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Doit-on choisir entre détester l’État et aimer la liberté ?

Publié le 04 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

Je veux faire valoir l’idée que, dans de nombreux cas, les idées libertariennes sont mieux défendues quand elles promeuvent la liberté plutôt que quand elles sont présentées en opposition aux dégâts que les gouvernements peuvent causer.

Par Steven Horwitz, depuis les États-Unis.

Doit-on choisir entre détester l’État et aimer la liberté ?
Les libertariens ont un certain nombre de problèmes concernant leurs relations publiques. Certains de ces problèmes résultent du fait que les gens ne comprennent pas nos idées. D’autres, cependant, nous sont imputables. Nous avons parfois échoué à exprimer nos idées clairement ou à les rendre attractives. En particulier, nous avons l’habitude de souligner celles avec lesquelles nous sommes en désaccord, plutôt que d’exprimer celles que nous défendons.

C’est précisément cette différence que les gens perçoivent entre l’idée de la « haine de l’État » et celle de « l’amour de la liberté ». Je ne prétends pas dire que les gens qui disent combien ils détestent l’État n’aiment pas vraiment la liberté. Ni ne suis-je en train de suggérer que ceux qui parlent de liberté passent trop facilement sur toutes les erreurs que l’État peut commettre. Je veux faire valoir l’idée que, dans de nombreux cas, les idées libertariennes sont mieux défendues quand elles promeuvent la liberté plutôt que quand elles sont présentées en opposition aux dégâts que les gouvernements peuvent causer.

À titre d’exemple, examinons comment certains libertariens parlent de la réglementation des affaires, en particulier du permis de travail. Si ce que nous faisons consiste seulement à présenter ces règlements comme le seul produit de l’État providence ou bien à montrer que les élus tentent de se faire réélire en se préoccupant de [leurs propres intérêts], nous sommes uniquement perçus comme des personnes qui haïssent l’État. Encore une fois, toutes ces descriptions peuvent se révéler exactes pour chaque cas particulier, et ce faisant, je ne dis pas que ces observations sont inexactes, mais qu’elles ne sont pas toujours la meilleure façon, ou du moins la seule façon de convaincre les gens.

Limiter nos désirs

Pourquoi ne pas plutôt parler de la façon dont les règlements et la « régulation » portent atteinte à la liberté des citoyens moyens notamment en ce qui concerne leur choix de vivre leurs rêves comme ils l’entendent ? Diriger sa propre entreprise ne se réduit pas seulement « au comportement économique ».  Cela fait partie de ce que le philosophe Loren Lomasky nous dit quand il parle de la façon dont la liberté nous permet d’être des « bâtisseurs de projet », en donnant un sens à nos vies. Pour beaucoup, en particulier les membres de groupes qui, historiquement, ont été privés de cette opportunité, la création et la gestion d’une entreprise est une source d’une immense fierté et d’un sentiment d’accomplissement, qui sont inséparables des objectifs plus larges de la vie. Nous devrions nous concentrer sur l’importance de cette liberté, et non pas uniquement sur les dégâts causés par l’État.

Nous pourrions aussi parler de la façon dont les entreprises qui échangent sur des marchés plus libres servent efficacement leurs consommateurs au lieu de satisfaire les préférences des hommes politiques et autres régulateurs. En fournissant aux consommateurs une plus grande variété, une qualité supérieure, et des prix bas, les entreprises qui échangent sur des marchés plus compétitifs et moins réglementés permettent à leurs clients de créer et de mettre en œuvre leurs projets de vie. La liberté que les producteurs gagnent lorsque le gouvernement les laisse en paix permet au reste d’entre nous d’exercer notre liberté de façon efficace et significative. En passant d’une rhétorique qui décrit les aspects négatifs de l’État pour aller vers les aspects positifs de la liberté, nous pourrons persuader les gens que nous portons effectivement la vision d’une société meilleure, plutôt que d’être seulement perçu comme des gens qui se plaignent.

Rhétorique mise à part, prenons en compte deux éléments important concernant la différence entre haïr l’État et aimer la liberté. Tout d’abord, comme je l’ai soutenu auparavant, dans le monde des seconds choix (second best) dans lequel nous vivons, l’État peut parfois promouvoir la liberté en assurant l’égalité devant la loi. Compte tenu de l’existence de l’État, il est tenu de traiter ses citoyens de façon égalitaire, et cette notion fait partie intégrante de la tradition libérale classique. Si l’on s’arrête à « la haine de l’État », on pourrait négliger ou réagir négativement envers la façon dont les États peuvent accorder des droits à ceux qui en étaient privé.

Contrainte privée

Plus important encore, si nous nous concentrons trop sur la haine de l’État, on pourrait négliger ou minimiser toutes sortes d’activités de type privées qui limitent nos libertés. Oui, l’État a le monopole de la violence légitime, mais la violence peut avoir lieu dans de nombreux autres contextes tels que la violence domestique par exemple. Au-delà de la violence, il y a le racisme, le sexisme et l’antisémitisme exprimés en privé, qui, bien que non-violent, peuvent gêner les gens dans la poursuite de leurs projets de vie.

Être un libertarien, c’est avant tout aimer la liberté. L’État est certainement un obstacle principal à notre liberté, mais il n’est pas le seul. Plus nous exprimons notre amour de la liberté, plus nous sommes à même de reconnaître les obstacles qui se dressent contre la liberté sous toutes ses formes. Et nous serons certainement plus en mesure de persuader ceux qui prétendent aimer la liberté, mais qui peut-être n’en perçoivent pas toutes les implications.

L’auteur, Steven Horwitz, est un éditeur de la revue The Freeman. Il est professeur d’économie à l’Université St. Lawrence, USA et l’auteur du livre Microfoundations and macroéconomics : An Austrian, qui se trouve aussi en livre de poche.

Traduction JATW pour Contrepoints. Article original

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