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Sarkozy: comment des médias alimentent le suspense.

Publié le 30 mars 2012 par Letombe
Sarkozy: comment des médias alimentent le suspense.

Il voudrait encore nous faire croire qu'il est le candidat du peuple contre les élites, les puissants et l'éditocratie. Et certains médias commencent à le croire. Fallait-il que ces derniers soient crédules !
Cela fait déjà 15 jours que l'on nous racontait la même histoire, en vain. Rien ne changeait, ou si peu. Et pourtant, il y avait eu ce drame ignoble, à Toulouse. Rien n'avait changé. Mais certains hurlaient à coups de sondages que « CA BOUGEAIT !!!!».
Nous observions Nicolas Sarkozy, dans son nouveau rôle de composition.
Avant le drame de Toulouse, il avait successivement malmené Laurence Ferrari (TF1), David Pujadas (France 2), Patrick Cohen de France Inter et un pauvre jeunôt de LCI. Il avait croqué l'entière équipe du Grand Journal de CANAL+, malmené . Il avait séduit la Matinale d'Europe1 de Bruce Toussaint puis bâché François Bachy de TF1, requalifié de biographe de François Hollande en public et en prime time. Arnaud Leparmentier du Monde s'était amusé de cette stratégie si voyante du Président des Riches.
Pourtant, ce dernier continuait.
De meetings en déplacements, il continuait à jouer au candidat challenger qu'on empêcherait de parler. Ainsi à Nîmes, jeudi 29 mars, « Je parlerais de ce que je veux, quand je veux, ou je veux personne ne me dictera mes choix ! ». Il se réclamait de la France silencieuse. Il continuait de chatouiller l'extrême droite, en évoquant une France «submergée par une vague incontrôlable ». Que pouvait penser le centriste sincère ?
Sarkozy avait pourtant bien des soutiens, et d'abord ses sondages, mitraillés chaque matin sur toutes les ondes, toutes les chaînes. On mélangeait les instituts, les formules, les médias, les échantillons. On ne savait plus qui avait demandé quoi et quand ni comment. Mais le « bruit » était bien là. Il fallait comprendre la presse, elle avait besoin de suspense, de surprise, de rebondissements. Un scrutin présidentiel est un évènement programmé qui se devait être réussi.
Sarkozy avait aussi le soutien presque discret mais affiché de la presse financière (BFM, Les Echos), et ceux grossiers et propagandistes du Figaro et de quelques éditorialistes. Ecoutez Olivier Mazerolle sur BFM-TV. Jeudi, le Figaro lança ce fantastique sondage auprès des militants de l'UMP, François Hollande pouvait-il perdre ? Sans rire. Le quotidien de l'avionneur Dassault avait encore des doutes. D'autres se projetaient sur la réélection de Sarkozy. Ainsi le flou-mou Michael Darmon s'amusait à confier, ce jeudi sur iTélé: « Si Nicolas Sarkozy est réélu Carla Bruni-Sarkozy suivra de près la recomposition des équipes de l'Élysée ». Il fallait croire que la réélection pouvait être possible.
D'autres encore, surtout au Point, n'hésitaient plus dans l'exubérance. Lisez ainsi cette surprenante chronique de Saïd Mahrane: « Quand Sarkozy promet "une surprise" » Et de préciser: « Le candidat poursuit sa remontée spectaculaire et rêve tout haut de créer "la plus grande surprise électorale de la Ve République".» Où avait-il lu cela ?  De quoi parlait-il ? Saïd Mahrane est un encore trop jeune polémiste du Point qui aimerait se faire une place dans la mediasphère de droite. Pour enfoncer sa thèse du jour: « Sarkozy nous disait, l'autre jour, qu'il créerait "la plus grande surprise électorale de l'histoire de la Ve République." Et s'il disait vrai ? » Le garçon est coutumier de ces coups d'éclats laborieux, cela remonte à loin, presque une revanche. Mi-mars, Mahrane adorait la prestation de Jean-François Copé face à Hollande. Un peu plus tôt, il s'inquiétait des heurts de Bayonne (« Nicolas Sarkozy : "J'irai où je veux sur le territoire"»).
Depuis près d'un an, Nicolas Sarkozy oscille entre 25 et 30% de popularité, et les sondages de second tour affichent encore des écarts faramineux. Pourtant, une certaine presse s'emballait.
Aidé par ces journalistes (re)convertis à sa cause, Nicolas Sarkozy voulait donc nous faire croire à une nouvelle « divine surprise ». «Une campagne ne se joue pas sur les sondages mais sur les émissions, les audiences, les salles, le nombre de gens… La façon dont ils écoutent. Le sentiment qu'on a dans les salles… On fait des salles qu'on ne faisait pas en 2007! C'est immatériel, c'est un sentiment. Mais les mouvements de fond, on les sent venir avant les sondages.» L'homme du Fouquet's proche du peuple, intuitif avec la France d'en bas... On croyait rêver. Depuis 3 ans, il ne se déplace qu'encerclé par des centaines de CRS ou gendarmes, dans des petits villages bouclés. Il ne s'exprime que devant des assistances choisies et invitées sur carton. Aujourd'hui, il aimerait nous faire croire qu'il « sent » le peuple. Il souriait, forcé et forçant le trait.
Depuis des mois, ses conseillers nous promettent l'effondrement du rival socialiste. Malgré l'ignoble séquence sécuritaire de la semaine passée, la mayonnaise ne prend pas. Le candidat des Riches se fait rétamer dans tous les scénarios.
Il choisit aussi ses sondages. Il n'a pas aimé cet autre d'Ipsos, relayé par Rue89. Le Figaro n'en avait cure, et pour cause. « Nicolas Sarkozy est moins que jamais le « candidat du peuple ». Marine Le Pen n'est plus la candidate des ouvriers. Jean-Luc Mélenchon mord dans la France populaire. François Hollande réconcilie les différentes France. »
En coulisses ou en public, le candidat sortant n'est pas le même. Il n'aurait pas traité François Hollande de nul. Promis, juré, craché. L'information avait été livrée le weekend dernier par Philippe Ridet, ancien correspondant fasciné de la campagne de 2007 pour le Monde, s'était à nouveau exercé pour 8 jours à faire de même avant le grand meeting de Villepinte. Le compte-rendu fut savoureux à lire dans le magazine du Monde, samedi 24 mars. Mais le 26 mars, Nicolas Sarkozy en personne avait démenti son propos. Sans rire... L'homme n'avait pas ce courage -là.
Jeudi, Nicolas Sarkozy a fait siffler le nom des « actionnaires qui ont le coeur à gauche » de Publicis, dont le PDG Maurice Levy allait recevoir quelque 16 millions d'euros de bonus. Pour un peu, la crise financière allait être la faute du parti socialiste... Curieuse et puérile attitude... Le Président des Riches faisait mine de croire que le bonus du PDG était décidé par des actionnaires, que la gauche était forcément caviar, que François Hollande manigançait tout cela. Il était tel Louis XVI qui masquait sa crainte de cette rage populaire qui montait. Le matin même, son ministre des finances François Baroin défendait pourtant le dit PDG...
Ami journaliste, ne t'emballe pas.


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