Dividendes : to be or not to be ? (épisode 1)

Publié le 02 avril 2012 par Chroom

On s’est déjà souvent interrogé sur les diverses méthodes pour investir dans les dividendes et sur leur côté singulier dans la bourse. Aujourd’hui, nous vous proposons avec l’Investisseur (très) Particulier une série d’articles qui prend la forme d’une joute entre blogueurs, lui défendant l’investissement « trading », basé sur les plus-values réalisées sur le cours de l’action, et moi défendant l’approche basée sur les dividendes, en particulier ceux qui croissent. Nous terminerons par une synthèse commune nous permettant, si possible, de concilier les deux approches.

Je reprends ici deux arguments contre les dividendes de mon ami blogueur Investisseur (très) Particulier dans son post « Ma vision de l’investissement en bourse » :

- rendements médiocres (avoir, sur le long terme, des dividendes de l’ordre de 5% est déjà très bien… si on enlève l’inflation, on se retrouve avec une augmentation de la boule de neige très lente et à moins de disposer d’une somme déjà conséquente de l’ordre de la centaine de milliers d’euros dès le départ, on n’y gagne pas grand chose une fois l’inflation et les taxes déduites…)

- pour un investissement « de bon père de famille », combien de personnes « prudentes » supportent l’idée de perdre 50% de la valeur de porte-feuille (en 2008/2009 par exemple) bourrées d’actions soit disant sûres et défensives ?

Ces arguments sont justes et l’Investisseur (très) Particulier a raison de les rappeler car celui qui se lance dans l’approche dividendes sans en avoir conscience peut avoir des mauvaises surprises. Cependant, il y a deux critères à prendre en compte, un pour chacun de ces arguments, pour éviter ces désagréments. Ces deux indicateurs font partie de ma stratégie Global Dividend Growers.

La croissance du dividende

Comme on investit sur le long terme, on peut renoncer à un dividende généreux mais statique au profit d’un dividende moyen mais croissant. La croissance est un puissant booster de dividendes. Le tableau suivant nous donne un exemple de l’évolution d’un rendement initial modeste de 2.50%, avec une progression annuelle moyenne de 10%. La colonne de droite donne la même indication lorsque les dividendes reçus sont réinvestis.

Année Rendement/coût d’achat Avec réinvestissement

1 2.50% 2.52%

2 2.75% 2.84%

3 3.03% 3.19%

4 3.33% 3.59%

5 3.66% 4.03%

6 4.03% 4.53%

7 4.43% 5.09%

8 4.87% 5.71%

9 5.36% 6.40%

10 5.89% 7.18%

11 6.48% 8.05%

12 7.13% 9.02%

13 7.85% 10.11%

14 8.63% 11.32%

15 9.49% 12.67%

En voyant ce tableau, vous comprenez pourquoi on investit sur le long terme. Même avec un rendement de départ modeste, le dividende prend rapidement l’ascenseur et couvre plus qu’aisément l’inflation. Et là on ne parle que du rendement ! Vous pouvez bien sûr imaginer que le cours de l’action suit une trajectoire tout aussi intéressante.

La volatilité

L’écart-type est une des mesures de la volatilité d’un placement financier. On exprime l’écart-type relatif en pourcentage, comme la performance. Dans 95% des cas, la performance annuelle la plus faible est égale à la performance moyenne moins deux fois l’écart-type. Vice-versa, dans 95% des cas, la performance annuelle la plus forte est égale à la performance moyenne plus deux fois l’écart-type.

Prenons par exemple, une action qui affiche une performance annuelle moyenne de 8% avec un écart-type de 12%, ce qui est typique d’un bon payeur de dividendes croissants. La performance annuelle maximum que vous pouvez escompter est de 8 + (2 x 12) = 32% ; la performance annuelle minimum de 8 – (2 x 12) = -16%. En d’autres termes, dans 95% des cas sa performance annuelle se situe entre -16% et +32%. Dans 67% des cas, soit deux années sur trois en moyenne, elle est même comprise entre -4% et 20%. Et puisque l’on ne place pas tous ses oeufs dans le même panier, la volatilité globale du portfolio est encore moindre!

En théorie, il est possible d’essuyer une perte importante en achetant aux plus hauts historiques, comme il est possible de réaliser de substantielles plus-values en achetant au plus bas historiques. La probabilité de tomber sur ces extrêmes est cependant faible. En évitant des titres dont le rendement est trop faible (ou le P/E ratio trop élevé), vous éviterez d’acheter au pire moment. Ce faisant, la plupart du temps, vous pouvez vous attendre à essuyer une perte qui reste inférieure à un écart-type, soit 12%, avec ce genre de titres. Même moins pour certains.

Pour illustration, en 2002, les titres ne payant aucun dividende ont plongé de 30,3%, tandis que les titres de dividendes ont baissé de seulement 10,9%. Colgate nous donne une bonne illustration de la faible volatilité des titres qui offrent des dividendes croissants. Le titre a particulièrement bien résisté durant les crises de 2008 et 2011.

Le bêta est une autre façon de mesurer la volatilité. Il indique à quel point un titre suit un indice particulier. Un titre avec un bêta de 1 a tendance à suivre étroitement l’indice S&P 500. Avec un bêta de 1,3 par exemple il monte ou baisse de 30% de plus que l’indice. Avec un bêta de 0,9 il saute de 10% de moins. Au cours des cinq dernières années, le bêta moyen des actions de dividendes américaines était de 0,98, tandis que celle des autres de 1,50.

Conclusion

Le professeur de finance de l’université de Wharton, Jeremy Siegel, a étudié l’importance des dividendes dans son livre « the future for investors ». En période de marchés baissiers, les dividendes jouent le rôle d’un amortisseur de perte en générant des revenus. En réinvestissant ceux-ci, l’actionnaire individuel va détenir un nombre supérieur de titres ce qui va avoir un effet levier en période de hausse des marchés. Exemple avec Johnson & Johnson: achat de 13 titres pour 2000 USD en 1980. Grâce aux divisions du nominal et au réinvestissement des dividendes, l’investisseur détient 2’000 actions en 2007 pour une valorisation totale de 140’000 USD.

La méthode des dividendes croissants permet d’obtenir avec un peu de patience des rendements particulièrement intéressants. En les réinvestissant, non seulement on améliore encore ce rendement, mais on peut même bénéficier d’une baisse du marché. N’oublions pas que l’investisseur en dividendes se focalise en premier lieu sur la rente qu’il peut obtenir d’un titre. Dans cette optique une baisse temporaire du marché, comme c’était le cas en  2008 et 2011, représente une opportunité d’obtenir plus de dividendes à moindre coût.