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Le fantasme du New Buffalo

Publié le 05 avril 2012 par Alain Dubois

New BuffaloAu cours d’une entrevue avec Jean-Luc Mongrain, l’anthropologue Pierre Trudel a formulé une interprétation étonnante de la Loi canadienne sur les Indiens qui fausse le débat quant à l’implantation d’un casino amérindien à Kahnawake. En l’occurrence, monsieur Trudel a laissé entendre que l’article 81 (1) m) de la Loi sur les Indiens aurait préséance sur le droit du gouvernement du Québec d’interdire ou d’autoriser le jeu à l’argent partout sur le territoire du Québec. Le gouvernement du Québec détient ce pouvoir, non pas en raison d’une loi qu’il a adoptée ou d’un champ de compétence constitutionnel réservé aux provinces, mais en raison d’un article du code criminel. Or, ce code est fédéral et a préséance sur la Loi sur les Indiens. L’article 207 du code criminel canadien établit clairement que seul un gouvernement provincial, ou un organisme ou une personne mandatés par celui-ci, peut tenir une loterie (et cela inclut les jeux de casinos). Il n’y a aucune confusion à entretenir à cet égard.

L’article 81 (1) m) de la Loi sur les Indiens ne permet pas au conseil de bande de légaliser une activité de jeu à l’argent. Si une activité légale existe, le conseil de bande peut l’interdire ou en réglementer l’administration sur la réserve. Cela signifie que le conseil de bande pourrait interdire les ALV ou la vente des billets de loterie de Loto-Québec. Il pourrait probablement ajouter des règlements à ceux de la RACJ. Mais, il ne peut pas réglementer au sens de réguler une activité.

Par ailleurs, l’inventaire le plus complet des traditions de jeu des nations amérindiennes est certainement le rapport Culen publié en 1907. C’est indéniablement l’autorité en la matière. Après avoir étudié en détails les conceptions de jeu parmi plus d’une centaine de nations (incluant les Mohawks du Québec) appartenant à une trentaine de groupes linguistiques, Culen conclut que les diverses pratiques découlent d’une tradition commune. On aurait tort de faire d’une nation une exception.

Lu 105 ans plus tard, en fonction de la problématique actuelle du jeu d’argent dans le monde, trois constats émergent du rapport Culen. (1) Les nations amérindiennes de l’Amérique du Nord ne pratiquaient aucun jeu à espérance négative de gain. Les concepts de maison de jeu et de commission n’y existent pas. (2) Les jeux de cartes ne font pas partie du patrimoine amérindien et apparaissent au contact des gens d’origine européenne (voir notamment page 32 du rapport). (3) Le résultat du jeu est déterminé par une influence divine et non par l’aléatoire.

Ainsi, le jeu traditionnellement pratiqué par les nations amérindiennes n’a rien à voir avec l’exploitation d’un casino moderne. Ce casino moderne a été conçu en Europe à l’époque de Blaise Pascal au moment où l’aléatoire a été séparé du divin.

Pierre Trudel termine l’entrevue en signalant que la consommation de tabac pourrait être un obstacle au projet compte tenu qu’il s’agit d’une question de santé publique. Hé, ho! Le jeu pathologique est une problématique de santé publique pas mal plus pertinente au débat que le tabagisme.
Photo : Spontaneouscombustion


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