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La Non-Campagne Présidentielle [Emmerdante Et Merdeuse A La Fois]

Publié le 03 avril 2012 par Sagephilippe @philippesage

Il a raison Cohn-Bendit : « On s’emmerde » dans cette campagne. Elle nous cause pas, cette campagne. Jamais. C’est du meeting, en boucle, vendu clé en main à des médias serviles. Des interviews à la chaîne où le candidat déroule sans que jamais ne rebondisse le présumé journaliste. L’Aphatie de service. C’est un one-man-show permanent où, de ville en ville, inlassablement, le camelot scande toujours les mêmes mots, les mêmes répliques. Il n’y a guère que des militants, des supporteurs, étriqués et mesquins, pour jouir de cette affligeante comédie, se gargariser de la dernière petite phrase de leur petit tribun de pacotille.
Front Populaire , Front de Gauche, BastilleLe chômage, la précarité, les boulots qui vous permettent à peine de croûter, les contrats scélérats, les inégalités salariales, le pouvoir d’achat, le grand désarroi, de tout cela, on ne parle pas. Ou alors, en incantations, à grands coups de « y’a qu’à/faut qu’on ». On la connaît, ta foutue chanson, aux couplets périmés. Alors t’étonne donc pas, qu’elle gagnât du terrain dans les sondages ; l’abstention.
Une vision de la société ? Y’a pas non plus. Pas l’ombre d’un croquis, pas même le début d’une esquisse. Que de l’esquive. Ou alors de l’halal-mon-cul et du Merah refroidi. Plongée sous-Marine garantie. Oyez, oyez ! Français de souche, le coupable de tous nos maux, on l’a trouvé, c’est formidable : c’est l’étranger ! Le basané, l’islamisé ! Faut le virer, par deux le diviser cet immigré, avant qu’il nous foute la République à genoux. Après ça, tu verras, on vivra meilleur, avec du taf pour tout le monde, payé rubis sur l’ongle...
Dis-donc, candidat-démagogue, tu nous prendrais pas, par hasard, pour des cons de compétition ?
Quant à l’international, c’est pas qu’on en parle pas, c’est qu’on en parle jamais. Pourtant ça déconne, à pleins tubes, comme rarement. La poudrière est au taquet. Tout est fin prêt. Les armes refourguées. Dassault, Lagardère, renfloués. Y’a pas à dire, ça sent le merdier. Avec ta petite ONU ankylosée. Et cet OTAN en emportant le vent mauvais... Mais quand t’es Français, de l’international, t’en as rien à caguer. Tu vis sur ton île, bordée d’Atlantique et de Méditerranée, et vivent les congés payés. Y’a plus qu’à bronzer. Et peu nous chaut qu’elle enclume, la Terre. Qu’elle s’assèche. Que disparaissent les espèces… Les espèces c’est comme les langues de nos ancêtres, c’est dans l’indifférence, qu’on les laisse crever. Nous, on cause plus qu’en 140 caractères. On est du genre primaires.
Et la dette, alouette ! Qui va la payer ? Dame Bettencourt ou ta pomme ? Sieur Proglio ou le prolo ? Qui va trimer plus que de raison pour combler l’abyssal dont en rien, ou si peu, nous sommes, nous les gueux, responsables ?... En un rien de temps, tu l'auras remarqué, on nous ferait passer pour des salopards d’assistés, bouffeurs de médicaments, fraudeurs patentés, chômeurs de papier. Après tout, n’est-ce pas ainsi qu’on nous a dépeint le Grec, l’Italien ? Alors, demain, pourquoi pas nous ?... La stigmatisation, enfonce-le toi profond dans le cervelet, c’est pas un concept qu’on réserve aux seuls étrangers. C’est valable aussi pour les syndiqués, les fonctionnaires, les grévistes, les sans-grades, les miséreux et tous les oubliés de l’Irréprochable, cette Ve agonisante… On s’embarrasse pas dans ce monde-là ! Faut dire aussi, que tant qu’il y aura des gogos, des trouillards de première, pour gober toute cette rhétorique de bazar, les oligarques de notre monarchie Républicaine auront de beaux jours devant eux. Et c’est pas via un raout à la Bastille où t’emprunte moins à Chavez qu’à de Gaulle et Malraux, que tu changeras la donne, camarade ! T’as beau avoir épluché à la virgule près une Histoire socialiste de la Révolution française n’est pas Jaurès qui veut, mon coco. Même si, j’en conviens, tu nous auras bien fait kiffer.
Et j’allais oublier l’absence. De débats. Ah mais, comprenez-vous, il ne faut pas. C’est chasse gardée. Pour les seigneurs du second tour. C’est qu’ils ne jouent pas dans la même cour. Ah non ! Eux, ils sont côté jardin. Bien planqués. A l’abri. Pas question de ferrailler avec – comment qu’ils disent déjà ? – des "petits candidats". C’est indigne de leur statut… Chez ces gens-là, voyez-vous, on ne se mélange pas.
