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Péripéties d'un lecteur de romans - partie II

Par Alainlasverne @AlainLasverne

 

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e cap passé positivement, vous retournez l'ouvrage d'un geste souple du poignet. Sauf, bien sûr, s'il s'agit des œuvres complètes de Stephen King, auquel cas je conseille l'usage des deux mains, du moins pour ceux qui ne disposent pas d'un abonnement à la salle de body-building du coin.

Une bonne couverture, disait mon père, c'est la meilleure amie du sommeil. Pour certains livres, c'est effectivement le cas. On ne peut imaginer le nombre des lecteurs qui contrarient leurs impulsions et plongent dans un ouvrage pour sombrer bientôt dans le sommeil de l'enclume, malgré les avertissements. La nature humaine est ainsi faite, qui adore passer les limites, sauter la falaise pour épater la voiture du voisin qui a piteusement bloqué ses freins en hurlant à la mort. Alors on rame de phrases bateaux en formules incolores, de paragraphes sentencieux en digressions rétives, d'intrigues démembrées en suspenses aussi inattendus que les pages jaunes. On maudit l'auteur-star qui nous a tiré par la main et son titre racoleur qui nous poussait aux fesses. Bref, on s'ennuie dans ce bouquin comme un nonne à un à un défile de mode.

Remarquez, on peut bien tomber aussi. D'ailleurs, c'est quasiment fait puisque vous vous venez de pousser la porte. Une bonne odeur parfume vos synapses, titille vos dendrites. Le hall est suffisamment mal rangé pour dénoter un propriétaire de caractère. Pas de molosse, ni de vampire caché, ou de vendeur d'aspirateur. Non pas que j'ai quelque chose contre les vampires, ils m'ont fait passer de sanguinolents moments. Les vendeurs d'aspirateurs font, après tout, leur boulot et s'ils vous pompent votre fric vous n'avez qu'à vous en prendre aux courants d'air qui ont un peu nettoyé votre cervelle.

C'est juste que je m'interroge d'une manière phatique pour attirer votre attention sur le fait que certains hésitent à l'orée d'un roman. Prendre le temps de picorer quelques paragraphes ou faire un grand bond dans le temps de l'histoire, pour devancer l'auteur ? S'aventurer jusqu'à l'apocalypse final ?...A moins qu'ils ne décident de prendre le sentier balisé et cheminent de ligne en ligne, posément, en cueillant en bon ordre les fleurs du récit.

Pour ma part, j'ai longtemps pratiqué la lecture buissonnière. Je sautais les pages comme d'autres les classes. Je zigzaguais à plaisir dans l'histoire. J'avais envie de savoir avant de lire. J'étais impatient, je ne savais de quoi. Tout m'attirait, tout me distrayait. Je devançais la quête du héros, irrité par sa lenteur. Je courrais vers la formule de la machine à remonter le temps, pour ne pas avoir à subir les étapes de l'odyssée. J'escaladais à toute vitesse les obsessions du chasseur pour connaître le sort de la baleine pâle fuyant devant ce capitaine dément. Bref, je voulais la satiété avant d'avoir mangé, j'en voulais plus avant que d'avoir goûté.

Fin de la deuxième partie


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