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Mon cher Elio di Rupo

Publié le 07 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

Mon cher Elio di Rupo, si tu veux bien, je vais me permettre de te tutoyer. Là, sur le coup, j’ai envie de te parler comme à un ami, même si nous ne sommes pas du même bord. Alors voilà: je suis entrepreneur, et j’ai deux ou trois petites choses à te dire…

Par Frédéric Wauteurs, depuis Bruxelles, Belgique.

Mon cher Elio di Rupo

Mon cher Elio di Rupo, si tu veux bien, je vais me permettre de te tutoyer. Là, sur le coup, j’ai envie de te parler comme à un ami, même si nous ne sommes pas du même bord. Alors voilà : je suis entrepreneur, et j’ai deux ou trois petites choses à te dire…

Pourquoi “tu” ?
Revenons d’abord un moment sur la question du tutoiement.

En fait, c’est assez curieux. Je suis un garçon plutôt poli, et j’aime bien la distance. En général, si je tutoie quelqu’un sur mon blog, c’est signe de profond mépris. Mais justement, ici ce n’est pas le cas. Et pourtant, tu incarnes tout ce que je déteste: le socialisme wallon version bobo. En fait, pendant des années, je me suis dit “ce gars-là, si je le croise, je lui colle un pain pour lui apprendre la vie”. Et puis un jour je t’ai croisé dans l’escalier de l’immeuble où tu avais ton petit pied-à-terre bruxellois. Ma petite amie de l’époque y habitait. Ça devait être en 2001 si mes souvenirs sont bons. On a parlé quelques minutes comme des voisins de palier, et j’ai abandonné toute velléité de violence. Parce qu’au fond, tu m’es apparu bien sympathique et que de toute manière la violence n’est pas dans ma nature.

On se fait un resto ?

Et là, en fait, c’est marrant, mais ça recommence. Ce matin, j’ai lu sur le site de La Libre un article sur le plan que tu as concocté avec tes collègues pour “relancer notre économie”. Et j’ai failli m’étrangler. Immédiatement après, je me suis dit que j’allais pondre une de ces chroniques cinglantes dont j’ai le secret. Et puis, en fait, non. En fait, j’ai envie de m’adresser à toi comme si on était au resto en train de manger un bon petit repas et d’échanger des idées en sirotant un bon petit Côtes-du-Rhône. Et en fait, je ne vais même pas commenter ton plan. Parce que ça ne va pas servir à grand chose. Mais tu as l’air d’avoir tellement envie de bien faire et d’aider les gens à se sentir mieux que j’aimerais juste t’expliquer un ou deux petits trucs sur les PME et le fonctionnement de l’économie. Comme ça, l’air de rien, entre deux gorgées de Crozes-Hermitage.

Arrête de “faire des trucs”

En fait, sur le constat de base, on est d’accord. Il faut relancer la machine économique. Et relancer notre compétitivité, tout ça. Mais pour ça, il faudrait que tu comprennes une chose essentielle : même quand tu veux bien faire, tes idées sont condamnées à foirer. Je sais que tu parles anglais couramment, alors je te propose de regarder cette sympathique petite vidéo qui t’expliquera pourquoi:

Bien entendu, si tu cherches une explication plus complète, je t’engage à lire “The Road to Serfdom” et “The Fatal Conceit“, de l’économiste autrichien Friedrich Von Hayek. Si tu veux, je te résume rapidement la chose : en fait, la planification gouvernementale ne marche pas pour deux raisons :

  1. Comme dans l’histoire du restaurant, il est impossible pour le gouvernement de tout savoir sur les aspirations et les besoins de chacun. Le monde est beaucoup trop complexe.
  2. À cause de cette complexité, l’action gouvernementale peut avoir des conséquences totalement imprévues. Le meilleur exemple n’est pas économique, mais humain et écologique: l’histoire des Dayaks de Bornéo. Au cours des années 50, les Dayaks ont subi une terrible épidémie de malaria. Pour les aider, l’OMS a lancé une campagne d’extermination des moustiques (vecteurs de cette maladie) à l’aide de DDT, un puissant insecticide. Les moustiques sont morts, et les Dayaks ont arrêté de contracter la maladie. Happy end ? Non. Peu de temps à près, les toits de leurs maisons se sont mis à s’écrouler. Outre les moustiques, le DDT avait aussi tué une espèce de guêpe dont le régime était exclusivement constitué d’une espèce de chenille particulièrement friande de chaume. Peu après, les chats de l’île se sont mis à mourir. Et là, on a découvert qu’en fait ces chats mangeaient des petits lézards, qui avaient ingéré les insectes tués par le DDT. Le DDT ne faisait rien aux lézards, mais par contre, les chats… Du coup, les rats se sont mis à proliférer. Et les Dayaks, libérés de la malaria, se sont retrouvés à mourir de la peste et du typhus dans des maisons sans toit sans même le réconfort d’un gentil minet ronronnant.

