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Les événements de Toulouse peuvent-ils changer la donne à moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle ?

Publié le 28 mars 2012 par Delits

Délits d’Opinion a interrogé il y a quelques jours, alors que Mohamed Merah était toujours retranché, Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique & Opinion de Harris Interactive, qui dressait, en s’appuyant notamment sur des « précédents »,  différents scénarii possibles de l’impact politique des événements de Toulouse en mentionnant qu’il était pour l’heure difficile de savoir lequel l’emporterait. Alors que le siège de l’appartement du suspect s’est depuis conclu par la mort de ce dernier dans l’assaut du RAID et que les premières enquêtes d’opinion post-dénouement sont parues, voyons, même s’il est encore sans doute trop tôt pour tirer des conclusions définitives, comment ces différents scénarii se précisent ou s’estompent.

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Les Français saluent la réaction de Nicolas Sarkozy

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Deux sondages ont interrogé les Français sur leur perception de l’attitude adoptée par les différents candidats à l’élection présidentielle suite à ces événements et tous deux présentent des conclusions proches. Selon le sondage TNS Sofres-Mediaprism pour I-Télé, dont le terrain s’est déroulé le 22  mars, soit le jour même de la mort de Mohamed Merah, 74% des Français estiment « à chaud » que le Président en fonction et candidat, Nicolas Sarkozy, a eu, dans ses réactions aux drames de Toulouse et Montauban, une attitude qui convient, et même 41% tout à fait. Ce large score montre que Nicolas Sarkozy a su convaincre de sa bonne posture au-delà de son propre camp. Alors même que sa manière d’incarner la fonction présidentielle a souvent été source de critiques depuis le début de son mandat, Nicolas Sarkozy est en effet aux yeux des Français apparu à la hauteur de sa fonction présidentielle (76%) et soucieux de préserver l’unité nationale (72%) en ne stigmatisant aucune communauté (76%). Qui plus est, il apparait aujourd’hui largement comme le candidat auquel les Français font le plus confiance sur les questions de sécurité (33% contre 17% pour François Hollande et 12% pour Marine Le Pen) alors même qu’il y a encore quelques mois, il était davantage concurrencé sur ce thème. En effet, dans un sondage réalisé par Harris Interactive pour l’Humanité Dimanche auprès des catégories populaires en janvier dernier, Marine Le Pen était désignée par les employés et ouvriers comme la candidate la plus capable d’assurer la sécurité des biens et des personnes (25% contre 12% pour Nicolas Sarkozy). Il semblerait ainsi que le drame de Toulouse et la réaction de Nicolas Sarkozy participent à la restauration de la crédibilité du Président sortant sur ce thème.

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Les autres candidats peinent à recueillir l’assentiment des sympathisants du camp adverse

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François Hollande est le seul autre candidat à bénéficier d’une majorité de perceptions positives. Ainsi, 56% des Français estiment dans cette enquête TNS Sofres que lui aussi a su adopter la bonne attitude, dont 18% tout à fait. Marine Le Pen est créditée d’une bonne réaction par 43% des Français. François Bayrou par et Jean-Luc Mélenchon, qui tous deux ont fait part de leur intention de ne pas mettre leur campagne entre parenthèses, ont eu une attitude positive selon  respectivement 41% et 36%. Enfin, 27% considèrent qu’Eva Joly a bien agi face à ces événements. Si ces chiffres sont bien entendu à mettre en regard avec la visibilité médiatique de chacune de ces personnalités dans le cadre de cette séquence dramatique, reste qu’on saisit bien que face à ces événements, ce sont les « présidentiables », et en premier lieu le Président sortant candidat à sa propre réélection, qui sont perçus comme ayant le mieux réagi.

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Le sondage Harris Interactive pour VSD et LCP, réalisé du jeudi après-midi au lundi matin, et prenant par conséquent davantage en compte les commentaires ayant suivis le « dénouement » de l’affaire, confirme ces chiffres, avec quelques nuances. En effet, Nicolas Sarkozy et François Hollande demeurent les seuls candidats dont l’attitude est majoritairement jugée positive. Ainsi, 65% des Français estiment que le chef de l’Etat a fait montre d’une bonne attitude à la suite des événements s’étant récemment déroulés à Montauban et à Toulouse, et 32% une très bonne attitude. 59% portent un jugement identique à l’égard du candidat du Parti Socialiste, dont 17% une très bonne attitude. On le voit, si les chiffres évoluent peu pour François Hollande, on constate qu’un peu plus « à froid », les Français se montrent un peu moins unanimes à l’égard de la réaction de Nicolas Sarkozy. Reste qu’il est le seul candidat dont la réaction est majoritairement jugée positive à droite (96%), à l’extrême-droite (68%), au centre (73%) et à gauche (50%). L’attitude de François Hollande a été appréciée par 80% des sympathisants de Gauche, 69% des sympathisants du MoDem, 44% des sympathisants de Droite et 35% de ceux du Front National.

