Les urbanistes devront consulter les femmes s’ils veulent véritablement comprendre les différentes façons dont celles-ci utilisent les espaces publics. Ce dialogue est essentiel pour la mise au point des programmes de villes et de quartiers sûrs pour les femmes et les filles. Celles-ci savent mieux que quiconque ce que leur propre sécurité veut dire et comment elles utilisent la ville. Il est donc impératif qu’elles s’impliquent personnellement dans le processus de planification, les dispositifs d’expertises, pour fournir des informations sur les questions sécuritaires et proposer d’éventuelles solutions. Il y a de nombreuses manières de permettre aux femmes de participer à la planification des espaces, notamment par des consultations publiques, des groupes de réflexion et des enquêtes auxquels les cabinets d’expertise les convient rarement car adossés à leur savoir. D’ailleurs ces cabinets d’étude oblitèrent toujours la présence de sociologues aptes à analyser, appréhender les strates de terrain. Un élément clé de ces approches est la collecte de données de base avant le lancement d’un programme, d’une action, d’une initiative ou d’un projet en matière de sécurité urbaine des femmes.
Il convient également de noter qu’afin de mieux comprendre et de mieux satisfaire les attentes des femmes, les urbanistes devront être convaincus du caractère légitime et sérieux de l’usage que font les femmes des espaces publics et de leur manière de percevoir les espaces. Le BA A BA ou l’évidence qui crève les yeux. Les urbanistes, les architectes urbains et les responsables locaux devront non seulement rechercher la participation active et les contributions des femmes au processus d’aménagement des espaces, mais s’assurer que cette participation et ces contributions sont appréciées à leur juste valeur et qu’il en est tenu compte sur le terrain. Les femmes et les filles n’ont pas la même façon de communiquer que les urbanistes et les décideurs, en ce qu’elles évoquent leurs sentiments et leurs intuitions plutôt que de s’en tenir strictement aux faits. Cela ne signifie pas que les utilisations et les expériences des femmes et des filles sont moins fondées ou moins importantes et les urbanistes et les décideurs devront, en particulier initialement, se garder de tirer de telles conclusions.
Il faut désormais Intégrer les préoccupations et les craintes exprimées par les femmes dans les processus de planification et d’aménagement urbain. Les craintes et les soucis exprimés par les femmes varient d’une collectivité à l’autre. Les connaissances approfondies des femmes de leur degré d’accessibilité aux espaces urbains constituent une précieuse source d’information pour les urbanistes et les architectes peu familiers avec un espace donné.
Étude de cas :
Les audits en matière de sécurité et leur application aux femmes
Qu’est-ce qu’un audit de sécurité?
Un audit sur la sécurité est un outil ayant pour objet d’accroître les connaissances des destinataires, en l’occurrence les femmes, et d’améliorer la sécurité dans leur collectivité. Ils sont guidés par trois principes majeurs. Le premier est que les femmes connaissent mieux que quiconque leur environnement et leurs besoins sécuritaires. Le deuxième est que les audits encouragent la recherche de solutions locales et particulières à chaque problème sécuritaire. Et le troisième est que les audits stimulent la constitution de partenariats entre les femmes et les responsables locaux.
Pourquoi l’audit de sécurité est-il un instrument utile?
Le premier audit en matière de sécurité des femmes a été réalisé en 1989 à Toronto (Canada) par le Metropolitan Action Committee on Violence Against Women and Children (METRAC). Depuis lors, de nombreux groupes de femmes dans le monde y ont eu recours dans leurs propres collectivités. En outre, plusieurs éditions de guides pour audits sur la sécurité des femmes ont été développées par différentes organisations. Les utilisateurs de ce type d’audit ont rapporté les principaux avantages suivants : réaménagement du cadre physique de manière à le rendre plus sécuritaire pour les femmes et pour la collectivité en général, modifications des programmes et politiques à l’échelon local visant à améliorer leur capacité de mobilisation pour la sécurité des femmes et de la collectivité en général, financement et publicité positive accrus des organisations et des collectivités qui mènent de tels audits; connaissances et confiance renforcées des participantes aux audits, et meilleure sensibilisation du public aux problèmes liés à la sécurité des femmes . L’audit sur la sécurité des femmes a été évalué et est reconnu sur le plan international comme une « pratique optimale ».
Comment réaliser un audit de sécurité
Normalement, le processus démarre par une réunion d’un groupe de femmes et, le cas échéant, d’autres membres de la collectivité, qui examinent les lieux jugés dangereux par la collectivité. Le travail des groupes d’audits de sécurité est plus efficace si les points de vue exprimés par leurs membres couvrent un grand nombre de préoccupations sécuritaires (de femmes jeunes et âgées, de femmes handicapées, de femmes de différentes origines. Les espaces jugés peu sûrs par le groupe comprennent habituellement les zones de stationnement, les allées entre les logements résidentiels ou les logements sociaux. Une fois que les membres du groupe d’audit ont décidé de vérifier un espace donné, ils se rendent sur place pour consigner les éléments ou les caractéristiques du lieu qui, selon eux, contribuent à l’insécurité. Les facteurs ou caractéristiques qui diminuent la sécurité d’un lieu sont : éclairage insuffisant, graffitis contenant des messages négatifs ou endroit désert. A l’issue de l’audit, le groupe présente aux responsables locaux et aux autres membres de la collectivité des propositions d’amélioration de l’espace considéré.