D’accord, mais je fais quoi alors?

Imaginons un moment – soyons fous – que j’ai réussi à te convaincre avec une vidéo et une petite histoire touchante. “Mais que puis-je faire pour aider l’économie à se relever ?”, me demanderas-tu avec inquiétude. Ben, justement, rien. C’est ça le secret. D’ailleurs, le Dalaï-Lama dit la même chose que moi. C’était dans le style : “Si vous le pouvez, rendez service aux autres. Sinon, abstenez-vous au moins de leur faire du mal.” Plus proche de nous, Ayn Rand avait parfaitement symbolisé la chose dans son livre Atlas Shrugged (la Grève, en français).Vers la fin du livre, à un agent du gouvernement qui lui demandait ce qu’il pouvait faire pour aider les entrepreneurs à redresser l’économie qui s’écroulait, une dirigeante d’entreprise répondit simplement: “Get out of the way”.

Et si tu veux vraiment faire quelque chose ?

Mais bon, je ne rêve pas, je n’arriverai pas à te convaincre de ne rien faire. Même en te montrant que notre économie se portait vachement mieux pendant que tu négociais avec tes autres amis politiciens de la future formation d’un gouvernement. Alors voici quelque idées très simples que tu pourras mettre en place dès demain:

  • arrête de croire que l’avenir du pays passe par les grosses entreprises industrielles : les vrais créateurs d’emploi, dans notre pays et partout dans le monde, ce sont les PME. Et en plus, ce sont de vrais emplois durables: le patron d’une PME ne licenciera pas pour faire plaisir à ses actionnaires et obtenir un bonus. En général, il est fier de créer de l’emploi et de faire travailler des gens.
  • arrête d’empêcher les PME d’embaucher. Tu veux vraiment qu’on engage ? Supprime tous tes plans “Activa” et consorts, et fais baisser un bon coup les cotisations sociales. Tu verras, on se mettra tous à recruter du personnel.
  • arrête de nous noyer sous la paperasse. On en a marre de remplir des rapports à la con dans tous les sens pour informer tes fonctionnaires de notre “bilan social”, de notre “plan de mobilité” ou des mesures qu’on prend pour économiser l’énergie. Pendant qu’on remplit des paperasses, on n’est pas occupés à faire ce qu’on fait de mieux: trouver des clients et leur fournir des biens et des services contre paiement.
  • et surtout: ARRÊTE DE NOUS TRAITER COMME DES FRAUDEURS EN PUISSANCE. Le matin, quand je me lève, je pense aux clients qui attendent une livraison dans la journée. Souvent, sous la douche, je réfléchis à de nouvelles idées de business. Pendant la journée, je gère les urgences, les nouvelles commandes, le networking, tout ça. À la fin de la journée, je fais mes factures et je réfléchis à ce que je pourrais faire pour améliorer ma productivité. En fait, je ne pense à mes impôts que très sporadiquement, quand je discute avec mon comptable. Je suis content de le faire, parce que je ne compte pas mes heures et qu’en plus je serai le seul à m’occuper de moi si je fais faillite. Donc, autant payer moins d’impôts. Mais sans tricher: mon comptable n’arrête pas de me dire que la fraude ce n’est vraiment pas une bonne idée, et j’ai tendance à me fier à son jugement. Par contre, l’optimisation fiscale, ça j’aime bien. En fait, tout ce que je peux économiser d’impôts me sert soit à assurer ma protection sociale sans venir quémander des sous à Sabine Laruelle, soit à investir dans des outils plus performants ou des formations, soit à me faire plaisir, et dans ce cas ça fait tourner l’économie aussi.

Voilà, mon cher Elio. Je ne vais pas t’ennuyer plus longtemps. Je suis sûr que tu as plein de choses à faire. Mais quand tu auras un moment, parle un peu de mes idées autour de toi. Tu verras: nous, les entrepreneurs, il en faut peu pour nous contenter. Il faut juste que tu nous laisses entreprendre. Après, ben tout le reste on le fera pour toi : on réduira le chômage en engageant des travailleurs, on redressera les finances publiques en payant des impôts, on renflouera les banques en leur confiant notre argent bien gagné (et nos travailleurs feront de même). Arrête juste de nous mettre des bâtons dans les roues, c’est tout ce qu’on te demande.

Profite bien de ton week-end pascal.


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