Certes, on prône à tirelarigot le « vivre ensemble ». Mais chacun chez soi.
On se présente comme le candidat du peuple, le rassembleur, le grand humaniste, mais y’a des limites.
On veut bien exposer ses idées, recyclées, mais en terrain conquis. Au Bourget, à Villepinte. Là où on vous applaudit, à tout rompre, quand bien même prononceriez-vous le mensonge ou la contre-vérité la plus énorme !... Ou alors, on défile chez l’Aphatie et l’Elkabbach. Là aussi, t’es peinard. Tu peux dérouler ton baratin, ils n’oseront jamais te reprendre. D’abord parce qu’il y a pas le temps, c’est minuté CSA, faut pas lambiner ; et qu’ensuite, ils sont pas payés pour ça. Ils sont comme Drucker. Ils font ta promo, gratis. On n'est pas chez Politis. Ça pointe pas au Monde Diplomatique, ce journalisme-là. Ça bâfre au Siècle, avec le Minc et toute sa clique et ça n’espère qu’une chose : que rien ne change. L’alternance, ils le savent bien, ç’a pas la gueule de l’alternative. Aucun danger. Alors, prière de ne pas déranger les futurs rois du Château.
Or donc rien. Aucun sujet majeur. Pas la moindre vision. Pas la queue d’un projet. L’essentiel n’est jamais abordé. Ni à bâbord. Ni à Babar. Mais qu’est-ce qu’on s’en fout, n’est-ce pas, puisque l’Hollande y va gagner ! Et toi, pauvre ami, tu prendras cette affaire pour un nouveau 10 mai. C’est dire, si on n’a pas le cul sorti des ronces... Non mais, rendez-vous compte ! On va expédier à l’Elysée, un type qu’aura rien dit, rien proposé, en tous cas rien de concret, que du symbolique. C’est pas pour des nèfles qu’il aura choisi le Bourget, cet homme-là. On aurait dû s’en douter, qu’il survolerait les problèmes plutôt que de les affronter, ferme, les pieds sur Terre... Même son adversaire, il n’ose le nommer. Il lui donne du « candidat sortant ». En mimant Mitterrand… 
Eh, socialiste d’apparence, c’est pas parce qu’on cause avachi sur un pupitre qu’on a, pour autant, l’éloquence, le souffle et la roublardise d’un Tonton flingueur ! Et j’te passe le cynisme.
Alors, bien sûr, on peut arguer que c’est finement joué de la part du rouennais de Corrèze. Mais on peut aussi dire qu’à vaincre sans se mouiller, le triomphe annoncé a comme un goût de péril. Péril pour les gens de petite paie. Dont l’électorat douillet de l’Hollandréou se contrefout. Car voyez-vous, cet électorat-là, confortable et urbain, se moque du tiers comme du quart du désarroi d’autrui et n’a que pour seule ambition de ne surtout pas le rencontrer, de ne jamais le connaître. Mais c’est bien lui qui, pourtant, fêtera le 6 mai qui vient, et dans la plus maousse indécence, la petite revanche d’un parti de notables et d’embourgeoisés notoires.
Revanche sur des années de disette présidentielle ; revanche sur cette droite arrogante et bonapartiste dont, c’est à peine croyable, cette triste bande de sociaux-démocrates n’abrogera aucune réforme, aucune loi (ta retraite, tu te la paieras, et au prix fort) ; revanche enfin, sur cette humiliation suprême que fût le 21 avril 2002, mais qui, dis-toi bien, ne sera pas effacée pour autant, il y aurait même grande imprudence à le penser.
Bref, cette victoire ne sera pas celle du peuple, le besogneux, mais celle, vulgaire, d’un parti. On connaît la suite. On l’a déjà vécue. Mais comme on n’a pas d’estomac, et pas plus de couilles de surcroit, on y retourne. Preuve en est, que les Indignés d’en France, ça n’a jamais existé. Comme cette campagne. La présidentielle 2012. On n’en aura pas vu la couleur. Ils auront tout fait, jusqu’à l’innommable, pour l’éviter, les impétrants.
Pauvre campagne. Merdeuse et ô combien emmerdante. Qui jamais, ou rarement, se sera souciée de nous. Et du monde qui nous entoure. Parfois nous cerne...
Nos inquiétudes, nos désirs, nos rêves, ils n’en ont cure. Nous ne sommes que des mains qu’on frôle. Un corps électoral sur lequel, avec démagogie, on surfe. A qui l’on prie, de voter utile. De rentrer dans le rang. Celui qui mène à l’isoloir. Ensuite de quoi, vient le temps de « méprisance », où l’on nous conjure de faire silence. Cinq ans durant. Jusqu’à la prochaine campagne. Qui, pas plus que celle-ci, daignera compte tenir de nos doléances, encore moins de nos souffrances, tant ce qui n’a d’importance, c’est que : coûte que coûte et vaille que vaille, vive la République, et vive la France !


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