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Quand Nicolas Sarkozy ressuscite le spectre du 11 septembre

Publié le 31 mars 2012 par Variae

« Le traumatisme de Montauban et Toulouse a été profond dans notre pays, un peu – je ne veux pas comparer les horreurs – un peu comme le traumatisme qui a suivi aux États-Unis et à New York l’affaire de septembre 2001, le 11 Septembre. ».

 

Quand Nicolas Sarkozy ressuscite le spectre du 11 septembre

De l’art de manier la prétérition. Sur Europe 1, Sarkozy dit qu’il ne veut pas comparer les horreurs, mais de fait, il les compare. Soit : il faudrait donc, avec une sorte de balance des atrocités, soupeser les impacts comparés d’un avion qui fait s’effondrer des tours, et d’un tueur fanatique qui lance des raids contre des militaires et des enfants. N’en déplaise au président sortant, cela n’a pourtant tout simplement pas de sens de comparer 6 morts à plusieurs milliers. Le 11 septembre n’est ni pire, ni moindre que Toulouse et Montauban : il n’entre pas dans la même catégorie d’événements, ne serait-ce que parce qu’il était totalement inattendu et a ouvert une période – celle où nous vivons actuellement – où justement la menace du terrorisme fondamentaliste est une donnée structurelle de notre existence. Le 11 septembre marquait en quelque sorte un changement d’ère, la fin des années 90 et de leur prétendue « fin de l’histoire ». Montauban et Toulouse sont des drames tardifs de l’ère du 11 septembre. Des crimes odieux, mais d’un autre type.

Des crimes, effectivement, qui ont marqué les esprits, avec le soutien actif de certains médias (chaînes d’info en continu tout particulièrement) mais aussi de responsables politiques qui ont joué la carte de leur dramatisation. Pour autant, on peut être, là encore, moins affirmatif que Nicolas Sarkozy sur le « traumatisme profond » que cela a été pour le pays. Les différentes enquêtes d’opinion sorties cette semaine s’accordaient à affirmer que les horreurs des jours précédents n’avaient pas bouleversé l’ordre des priorités chez les Français : l’économique et le social, à quelques semaines de l’élection, restent au sommet de celles-ci. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy, tant les mêmes études montrent avec constance que si son crédit reste supérieur (à tort) à celui de François Hollande sur les questions de sécurité, il en va de façon inverse sur le terrain de l’emploi et de l’économie. Qu’à cela ne tienne, le candidat de la droite va donc tout tenter pour revenir sur son terrain de prédilection, et cela passe par son arme favorite : la peur.

Semer la peur chez les Français, pour pouvoir se présenter en Grand Protecteur. On parle du président-croquemitaine, celui qui aime – chose récurrente et donc significative – plonger les enfants dans l’horreur, un jour en leur demandant de parrainer un enfant juif mort pendant la guerre, le lendemain en leur suggérant d’imaginer qu’ils auraient bien pu être parmi les victimes de Mohamed Merah. Semer la peur chez les enfants, et aussi chez leurs parents. Donc organiser des arrestations spectaculaires d’islamistes-à-Kalachnikov (dommage qu’elles n’aient pas eu lieu avant), employer la méthode Coué sur un « traumatisme profond » qui n’a peut-être pas eu lieu, et invoquer le spectre du 11 septembre pour faire passer ce message (de moins en moins) subliminal : nous sommes en guerre. Vous avez donc besoin d’un chef, celui que Hollande se refuserait à être (interview sur Europe 1 toujours, Sarkozy : Hollande « dit qu’il n’a pas l’intention d’être chef. Comme il est candidat pour être chef de l’État, c’est une déclaration assez curieuse »), besoin d’un homme à poigne, et pas d’un rassembleur trop consensuel.

On a souvent dit que l’équipe Sarkozy comptait s’inspirer du duel Bush-Kerry de 2004 (voir notamment ce billet de Julien Dray) pour ne pas perdre tout espoir de victoire. Avec cette évocation tombée de nulle part du 11 septembre, la stratégie devient plus transparente que jamais. Et peut-être un peu trop grosse pour être vraiment efficace.

Romain Pigenel


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