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Au sujet de Brovès

Publié le 30 mars 2012 par Goure

Au sujet de BrovèsAu sujet de Brovès

J'ai reçu d'un lecteur du Toupin  un article relatif à Broves. Merci de sa participation . Voici l'article ci-dessous:

 "La végétation se raréfie, le caractère âpre de la montagne se précise. Là commence le climat des Alpes, l'aridité du sol en fait foi. Tout devient sauvage, agreste, mélancolique. A l’entour, le sol est rocailleux, désertique, truffé d’avens. Des roidous de sanguins (Ronds de lactaires délicieux et des touffes éparses de férigles odorantes (thym) et d'aspics  y poussent. C’est le plan de Canjuers, (Camp de Jules).

Déjà en février 1931, l’armée repère ce terrain et en parle au maire de Brovès Achille Lambert. Après la guerre, vers 1950, les écoles à feux (entraînement au tir au canon) reprennent et on envisage un agrandissement de ce champ de manœuvres que l’on délimite.

En 1955, le préfet convoque les maires et expose le projet de création d’un polygone de 35 000 hectares, le 28 juillet, le conseil général du Var le rejette et exige d’être consulté !

La décision de création est prise en octobre 1962, alors que la France vient de perdre l'Algérie et réorganise son dispositif militaire. Il s'agit de profiter d'un lieu propice aux entraînements toute l'année. Le plan est peu peuplé, occupé par quelques fermes qui pratiquent l'élevage du mouton (autour de 20 000 têtes). Le village de Brovès  , inclus dans le camp, gêne. Treize autres] communes doivent être amputées.

Mais il faut attendre 1963 pour que les maires concernés s’opposent formellement. Le dimanche 21 avril 1963, une manifestation est organisée, à 9h, la départementale 25 traversant Brovès est barrée par 2 tracteurs, une presse à fourrage, une batteuse et un camion-citerne. Des banderoles proclament : « Nous sommes là par le travail de nos aïeux. Nous n’en partirons que par la force des baïonnettes. » ou « Touristes, admirez ce village et sa campagne, l’armée nous chasse. Aidez-nous à les conserver. » Le lendemain, les maires commencent une grève administrative et le 27 avril, Pompidou, 1er ministre de passage à Toulon, déclare: « Tout est signé pour Canjuers ! »

14 juin 1963 : Après débats, le Conseil Général envoie une question écrite déposée par André Delpui (Conseiller Général Callas) et Ernest Maunier (CG Comps) au Préfet. « Nous tenons à faire connaître solennellement et avec force notre opposition à la décision arbitraire du gouvernement qui met les élus et les populations devant le fait accompli » Réponse du préfet : « En matière de défense nationale le gouvernement peut agir… en usant de la mesure spéciale d’expropriation… cette procédure secrète autorise les pouvoirs publics à ne pas respecter la décision de l’assemblée départementale. » L’indemnisation s’élèverait à 1 300 francs  l’hectare !

Messmer, ministre des armées, enfonce le clou : « il n’est donc pas possible de différer pendant un laps de temps indéterminé l’évacuation totale des habitants » Félix Lambert, le facteur-maire de Brovès demande à être reçu par Pompidou. Le syndicat de défense du Haut-Var publie un article: « L’attitude n’est pas la résignation, … [Les habitants de Brovès] n’admettent pas comme un fait acquis la réalisation du projet … nous attendons seulement que Monsieur le premier ministre veuille bien nous recevoir. » 

14 octobre 1963 : Pompidou reçoit une délégation varoise  et affirme : « Il n’y aura jamais de tirs atomiques à Canjuers. Les tirs auront lieu 60 jours par an, quelques heures par jour avec préavis. Le village de Brovès et la commune de Comps seront épargnés. ». L’espoir renaît.

3 novembre 1963 : Nouvelle manifestation antimilitariste et pacifique organisée par le PC contre la force de frappe qui rassemble un millier de personnes à Brovès.

Février 1964 : L’étude commandée à Messmer conclut : « Aucune possibilité d’exclure les localités de l’emprise du futur camp ! » Le maire déclare : « Adieù païs ! Brovès es foutu ! »

Des brèches s’ouvrent entre ceux qui perdent tout et les autres propriétaires fonciers non résidents.

14 septembre 1964 : Publication du décret déclarant d’utilité publique la création d’un champ de manœuvres et de tirs dans la région de Canjuers. Un mémoire est adressé aux autorités politiques et militaires.

15 décembre 1965 : Elections présidentielles où tous les électeurs de Brovès votent blanc, écrivant « Sauvez Brovès » sur leur bulletin.

17 mars 1967 : Publication de l’arrêté ordonnant l’enquête publique. Tous les intéressés expriment naïvement leur opposition totale. Et le 25 avril, le commissaire enquêteur rend un avis favorable à l’installation du camp.

Le 5 août 1969, malgré toutes les processions et les prières à la St Romain, le verdict tombe « déclarons, en tant que de besoin, expropriés immédiatement pour cause d’utilité publique les immeubles etc.… »

En fait, les principales manifestations de protestation ont eu lieu trop tard, au début des années 1970, mimant la lutte menée au Larzac. Les travaux à Canjuers commencent.

4 août 1970 : Brovès est rattaché à Seillans, fermeture administrative de la mairie.

Le 15 décembre 1970, un journaliste TV interroge Michel Debré, ministre de la défense visitant le camp avec son conseiller Aymeric Simon-Lorière : « On a l'impression, monsieur le ministre, que le Midi méditerranéen devient une vaste région militaire. Est-ce que cela ne va pas compromettre l'évolution touristique ?

- D'abord, … le fait que de nombreux jeunes viennent ici, … fera mieux connaître la région. Et que bien des jeunes qui seront venus ici faire leur service militaire … auront ensuite le désir de revenir, … en loisir, pour passer quelques jours. Donc ce sera peut-être un élément, au contraire, de meilleure connaissance et de publicité. »

 Le camp est opérationnel en 1971. Les expropriations d’un millier de propriétaires sont terminées.

17 janvier 1974, l’armée envoie une lettre recommandée à chaque Brovésien « pour éviter tout incident j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir prendre vos dispositions pour libérer votre propriété le 1er avril 1974. » Les moutons s’en vont, les militaires arrivent.

10 avril : Attribution des lots du lotissement à Seillans. L’expulsion des derniers habitants a lieu le 7 juin 1974. Cinquante camions, une grue, des soldats, des journalistes, entrent dans le village. L’électricité et l’eau sont coupées… Dès le lendemain des plaques sont apposées sur les portes : « Propriété privée. Défense d’entrer » Affolement ! Le lotissement n’est pas commencé ! Les Brovésiens sont à la rue pour quelques semaines. Ce n’est qu’en août, que les 70 habitants seront transférés à Seillans. Seuls la fontaine, le monument aux morts et les sépultures ont été déplacées.

La création du camp s'est faite en accord avec les politiques locaux. Soldani , maire de Draguignan, la défend ardemment. Il y voit une opportunité pour sa ville, à la recherche de développement, la droite locale, elle, une occasion politique pour affaiblir à terme l'ancrage à gauche de la région".

La suite prochainement.

Les anciens d'Ampus qui ont connu Canjuers avant le camp aiment toujours y aller lorsque des excursions sont organisées. Ma mère y était allée plusieurs fois et moi-même j'y suis allée deux fois. Voici le compte-rendu d'une sortie  en 2009, avec des photos et une video sur Broves.


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