribus arabes et berbères, les méthodes musclées qu’il avait vu utiliser par la Grande Armée de Napoléon, contre la guérilla espagnole. Férocité garantie.

Mais à la même époque, les colonisateurs anglo-saxons (la Louisiane avait été vendue aux Etats-Unis d’Amérique, par Napoléon, vingt-cinq ans plus tôt, et l’on découvrait de l’or à l’ouest des Rocheuses, où poussèrent des centaines de milliers, puis des millions de colons), il est vrai, exterminaient et spoliaient méthodiquement leurs populations indigènes : Indiens d’Amérique, ou encore Aborigènes d’Australie. A partir de là, les rapports de force démographiques expliquent tout. Le petit million de pieds-noirs et de juifs assimilés, qui choisirent massivement le parti de l’Algérie française, puis la voie de l’exil dans la lointaine métropole, refusa systématiquement, tout ce qui aurait donné aux dix millions de musulmans, la domination démocratique (en particulier, certains gros colons, bloquant toutes réformes, la majorité des pieds-noirs restant souvent des petites gens, habitant les quartiers européens d’Alger, Oran ou Constantine, au niveau de vie lègèrement inférieur à celui du Français moyen, en métropole).

Le général de Gaulle lui-même, était hanté par cette question démographique. Il confiait ainsi au brillant Alain Peyrefitte, « qu’il ne voulait que son village de Colombey-les-deux-Eglises, ne devienne Colombey-les-deux-Mosquées ». Il traitait ainsi les partisans de l’assimilation, de « cervelles de colibris ». Il poussa « la raison d’Etat glacée », jusqu’au refus catégorique d’accueillir les harkis, qu’il savait en danger de mort (même si quelques dizaines de milliers, parvinrent tout de même à venir se réfugier en France, en particulier dans les départements du Gard, de l’Hérault et des Bouches-du-Rhône, à la faveur souvent de la constitution réseaux d’entraide et de complicités nouées à titre amical, au sein de leurs unités, avec certains sous-officiers / officiers métropolitains).

Et il n’avait par ailleurs, aucune compassion affichée pour les pieds-noirs, qu’il méprisait, les considérant comme des damnés de l’Histoire et n’oubliant pas également, avec profonde amertume, qu’il lui avait préféré le général Giraud, en 1943, à la faveur du débarquement anglo-américain en Afrique du nord. Il jugeait que le développement économique, coûterait trop cher à la France. Il tentait surtout à un moment de préserver le pétrole du Sahara, que la France avait découvert dans les années 50. Mais il était pressé d’en finir. Devant l’obstination du FLN, il n’insistait pas, et le Sahara français devint indépendant en 1965. Ces-derniers ont eu raison d’ailleurs, « de ne pas lâcher le morceau ». Les hiérarques du FLN vivent encore grassement aujourd’hui, de cette rente pétrolière, et également gazière, par la découverte du gisement de Siddi Messaoud. On comprend alors, pourquoi personne ne célèbre cette fin d’hostilité. L’Algérie attend le mois de juillet, pour fêter la proclamation de son indépendance, à la faveur du référendum sur l’auto-détermination, proposant la voie de la collaboration entre la France et une Algérie, alors Etat indépendant.

La France était alors heureuse de récupérer ses petits gars du contingent. Le malheur des pieds-noirs, lui était largement indifférent. Depuis elle a compris. La gauche anticolonialiste exaltait alors, la grandeur des rebelles algériens. « Elle a appris depuis, qu’ils s’étaient transformés en tyrans exploiteurs et sanguinaires », dixit E. Zemmour. La guerre civile contre les islamistes des années 90, à la faveur de la victoire confisquée puis annulée du FIS, aux élections de 1988, fut au moins aussi féroce, et meurtrière, que la guerre d’indépendance elle-même. Entretemps, des millions d’Algériens ont traversé la Méditerranée, en sens inverse des anciens flux coloniaux. Dans les banlieues françaises, certains jeunes gens, nés ici, faibles d’esprit, s’imaginent encore qu’ils rejouent contre les policiers républicains, à la guerre d’Algérie. Comme si cette histoire, ne s’achevait jamais.

   J. D.


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