L’industrie aérospatiale française se porte bien.
C’est l’exception qui confirme la règle, une touche d’optimisme au cœur d’un océan de mauvaises nouvelles économiques et sociales, de délocalisations, de ratages concurrentiels, d’incompréhensions, voire d’échecs cuisants. Un secteur industriel français, un seul, affiche une santé éclatante, des résultats gonflés d’optimisme, annonce des exportations florissantes, des embauches régulières, une excellente «visibilité» à long terme. Et il s’agit, bien sûr, de l’industrie aérospatiale.
Les statistiques 2011 que publie le Gifas confirment, si besoin est, que cette tendance forte se poursuit et va même connaître une nette accélération. Le chiffre d’affaires de la profession croît en effet de 3,3% à 38,5 milliards d’euros et, dans le même temps, les prises de commandes ont fait un bond en avant de 17%, à 53,9 milliards d’euros. Il n’en faut pas davantage pour prédire de belles années que seul un brutal retournement de conjoncture risquerait de remettre en cause. Mais, ici, il ne s’agit pas de contexte national, l’industrie aéronautique et spatiale étant résolument mondiale. Son terrain d’activités, c’est la planète tout entière et il ne se compare à aucun autre, pas même à l’automobile, souffreteuse, dont les ventes sont en berne, en France tout au moins.
Les chiffres du Gifas s’inscrivent dans une tout autre catégorie : 77% des activités relèvent de ventes à l’exportation et 70% des effectifs de 162.000 personnes, hors intérimaires et contrats en alternance, sont solidement ancrés dans l’Hexagone. Jean-Paul Herteman, président du Gifas (et par ailleurs PDG de Safran) n’a de ce fait que de bonnes nouvelles à commenter. «Dans un contexte économique général difficile, l’industrie aérospatiale, d’électronique de Défense et de sécurité a continué de se développer en 2011 et a contribué à atténuer les effets négatifs de la crise sur l’économie nationale», affirme-t-il, ajoutant, non sans emphase, que «cette performance est due aux investissements réalisés dans la durée depuis 40 ans, à la structuration de cette industrie en une filière solidaire et cohérente qui est citée en exemple par les autorités publiques, ainsi qu’à une stratégie partagée entre l’industrie et l’Etat, orientée vers la recherche de la performance».
Là, tout est dit. Tout au plus convient-il de préciser que le secteur des équipements est en croissance de 13,8% (et son carnet de commandes de 20,5%), que le spatial français assure à lui seul la moitié du chiffre d’affaires européen de cette spécialité, que les activités de réparations, entretien et rechanges sont également au mieux. C’est presque un monde idéal, malgré le net tassement des ventes militaires, victimes de la basse conjoncture et non pas d’un retour à des temps qui seraient soudainement redevenus pacifiques.
Sans qu’il s’agisse pour autant d’un quelconque talon d’Achille, le secteur aérospatial français n’en est pas moins en situation de dépendance vis-à-vis du marché civil, lequel a assuré l’année dernière 82% de ses prises de commandes. Là aussi, il s’agit d’une tendance forte susceptible de s’inscrire dans la durée, compte tenu des succès impressionnants engrangés par Airbus et, par exemple, l’A320 NEO. Bientôt, l’avionneur européen produira 42 «monocouloirs» par mois, du jamais vu, tout en poursuivant la montée en cadence des A330 et A380 et en préparant l’A350XWB. Airbus entraîne dans son irrésistible ascension une myriade de partenaires et fournisseurs, de Messier Dowty à Zodiac en passant par le redoutable duo Snecma/General Electric et de nombreuses PME. En clair, le spatial mis à part, Airbus est une force dominante, quels que soient les mérites d’autres entreprises comme le constructeur d’avions régionaux ATR, lui aussi en pleine ascension.
Du coup, on se prend à rêver : il «suffirait» que le marché de l’aviation d’affaires retrouve des couleurs pour que la gamme Falcon en fasse autant. Et si le Rafale parvenait enfin à séduire de premiers clients à l’exportation, une hypothèse aujourd’hui tout à fait sérieuse, un meilleur équilibre entre activités civiles et militaires se mettrait rapidement en place. En attendant ce moment, les membres du Gifas ont déjà tout à fait raison d’afficher une légitime satisfaction.
Pierre Sparaco - AeroMorning