Histoire de la City de Londres. Une version abrégée en
seulement 600 pages du livre de référence : KYNASTON, David, City of London, Chatto et Windus, 2011.
Voici ce que j’en retiens, sachant que le monde de la banque m’est peu familier.
Vie et réincarnation
La City de Londres résulte d’une initiative privée étonnante
pour un Français. À la fin du 16ème siècle, Londres est une des
principaux marchés mondiaux. Les marchands anglais font du commerce partout sur
la planète et ont besoin de crédits pour cela. Certains acquièrent donc une
fonction financière. Ils transforment leur entreprise en une « merchant
bank ».
En 1694, ils créent la Banque de Londres (d’Angleterre).
C’est un organisme à but lucratif, qui fait du réescompte. Elle va rapidement
avoir pour rôle de garantir le respect des règles de bonne conduite du
« club ». Tout aussi rapidement, elle aura à sauver ses membres des
crises qui les secouent périodiquement. En même temps apparaît le premier
assureur, la Lloyds (1691). Le Royal Exchange est établi en 1570.
L’histoire de la City connaît plusieurs épisodes
remarquables. Lors des guerres napoléoniennes, elle accueille les financiers du
continent (essentiellement juifs allemands), qui n’arrivent plus à y
travailler. Ils vont monter le système de financement des guerres contre
Napoléon. À partir de là, l’Angleterre sera liée par une dette de plus en plus
élevée à la City. Cela expliquerait que, bien vite, la classe dominante y ait
vu son intérêt et se soit alliée aux financiers.
À partir de maintenant, la City va aider les nations à
emprunter, généralement pour faire la guerre.
Dans l’entre-deux guerre, elle participera, avec grand
entrain, à la reconstruction de l’Allemagne. Et ce d’autant plus volontiers que
beaucoup de ses banques sont anglo-allemandes.
La City s’est constituée comme le centre financier de la
première puissance mondiale. La Livre est la monnaie d’échange internationale. En
1918, les USA dominent le monde. La City se replie sur l’empire britannique.
Mais après la seconde guerre mondiale son avenir semble bouché. C’est alors
qu’elle a un coup de génie.
Le dollar étant monnaie de réserve, les nations en ont grand
besoin. La City réalise que beaucoup de dollars ne sont pas aux USA. Et qu’il
est donc possible d’organiser des emprunts en dollars hors des États Unis
(Eurodollar). Coup de chance, le gouvernement américain décide au même moment
de limiter les emprunts qui peuvent être faits sur son territoire.
La City redevient la plaque tournante de la finance mondiale.
Les plus grandes banques s’y installent d’ailleurs. Elle a trouvé sa
vocation ? Elle est une zone franche, une sorte de station pirate, qui
tire profit d’être hors des eaux territoriales, surtout de la zone euro.
Mais, cette transformation lui a fait perdre son âme. Le
club est mort. Peu brillants mais risquant tous les jours leur argent, ses membres se connaissaient tous, et ils étaient chaperonnés par la
Banque d’Angleterre. Seule une morale des affaires rigoureuse y était possible. La City est maintenant faite
de « supermarchés » de la finance peuplés de surdiplômés drogués au
bonus, qui ne communiquent qu’avec des ordinateurs. C’est un univers fermé qui ne
voit le monde que par le prisme de l’argent. Signe des temps ? La banque Barings, héros du livre qu'elle parcourt de bout en bout, est victime d'un Kerviel anglais. (La banque a été fondée en 1762, par un immigré allemand.) Et la très arrogante Lloyds est prise en flagrant délit de malversations.
La Banque
d’Angleterre
Pendant longtemps, la Banque d’Angleterre a été la clé de voûte de l’édifice.
Elle a inventé le métier de banque centrale. Elle a vite cru possible de monter une fraternité de banquiers centraux qui assurerait le bonheur du monde, et le protégerait des impérities des démocraties. C’est ainsi qu’elle
a contribué avec enthousiasme à la reconstruction de la puissance allemande
entre les deux guerres.
Puis elle a été rattachée à l’État anglais, et à nouveau
rendue indépendante.
La force de la City
Qu’est-ce qui fait la force de la City ?
Surtout le talent étranger. En premier
lieu celui des Juifs allemands. Trois en particulier : Nathan Rothschild (qui
fait de Londres la plaque tournante du marché des capitaux internationaux),
Cassel et Warburg (Eurodollar).
Ensuite, elle dispose d’une très grande liberté. Elle est exceptionnellement
peu réglementée. C’est une sorte d’État dans l’État.
Enfin, la globalisation est son sang. Sans elle, elle dépérit. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait de 1914 aux années 60.
La City et
l’Angleterre
Curieusement, il ne semble pas qu’on lui en ait voulu d'avoir été le financier de la puissance allemande, à la fois avant et après la
première guerre mondiale. Mais, très rapidement, on lui a reproché de ne pas
financer l’industrie nationale. On dit, d’ailleurs, d’elle que c’est un « casino ».
Sa vocation n’est pas d’alimenter l’économie, mais de s’enrichir par des coups. Pire,
dans les dernières décennies, elle s’est mise à spéculer ouvertement contre les
intérêts de l’Angleterre. Ainsi, en 1992, George Soros gagne 1md$ en une
journée en jouant la sortie de la Livre du Système Monétaire Européen.
Jusqu’à Tony Blair elle a été en guerre ouverte avec les Travaillistes.
Et Margaret Thatcher ne l’appréciait guère.
Mais la City est elle encore anglaise ? Ou est-ce une
forme de pavillon de complaisance pour les financiers mondiaux les plus
agressifs ? Un nid d’aigle d’où ils lancent des razzias sur les campagnes
environnantes ?