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Le compte Facebook de Nicolas Sarkozy

Publié le 03 avril 2012 par Plugingeneration @Plug_Generation

Par Sergent Pepper
Partie 1 : De quoi les goûts culturels de Sarkozy sont-ils le nom ?
Le compte Facebook de Nicolas SarkozySaviez-vous que, à l’occasion de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait entièrement refondé son compte Facebook ? En effet, d’un instrument qu’il utilisait de façon très épisodique, se contentant en gros de souhaiter chaque 1er janvier la bonne année à tous ses merveilleux compatriotes, son compte est vraiment devenu un outil systématique de campagne, où il expose chaque jour des photographies des étapes qui rythment sa course vers l’Elysée.  Remarquons d’abord que M. Sarkozy s’est en quelque sorte dédoublé sur Facebook depuis le début de sa campagne. Non pas comme Dr Jekyll et Mr Hyde, non non, mais bien plutôt en se fondant sur le type de schizophrénie qui anime chaque homme politique : la bipartition fondamentale entre l’homme privé et l’homme public. Ainsi, le premier de ces deux comptes (https://www.facebook.com/?__adt=13#!/nicolassarkozy.fr) a pour prétention de nous dévoiler le Nicolas Sarkozy intime, de nous raconter l’histoire d’un homme, histoire certes politique mais pas uniquement, tandis que le second (https://www.facebook.com/nicolassarkozy?ref=ts), consacré au thème de la « France forte » , nous raconte au fond l’histoire d’un pays qui, sous l’impulsion des politiques, a su évidemment vaincre tous les défis qui se présentaient à lui et imposer son leadership au niveau mondial. Rien de moins.
  
Cette schizophrénie numérique justifie à mon avis deux articles. Mardi prochain, je vous promets une tentative pour caractériser la vision de l’histoire de Sarkozy, tandis qu’aujourd’hui, j’essaierai laborieusement de réfléchir à ce que peuvent bien nous révéler du président-candidat –ou plutôt de sa campagne en fait, comme on le verra- ses goûts cultuels. En effet, qui dit page personnelle, dit évidemment  expressions de préférences culturelles. Quiconque est un tant soit peu utilisateur de Facebook sait qu’il lui est loisible, s’il le souhaite, d’ajouter à son profil ses films, ses livres, ses musiciens préférés, et même ses sportifs s’il le veut ! Ces informations ayant vocation à être publiques, il est logique que les utilisateurs de Facebook les remplissent avec soin, souhaitant diffuser à leurs « amis » une image d’eux-mêmes qu’ils estiment être valorisante. Par exemple, l’auteur de cet article trouve parfois drôle d’écouter Sean Paul en soirée, et pourtant jamais, ô grand jamais, il n’affichera Sean Paul sur sa page Facebook, car il tient trop à son image de snob élitiste. Bordel.
Pour un homme politique, la volonté de maîtriser sa propre image est évidemment encore plus prégnante, car, en période de campagne, il doit à tous prix chercher à prouver sa proximité avec ses électeurs. Mais parallèlement, en tant qu’homme d’Etat, il a une stature à défendre, et ne peut donner l’impression qu’il est l’égal du Français moyen. Arbitrage complexe s’il en est. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, on sent vraiment que ses conseillers en communication ont longuement cogité avant de franchir le pas. Tout est extrêmement réfléchi. Premier constat : aucun musicien préféré, il n’y a que des livres et des films. C’est à mon avis plutôt malin, car les goûts musicaux sont certainement les plus clivant qui soient. Le consensus musical, à de rares exceptions (Amy Winehouse peut-être par exemple), n’existe pas. Un admirateur de musique classique ne goûtera ainsi que très peu que son champion soit une groupie déclarée de Johnny Halliday ou, pour faire dans le jeunisme, de Christophe Maé. Deuxième chose qui frappe l’attention : uniquement des productions extrêmement récentes, mis à part le roman Les Braises, de l’écrivain hongrois Sandor Maraï, qui date de 1942. On sent que le Président-candidat veut mettre toutes les chances de son côté pour s’assurer que ces références soient connues du plus grand nombre. Dernière remarque globale : que du français, du français, et du français-à l’exception notable, encore une fois, des Braises, qu’on soupçonne d’avoir pour rôle de rappeler les origines hongroises de Nicolas Sarkozy. Et oui, même en matière culturelle, il s’agit d’acheter français !
  
De façon générale, c’est le « consensuel haut-de-gamme » qui a été choisi. Personne ne peut totalement cracher sur The ArtistVa, Vis et deviens, ou Intouchables. On peut –légitimement à mon avis- trouver qu’aucun de ces trois films n’est un chef-d’œuvre, mais ils sont loin d’être honteux. Idem pour la littérature, Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan (que je n’ai pas lu) est considéré par tous comme un best-seller  plus qu’honnête. Reste à s’interroger sur la présence de deux films unanimement considérés comme « intellos », à savoir Des Hommes et des Dieux et Une séparation, ainsi qu'un roman extraordinaire, Limonov, d’Emmanuel Carrère. Il faut cependant  remarquer que ces trois œuvres ont été unanimement appréciés par la critique et par le public. En bref, M. Sarkozy se paie une légitimité culturelle à peu de frais, légitimité en plus adoubée par le public. Cette volonté de consensus est  ainsi d’autant plus frappante si l’on se souvient des déclarations antérieures du Président sur ses habitudes culturelles. Le président avait en effet étonné lorsqu’il avait cité Dreyer et Rossellini comme ses cinéastes préférés, tout comme, à l’autre extrémité du spectre culturel, lorsqu’il avait avoué sa passion pour Johnny Halliday. En campagne, dans l’optique de séduire le panel de Français le plus large, impossible de livrer des préférences aussi clivantes, susceptibles d’entrainer un rejet chez ceux qui ne les partagent pas.
  
Ainsi, pour paraphraser Alain Badiou, de quoi les goûts culturels de Sarkozy en campagne sont-ils le nom ? Le nom du consensus. Le nom du débat mou. Le nom de la séduction facile.


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