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De l’impôt légitime à l’impôt inique

Publié le 03 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

L’impôt avait une raison d’être, mais cet impôt légitime a été transformé avec le temps en un impôt profondément inique.

Par Charles Gave.

De l’impôt légitime à l’impôt inique
Adam Smith soutenait dans la “Richesse des Nations” que payer ses impôts  volontairement était la marque d’un pays libre, ce qui est parfaitement exact. Dans un pays « normal », chacun est propriétaire des fruits de son travail et il est raisonnable que chacun en consacre une partie au maintien et  à l’amélioration des parties communes de « l’Immeuble National. » Payer cette contribution de bon cœur est une preuve de sagesse et de maturité. Telle était la pensée  économique sur les impôts au début de la réflexion consciente sur l’économie.

Comme les choses ont changé en un peu plus de 200 ans…

Jusqu’au début du XXème siècle, le paiement des impôts couvrait les coûts des services censés assurer les besoins de sécurité, tant extérieures qu’intérieures et que les citoyens avaient délégué à l’État. Les impôts servaient donc à assurer le fonctionnement de la Défense, de la Diplomatie (sécurité extérieure), de la Police et la Justice (sécurité intérieure), qu’il est convenu d’appeler les fonctions Régaliennes,  tant tout le monde savait que ces obligations ne pouvaient être assurées de façon satisfaisante par le secteur privé. Il fallait en quelque sorte que les propriétaires partagent les frais de la copropriété. Pour mener à bien cette mission, les électeurs (fort peu nombreux, puisque ne votaient que ceux qui payaient des impôts) avaient donc accepté de donner à ce même État le monopole de la violence légale, pour pouvoir forcer les mauvais payeurs non seulement à s’acquitter de leurs dues mais aussi pour s’opposer  à toute tentative d’organiser un racket à titre personnel (style Mafia) ou tout recours au terrorisme ou à la violence.

Après la première guerre mondiale, comme tout le monde s’était fait tuer équitablement, propriétaire ou pas, changement de décors, une nouvelle demande  émane des populations, celle de l’accession à des biens collectifs, tant dans le domaine de l’éducation que de la protection contre la maladie, des retraites, de l’indemnisation du chômage etc. Ces nouvelles demandes, tant elles requéraient des ressources gigantesques, ne pouvait pas ne pas mener à un changement fondamental dans la perception de ce qu’est un impôt « juste ». Il devint donc « normal » pour ceux qui gagnaient plus de payer beaucoup plus que leur quote part, ce qui, en termes simples, voulait dire que nous étions passés d’un impôt proportionnel à un impôt plus que proportionnel. Ce faisant, nous nous rapprochions de fait du modèle dit du « socialisme  familial » où l’enfant qui a mieux réussi que les autres est mis à contribution par les parents beaucoup plus que ses frères et sœurs. C’est un modèle que chacun comprend, mais qui peut prêter très facilement à de nombreux  abus. Il obéit  néanmoins  à une certaine logique interne fondée sur la notion de « solidarité » qui sous-tend la Nation (la Nation étant définie comme une volonté de vivre ensemble selon Renan, ce qui implique un devoir de solidarité entre citoyens).

À ce point du raisonnement, deux remarques doivent être faites.

  • La première est qu’une grande partie de ces demandes relevait plus de l’assurance que de l’impôt  et que dans un grand nombre de pays c’est par le biais de l’assurance (souvent, mais pas toujours mutualisée) que cette requête a été satisfaite, à la satisfaction encore aujourd’hui de la plupart de ceux qui avaient choisi cette solution. La solidarité nationale s’exerçait au profit des cas individuels catastrophiques et donc le coût en restait assez faible.   Dans un certain nombre de pays cependant, l’État décida de se substituer au secteur privé en décidant de produire lui-même les biens et services que l’électorat réclamait, sortant de ce fait tout une série de secteurs du monde concurrentiel et « soviétisant » tous ces secteurs (RATP, SNCF, Sécurité Sociale, nationalisée par Juppé, etc.), ce qui n’a pas manqué a long terme d’avoir des conséquences désastreuses telles que la faillite des États ayant choisi cette solution , la Grande Bretagne en 1977,  La Suède en 1992, la Grèce aujourd’hui, la France demain…
  • La deuxième, c’est que comme l’État a le monopole de la violence légale, il lui est facile, lorsque ses troupes entrent  en masse dans la production d’un bien ou d’un service de donner à ces « nouveaux fonctionnaires » un monopole pur et simple, les contrevenants allant en prison ou à l’échafaud. Par exemple, depuis 1936, à ma connaissance, aucune ligne de bus ne peut faire la liaison entre deux villes en France s’il existe un train qui fait déjà le travail, pour « protéger » la SNCF. Autre exemple, essayez de travailler en France et de ne pas être inscrit à la SS. Voila qui ne favorise guère la croissance et les initiatives !

