Et malgré tout
les fleurs poussent
sur le territoire
de la guerre
sur la peau
du monde
abattu sous les pupilles
des soldats morts
sur le ventre des enfants
perdus
des enfants errants
sans échos
dans les conteneurs
de la misère.
Malgré tout
les fleurs poussent
après l’explosion
de l’impensable
et ses couleurs
de fausse beauté
dans l’horizon
des peuples satisfaits
de leurs fausses victoires
elles poussent
mes fleurs
aguerries
fleurs courageuses
combattives
intelligentes
sensibles
généreuses
elles brillent
comme les yeux
du vieux paysan
qui cherche
entre les déchets
de terre éventrée
un morceau de racine
un morceau d’ancestrale vigne
elles
mes fleurs
universelles
d’amour
elles brillent
imitant les étoiles
elles embrassent
imitant mes bras
elles pleurent et rient
imitant la vie
la vie
inépuisable
qui clame
dans son pistil originel
pour un retour
retour !
de l’être
essentiel
celui qui auparavant
cultiva les champs
avec la passion
et la patience
des fourmis rénovatrices
avec l’émotion
d’une naissance nouvelle
dans chaque morceau
de pain nourricier
dans chaque rotation
de l’eau sainte
Fleurs salvatrices !
d’espoir fondu
dans la porosité
assoiffée
Don de la terre et du ciel
qui accueillent fertilité sereine
au parcours douloureux
solitaire
là où des peuples frères
baignent dans la virtualité
d’un monde en paix
en paix
comme ultime souffle
Mais quelle paix ?
Celle qui à l’instant précis vient de s’écrouler ?
avec la cruelle tendresse offerte
par un homme punitif
prisonnier de lui-même
et traître à son seul et unique Dieu-Créateur ?
Quelle paix ?
Celle qui s’éparpille en poussière cosmique
en poussière de Foi déçue
à chaque équinoxe ?
à chaque solstice ?
dans l’immensité
qui harcèle
ses mystères
et ses interrogations condamnatrices ?
N’arrachez plus cette fleur !
Cette sublimation révélatrice !
du recommencement
de la vie
cette humble nature
qui nous regarde
colorée
sans larmes
mais gémissante
dans sa fragilité
au milieu
de l’obscurité
qui nous parle
depuis le temps perdu
dans l’oubli
qui nous clame amour !
amour universel !
depuis le premier soleil
la première lune
et beaucoup plus avant
que notre propre regard
n’a pu oser la regarder
dans la honte
d’un cerveau frère ensanglanté
sans regret
d’avoir tué
le dernier Dieu
entre tous les Dieux !
Qui pourra laver mon visage d’éternité effondrée ?
Qui pourra enlever cette épine millénaire ?
Laissez fleurir
la coupole bleue !
laissez pousser
la semence de la mémoire !
sa forêt de vie
débordant les espaces détruits
derrière les barbelés humains
Laissez pousser mes fleurs
dans le chant d’or et de sang
dans le champ de barbarie
et innocences disparues
Laissez pousser mes fleurs
d’amour universel
sur le miroir détruit
de nos âmes bénies
devant les flammes
et les larmes de notre paradis
Laissez pousser mes fleurs !
Pablo Poblète