Jeudi, le candidat sortant présenta son programme. Le moment devait être grand. La campagne se durcit. Sarkozy bénéficie toujours d'une petite avance sondagière de premier tour mais Hollande creuse l'écart au second.
Que se passait-il ?
Ce fut la semaine de tous les mensonges, toujours avec appoint, jamais sans excuse, rarement avec contradiction. Sarkozy était surpris.
Coup pour coup
Pendant des mois, avant de se déclarer, Nicolas Sarkozy multiplia les attaques en « off » contre ses rivaux et surtout contre François Hollande. Quand on demandait confirmation, lui ou ses proches niaient avec aplomb. Sarkozy laissait aussi ses sbires manier l'invective, traitant Hollande de lâche, de mou, d'indécis. Sans prendre la peine d'écouter, de lire, de répondre aux propositions.
Puis, à peine entré en campagne, Sarkozy attaqua fort et publiquement. On comprit qu'il était la mauvaise langue, la source de ces outrances. Il crut un temps que l'opération fonctionnerait. Quand les courbes sondagières se croisèrent, il redoubla d'effort. A l'entendre, Marine Le Pen était folle, et François Hollande était l'anti-France ou l'archaïque, le flou ou l'irresponsable.
Puis, cette semaine, Hollande a « tapé ». Il avait prévenu, devant quelques journalistes, lors de son déplacement à la Réunion. Sarkozy venait encore de jouer au petit caïd, promettant d'« atomiser » son rival. Hollande répliqua donc, coup pour coup. Et cela marchait. Et Sarkozy sembla surpris.
La campagne s'était durcie.
L'arrogance
Porte de Versailles le 31 mars, Nicolas Sarkozy avait peiné à rassembler du monde. Le Figaro du dimanche évoquait 5.000 participants pour un meeting consacré à la jeunesse. On avait rameuté les droitistes de l'UNI. Le candidat sortant sortit au bout de 45 minutes.
Lundi, le candidat sortant était à Nancy, en Lorraine, la terre de Florange. La mise en scène était grossière: le matin même, dans un entretien au Républicain Lorrain, il accusa les représentants des salariés de Florange d'être venus « m’insulter et essayer de casser mon siège de campagne ». Les propos étaient graves et infondés. Il déclarait la guerre aux syndicalistes et ouvriers du site, faute d'avoir tenu ses promesses. Contrairement à ses dires, ArcelorMittal n'avait pas garanti 17 millions d'euros sur le site.
Sarkozy criait toujours quand il ment. La France silencieuse, qu'il appelait à chaque discours, n'était pas à Florange.
Mardi, il était à la Matinale de CANAL+, quelques minutes avant 8H. Il
était en rage froide. Le Parisien avait fait sa une sur un gros 56%/44%
en faveur de Hollande au second tour de la présidentielle.
Les bourdes
Mercredi, il était à la Réunion, une visite expresse où il avait prévu un meeting en plein air. A la différence de ceux organisés par François Hollande ou jean-Luc Mélenchon, le sien était sécurisé par des CRS et on n'y entrait que sur invitation. A son arrivée à l'aéroport, il fut quand même sifflé. Son discours fut inaudible.
A Paris, la police avait convié caméras et journalistes pour l'arrestation matinale de nouveaux terroristes islamistes présumés un peu partout en France. Ils furent tous libérés deux jours plus tard.
Jeudi, Carla Bruni faisait des siennes. L'épouse du chef de l'Etat n'en finit plus d'amuser la gallerie. On pensait qu'elle serait l'atout-charme du candidat sortant. C'est l'atout cruche, par ailleurs abîmée par quelques polémiques. Elle se montre pourtant toujours régulièrement dans les médias (interview à TV Mag, France 5, France Culture, Nouvel Obs). Cette fois-ci, elle se déclara modeste dans ses goûts, mais plus proche de Lady Gaga que de Mme Pompidou. Elle dénonça « l'anti-sarkozysme est un phénomène d'élite parisienne » Allez comprendre... Mais pourquoi donc cette interview ?
Prétendument inquiet que sa sécurité ne fut pas assurée en plein Paris, à Sciences-Po, il annula, à la dernière minute, sa participation à un forum féministe. Sa dir'com NKM envoyée à la rescousse fut sifflée l'espace de 5 minutes.