La hausse perpétuelle des dépenses dans ces secteurs monopolistiques et étatiques, toujours en perte, nous a entraînés dans les problèmes monstrueux de financement des déficits budgétaires que nous commençons à connaître dans toute l’Europe du Sud. Les populations découvrent avec stupéfaction que leurs États ne sont pas plus capables d’assurer un enseignement de qualité que le parti communiste n’était capable de faire pousser du blé en Ukraine (grenier du monde avant 1917 !) et pour les mêmes raisons. Comme le dit la plaisanterie, si l’Algérie nationalise le Sahara, un an après la pénurie de sable s’installe…

La solution existe bien sûr, et elle a été mise en place en Suède, ou au Canada pour l’enseignement, les transports, les retraites, voire la santé, et elle consiste à remplacer l’État producteur par l’État prescripteur. Par exemple, si sept familles veulent créer une école en Suède, elles peuvent le faire, les impôts servant à financer cette école au même titre que toutes les autres, chaque élève recevant un « bon de remboursement » à faire valoir dans n’importe quelle école. La seule obligation pour les enseignants est de respecter le programme et les normes sanitaires et sociales établies par le gouvernement. Les mauvaises écoles ferment, les bonnes écoles se développent et embauchent de meilleurs enseignants en les payant plus cher. D’une « fabrique de crétins », ce qu’était l’école Suédoise avant ces réformes, nous sommes passés en un peu plus d’une décennie à une école de qualité, devenue l’un des grands vecteurs de la croissance économique extraordinaire que connaît ce pays depuis 1992 (date où il fit faillite). Et nous avons conservé l’école gratuite et obligatoire…

Malheureusement, les rangs de la gauche « historique », et pas simplement en France, sont souvent constituées de troupes émanant de ces secteurs où des fonctionnaires syndicalisés s’évertuent (avec beaucoup de retenue) à « produire » des biens ou des services qui coûteraient beaucoup moins chers s’ils étaient produits par le secteur privé. Et bien sûr, ils prétendent avoir un droit imprescriptible à imposer des impôts aux autres pour maintenir leur monopole.

Et c’est là où le bat blesse. Le débat ne devrait pas être : faut-il protéger les avantages acquis de ceux qui en bénéficient ? Mais y a-t-il une meilleure façon, plus juste, plus efficace et moins chère d’assurer la livraison de ce bien ou service à la population et donc faut-il optimiser l’usage des impôts en recourant au secteur privé si et quand il le faut ?

Les impôts servent-ils à payer les services de l’État ou à protéger les employés du secteur public contre cette malédiction éternelle que sont le travail et la concurrence ?

Et c’est à ce point de l’analyse, que l’on se heurte à une réalité qui tend à bloquer toute réforme ; un autre principe de base de l’équité fiscale est en effet que chacun devrait contribuer – au moins un petit quelque chose – au « bien commun ». Pour pérenniser leurs sinécures, nos fonctionnaires se sont assurés la complicité d’une partie importante de la population qui reçoit toutes sortes de subventions mais ne paye aucun impôt…  L’impôt doit être douloureux pour tout le monde, pour éviter les « passagers clandestins » faute de quoi nous passons insensiblement de la démocratie à la démagogie. Un exemple : aujourd’hui, un peu plus de 50% de la population aux USA ne paye AUCUN impôt fédéral. Combien de gens le savent ? Combien de gens savent que les 1% les plus riches aux USA payent déjà 28% des impôts dans ce pays ? Et  que les 5% les plus riches payent 50% des impôts à eux seuls ? Il est tout à fait évident que si le démagogue de service peut augmenter les impôts sur les riches sans l’augmenter sur le reste de la population, il y en aura toujours un (en ce moment Obama) qui proposera aux 51% ne payant aucun impôt (les passagers clandestins) d’aller piquer l’argent de ceux qui en ont plus qu’eux et donc d’augmenter les impôts sur les 49% restant, et en particulier sur les « plus riches ». Comme le lecteur le voit bien, nous passons de l’impôt justifiant son existence par son utilité sociale à un vol pure et simple. Et le fait que ce vol soit sanctionné par la majorité de la population qui a été achetée pour ça ne change rien au fait que ce soit un vol. Pour que ce forfait ait lieu de façon légale, il faut d’abord être élu, et pour y arriver nos démagogues vont faire appel aux sentiments les plus bas de l’électorat, tels la jalousie, la désinformation ou la recherche du bouc émissaire, généralement rassemblées par les Mélenchon de ce monde sous le vocable présentable de « lutte des classes ».

La Démocratie, comme n’ont cessé de le dire les philosophes des Lumières, ce n’est pas la dictature de la majorité, mais  avant tout la protection des minorités.  

Grâce à ces vols légalisés, nos démagogues arrivent enfin à leur but ultime, l’impôt punition qui ne rapporte RIEN mais qui permet d’attirer à eux tous les envieux, tous les paresseux, tous les ratés et donc de se sentir mieux, compte tenu de leur infinie médiocrité, dont ils ont cruellement conscience et qu’ils espèrent dissimuler en s’asseyant sur le trône de Louis XIV. Mais comme le disait Montaigne « si haut que soit le Trône, on n’est jamais assis que sur son cul ». Minables ils sont, minables ils resteront.

On songe au conte russe où un paysan se voit offrir par une fée un vœu et un seul, avec une condition : ce qu’elle lui accordera, son voisin l’aura deux fois. Le paysan réfléchit et dit « crève-moi un œil ». Le programme électoral des principaux candidats en France est donc simple : crever un œil à tous les Français pour que les riches deviennent aveugles. On se sent grandis…

Cette troisième mouture de l’impôt, fondée sur la ruine du méritant et le vol de ce qui constitue sa Propriété, seule vraie source de la Liberté Individuelle amène toujours à la ruine et au désastre, comme nous le rappelle le Christ dans la parabole du Maître et de sa vigne (À relire toutes affaires cessantes. C’est l’une des plus belles défenses du Droit de la Propriété jamais écrite).

Hélas, les ouvriers de la Parabole ne pensent qu’à tuer le fils du propriétaire et à ruiner ce dernier en ne lui payant pas son loyer… Reste à attendre l’inéluctable, que le Maitre (la dure Réalité) revienne et réapprenne aux Français le vieux proverbe chinois « quand les gros maigrissent, les maigres meurent de faim ». Il ne va pas falloir attendre très longtemps, à mon humble avis. Nous y serons d’ici quelques mois.


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