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Notons que dans cette enquête, une majorité relative de répondants indiquent avoir trouvé l’attitude de Marine Le Pen mauvaise (47% contre 37% bonne, les autres ne se prononçant pas). Ces premières enquêtes d’opinion semblent ainsi démentir un éventuel scénario calqué sur celui de « Papy Voise » en 2002, qui aurait selon certains commentateurs conduit à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen semblant peu « profiter » de cet événement. Les proportions pour François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon,  et Eva Joly sont respectivement de 45%, 40% et 24% de bonnes attitudes, chacun étant bien jugés par son propre camp avant tout. Tous les autres « petits » candidats semblent toujours pâtir d’un manque de visibilité en la matière.

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Ces premières données semblent ainsi traduire une « prime au sortant », ayant su mettre en parenthèse sa campagne et incarner la stature présidentielle. Le 22 mars, une majorité de Français – 54% – considérer ainsi dans un sondage TNS Sofres pour Mediaprism sur les dynamiques de campagne que Nicolas Sarkozy était en train de gagner des points pour l’élection quand 40% estimaient que François Hollande était en train d’en perdre. Toutefois, on observe d’ores et déjà qu’entre les deux enquêtes, la perception d’une partie des Français a pu évoluer, les interrogations sur les modalités d’intervention du RAID et sur le suivi policier de Mohamed Merah  au cours des dernières années rejaillissant sans doute en partie sur le jugement porté à l’égard de Nicolas Sarkozy avec un moindre réflexe de légitimité et d’union nationale et le retour à une lecture plus partisane des attitudes des uns et des autres. Ainsi, en fonction des débats qui prendront le dessus au cours des prochains jours et prochaines semaines dans les médias, tout laisse à croire que ces perceptions pourront encore évoluer.

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Les intentions de vote montrent une progression de Nicolas Sarkozy au premier tour mais pas suffisante pour changer profondément le rapport de forces au second

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Pour le moment, les premières intentions de vote post drame de Toulouse confirment la montée de Nicolas Sarkozy au premier tour, entamée avant même ces événements dramatiques. En effet, l’ensemble des sondages parus suite aux tueries donnent Nicolas Sarkozy en hausse et à égalité ou devant son principal adversaire, François Hollande, même si ce dernier « résiste » bien. Ainsi, selon un premier sondage CSA pour BFM TV, RMC, 20 Minutes et CSC paru le 22 mars et réalisé partiellement après le début des événements, Nicolas Sarkozy arrive en tête au 1er tour (30%, +2), devant François Hollande (28%, stable). Tandis que Jean-Luc Mélenchon (13%, +2 points), Marine Le Pen (13,5%, -2,5) et François Bayrou (13%, stable) sont au coude à coude. Données confirmées par le rolling réalisé par l’IFOP : l’enquête  en continu Ifop-Fiducial pour Paris Match indique ce mardi 27 mars une courte avance pour Nicolas Sarkozy avec 28% des suffrages exprimés, contre 26,5% pour le représentant socialiste. Marine Le Pen est créditée de 16% des intentions de vote, à la baisse, Jean-Luc Mélenchon de 13,5% et François Bayrou de 12%. Quant au baromètre Harris Interactive pour VSD et LCP, il place également pour la première fois Nicolas Sarkozy en tête avec une courte avance devant François Hollande (28% contre 27% ; 16% pour Marine Le Pen, 13% pour Jean-Luc Mélenchon et 11% pour François Bayrou).

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Toutefois, toutes les enquêtes continuent à donner Nicolas Sarkozy battu au second tour avec au moins 3 points de retard sur son adversaire socialiste. Pour le moment, les événements de Toulouse ne semblent donc pas de nature à provoquer de bouleversements et  ramener massivement aux urnes des anciens ou nouveaux électeurs de Nicolas Sarkozy. Peut-être parce que les Français placent largement en tête de leurs préoccupations l’emploi (56%) et le pouvoir d’achat (34%), loin devant la sécurité des biens et des personnes (19%) dans les dernières enquêtes réalisées (ici, chiffres tirés d’une enquête CSA du 19 et 20 mars, soit mentionnons-le avant le dénouement de l’affaire de Toulouse mais après les meurtres perpétrés).   De plus, une enquête de l’IFOP pour Ouest-France, réalisé après les sept meurtres de Mohamed Merah à Montauban et Toulouse les 22 et 23 mars, montre que « seuls » un peu plus d’un Français sur deux (53%)  juge «élevée» la menace terroriste en France, soit  beaucoup moins qu’en 2011, après la mort d’Oussama Ben Laden (78%) ou qu’en septembre dernier (60%).

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Certes, la séquence ouverte par les événements de Toulouse et la réapparition du thème sécuritaire dans la campagne semble plutôt bénéfique à Nicolas Sarkozy et provoque dans les intentions de vote le croisement des courbes au premier tour. Mais en l’état actuel de l’Opinion, les perceptions de Nicolas Sarkozy, de sa personnalité et de son bilan, souvent assez tranchées, n’apparaissent pas pouvoir, au vu de ce dramatique événement émaillant la campagne, se renverser suffisamment pour constituer un véritable séisme politique. Sa mention de « musulmans d’apparence » dans une interview à propos de l’affaire de Toulouse risque en outre de conforter des lectures plus tranchées de son attitude. A moins que de nouveaux faits, nouvelles révélations ou erreurs politiques de ses concurrents ne surviennent, cet élément en tant que tel ne suffit pas à relancer pleinement le Président sortant.


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