Le bide
Le même jour, le Monarque avait convié 400 journalistes pour livrer son programme. Il trouva une curieuse excuse pour avoir tant tardé. Il voulait d'abord « dialoguer » avec les Français avant de publier, à la dernière minute (17 jours avant le 1er tour), son programme. Et surtout dialoguer avec « à ceux qui ont voté pour le Front national ». Plutôt que de défendre ses idées, il attaqua la personne de François Hollande, encore une fois. Le candidat socialiste répondit, coup pour coup: « Toutes les
mesures qu'il a égrenées, nous les connaissions déjà. C'est son bilan en
pire.»
Ce fut un bide, total et sans retour. La seule annonce nouvelle fut le versement des retraites le 1er du mois (au lieu du 8), une mesure impossible. Il y avait aussi des promesses... déjà en vigueur ou de vieilles promesses exhumées du précédent programme de 2007. C'était triste.
Il confia son chiffrage, improbable car optimiste et flou: il ne voulut pas préciser quels services publics, nationaux ou locaux, qu'il souhaitait réduire de 53 milliards d'euros sur 5 ans.
Pour l'essentiel, on se demandait: « Mais pourquoi ne l'avait-il pas fait avant ?»
Il envoya sa Lettre au Peuple français, 15 feuillets pour détailler ses 32 propositions. Il y avait même un paragraphe qui mélangeait la lutte contre le terrorisme, la pédophilie et... la piraterie des oeuvres sur Internet. Quel amalgame !
La vraie annonce du jour fut celle d'un meeting place de la Concorde le 15 avril, sur le parcours du Marathon de Paris, le jour même d'un autre meeting de François Hollande.
La rage
Vendredi, il était interrogé par Jean-Michel Apathie, sur RTL vers 7h50. Le journaliste n'est pas un gauchiste invétéré, même si Sarkozy le perçoit différemment. Mais quand il posa la question qui pouvait tuer (« avez vous vérifié auprès d'Eric Woerth, qui était votre trésorier de campagne en 2007, qu'il n'avait reçu aucune sommes d'argent de Patrice de Maistre pour financer votre campagne ?»), le candidat sortant botta d'abord en touche, accusant les médias d'épargner François Hollande sur les affaires du PS, avant de nier: « vous en doutiez sérieusement, Monsieur Apathie ? » Et il en rajouta: « J'espère que lorsque vous aurez M. François Hollande devant vous, vous
lui demanderez pourquoi en dix ans, il a pu laisser la fédération
socialiste des Bouches-du-Rhône avec un système mafieux de financement ».
On avait appris que le procureur Courroye, décoré d'une légion d'Honneur par Sarkozy lui-même, avait connaissance de transferts d'espèces de Suisse chez les Bettencourt dès 2010, en plein Sarkogate... L'enquête sur l'affaire Bettencourt s'approchait aussi des visites de Nicolas Sarkozy chez ces milliardaires, en pleine campagne. Une dizaine de témoignages avait été recueillie.
Mafieux, le terme était lâché. Sarkozy perdait ses nerfs. Il accusait François Hollande de complicité mafieuse. Son opposant lui répliqua immédiatement, coup pour coup.
En fin d'après midi, il avait encore trouvé quelques milliers de militants pour l'entendre répéter à Caen qu'il allait déjouer le destin. Quatre sondages successifs aggravaient son retard sur François Hollande au second tour. Bien sûr, rien n'était joué. Mais Sarkozy était en rage.
« Il m'avaient oublié. Je suis de retour » Il répéta: « a-t-il un seul Français qui envie le sort des Espagnols ou des Grecs ? » Son homologue espagnol, Rajoy, n'avait pas apprécié cette stigmatisation. Son pays est à nouveau en pleine crise de confiance. Que Sarkozy répète à longueur que l'Espagne sombre est un sale coup. A Madrid, le ministre des Finances avait déjà dénoncé un « non-sens ». Après avoir fâché Angela Merkel, Sarkozy coni
Quant à la Grèce, le mensonge sarkozyen est honteux. Là-bas, le socialiste Papandréou avait hérité de la gestion calamiteuse du gouvernement conservateur précédent, lui-même conseillé par quelques fumeuses banques d'affaires dont quelques pontes sont aujourd'hui devenus ministres ou technocrates ici ou là. Pire, Nicolas Sarkozy oubliait de citer la gestion calamiteuse de son ancien meilleur ami adepte du Bounga Bounga, Silvio Berlusconi.
Mais ce vendredi, le ton monta d'un cran. A Caen, Sarkozy hurla: « Compétitivité, un mot intraduisible en socialisme. Compétitivité, un mot qui n'existe nulle part dans le bréviaire socialiste ».
L'invective globalisante, toujours et encore.
Ami sarkozyste, où es-tu ?