Utilisez la cartographie pour illustrer les expériences et les sentiments personnels en matière de sécurité et d’insécurité.
À l’aide de cartes pour retracer visuellement leurs expériences personnelles et leur connaissance quotidienne de la ville, les femmes peuvent indiquer et faire connaître leur façon d’utiliser les espaces, ainsi que les lieux où elles ne se sentent pas en sécurité. En règle générale, lorsque plusieurs femmes dessinent des cartes d’un même lieu, ces cartes sont différentes. Cela s’explique du fait que les résidents d’un même quartier peuvent vivre des expériences très différentes de leur cadre ambiant, et de leur ville en général. Une femme et un homme dessineront, par exemple, des cartes très différentes de la même ville parce qu’ils suivent des trajets différents, ont des horaires différents, jouent des rôles différents dans leur ménage, éprouvent des sentiments d’insécurité différents et ont des expériences différentes de la violence. Les cartes tracées par les femmes illustrent leurs expériences subjectives et vécues de la ville. Ces cartes constituent un moyen très explicite et simple de partager des informations avec les décideurs et les autres femmes. L’utilisation de la cartographie est d’une efficacité maximale lorsque :
- Le langage employé pour expliquer comment dessiner les cartes est simple et sans jargon technique;
- Les cartes et les graphiques à l’usage des divers groupes de femmes et de filles sont simples et conviviaux;
- Les cartes comportent des illustrations qui retiennent l’attention, des images aux couleurs vives, des modèles et des symboles connus.
Carte mondiale HALTE au harcèlement sexuel dans la rue.
Cette carte mondiale produite par les usagers permet aux femmes d’indiquer sur une carte les endroits où elles ont subi du harcèlement sexuel ou des agressions dans les rues. Chaque marqueur porté sur la carte est accompagné d’une description du harcèlement subi par la victime.
Consultez différentes catégories de femmes et d’acteurs lors des processus de planification et d’aménagement des espaces publics.
De même que les hommes et les femmes ressentent l’espace différemment, les femmes et les filles n’ont pas toutes des expériences identiques de la cité. Les femmes appartenant à divers groupes sont exposées à des dangers différents, en fonction d’un certain nombre de facteurs qui se chevauchent et qui les rendent vulnérables. Par exemple, les espaces publics comportent divers obstacles qui n’entravent que le déplacement des femmes handicapées. Mais plutôt que d’aborder le problème de l’accessibilité sous l’angle purement médical, les partenaires des programmes peuvent l’étudier comme un problème d’intégration. Sous cet angle, les urbanistes et autres responsables de l’aménagement urbain pourront identifier les facteurs environnementaux qui s’opposent à l’intégration des femmes handicapées dans la vie urbaine. Plus concrètement, ils pourront réaffirmer l’importance des principes d’aménagement urbain universels qui traitent l’accessibilité à la ville comme un droit normal plutôt qu’un privilège.
Les processus de planification et d’aménagement urbain doivent tenir compte de nombreux besoins et intérêts et déboucher sur des solutions sécuritaires satisfaisantes pour tous. De ce fait, l’aménagement participatif des espaces publics peut permettra aux différents groupes de femmes d’exprimer leurs besoins et attentes en fonction, par exemple, de leur âge, de leur niveau de compétences, de leur degré de mobilité, de leur préférence sexuelle, de leurs opinions politiques, de leur origine ethnique et de leur situation socioéconomique. Contrairement à l’aménagement d’espaces publics à l’usage d’une seule catégorie de femmes, le modèle participatif permet de représenter toute une gamme de besoins et de conceptions exprimées par les femmes dans toute leur diversité. L’approche participative et inclusive de l’aménagement de villes sûres passe par la consultation de groupes divers.
Exploitez les données qualitatives comme une source d’information utile sur les espaces publics. Les données qualitatives sont des informations qui reposent sur le vécu plutôt que sur des faits scientifiques. Elles comprennent les récits, les chansons, les poèmes, les entretiens, les lettres, les débats communautaires, les groupes de réflexion et les enquêtes sur les sentiments de la communauté, les connaissances, les attitudes et les pratiques (concernant, par exemple, la violence et le harcèlement sexuel à l’égard des femmes dans les lieux publics), ainsi que les conclusions tirées des audits en matière de sécurité et des méthodologies connexes. Normalement, les fichiers et la documentation réunis sur les expériences des femmes des lieux publics et de la sécurité sont considérés comme des données qualitatives. Les informations de cette nature sont essentielles à la planification et à l’aménagement d’un environnement urbain plus sécuritaire car elles reflètent les connaissances personnelles des femmes sur leur milieu urbain. Les urbanistes et autres décideurs devraient s’appuyer en priorité sur les données qualitatives pour décider si les lieux publics sont sûrs et accessibles aux femmes.