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Le compte Facebook de Nicolas Sarkozy

Publié le 10 avril 2012 par Plugingeneration @Plug_Generation

Partie II : L’histoire pour les nuls
Le compte Facebook de Nicolas SarkozyChose promise, chose due. Après le décodagedes goûts culturels affichés par Sarkozy sur sa page Facebook personnelle (souvenez-vous :http://www.plugingeneration.net/2012/04/le-compte-facebook-de-nicolas-sarkozy.html), on s’attelle aujourd’hui à l’autre face numérique de Nicolas Sarkozy sur Facebook : son profil strictement politique (https://www.facebook.com/nicolassarkozy) qui est conçu comme une illustration du slogan de campagne du président-candidat, j’ai nommé la « France forte ». Dans cette optique, M. Sarkozy utilise l’innovation que constitue le nouveau profil développé par Facebook depuis quelques mois, le « journal », ou en anglais la Timeline comme diraient les technocrates communicationnels. Vous n’êtes pas sans savoir (et bam, le coup de violence symbolique) que la principale caractéristique de ce « journal » est qu’il permet à l’utilisateur de Facebook de raconter le roman de sa propre vie en soulignant les événements qu’il juge marquants. En vrac, les diplômes obtenus, les voyages effectués, les potentiels enfants… Pour l’observateur de ce type de profil, tel l’universitaire effectuant un travail critique sur l’autobiographie d’un écrivain, il s’agit donc de démêler le vrai du faux, de repérer les zones d’ombre, les événements laissés pour compte et ceux artificiellement mis en lumière.Cet exercice s’avère particulièrement amusant et fécond pour cette timeline consacrée à la France forte, car on n’y raconte pas la vie d’un individu mais celle d’un pays, exercice qui est de plus a priori réservée à une discipline scientifique, l’histoire. La présentation de la page est claire: « J’ai souhaité ici rappeler certains événements qui ont fait la France forte. » Nicolas Sarkozy se garde néanmoins bien de résumer toute l’histoire de France, mais il a l’audace de faire commencer celle-ci à la date de sa propre naissance, le 28 janvier 1955. Non, les grandes lois républicaines de la IIIème République ou la mise en place de l’Etat-Providence après la Seconde Guerre mondiale n’auront pas voix au chapitre parmi les grandes heures de notre pays. Aujourd’hui encore, la fonction présidentielle se doit donc de faire corps avec l’histoire du pays ; l’héritage gaulliste est loin d’être mort et enterré. En somme, Nicolas Sarkozy, c’est la France, et la France, c’est Nicolas Sarkozy.Quels morceaux d’histoire le président-candidat a donc-t-il choisi pour représenter cette France forte, et par extension lui-même ? Première remarque : il célèbre et honore surtout les succès individuels, faites par des personnalités identifiables et à qui donc on peut s’identifier. Méfiance du président par rapport aux mouvements sociaux ? Là est un pas que nous ne franchirons pas, par peur d’être traité de sale gauchiste ! Toujours est-il que, pour chaque décennie, on trouve la liste des Français récompensés par les différents Prix Nobel. Ainsi, des événements qu’on peut considérer comme mineurs sont mis en avant, comme l’obtention, en 1977, du Prix Nobel de Médecine par le fameux Roger Guillemin. Plusieurs catégories reviennent souvent : le patrimoine de la France forte, les technologies de la France forte, la France forte en Europe (création de l’Agence Spatiale européenne en 1975 par exemple), la France forte dans le sport (Victoire dans la coupe du monde de football en 1998), les Grands Hommes de la France forte, la France forte par sa culture… Contempler rapidement ce panorama historique donne un sentiment quelque peu étrange, comme si l’histoire de France depuis 1955 n’était constituée que de succès, que la Guerre d’Algérie, le chômage ou l’inflation n’étaient que des inventions destinées à décrédibiliser ce beau pays qu’est la France. La conception de l’histoire de Sarkozy est assez claire : celle-ci est uniquement un support qui doit permettre au peuple de se transcender par la référence aux Grands Anciens (la majuscule est bien délibérée). Elle a ainsi un rôle proche de celui de l’exemplum romain, ces légendes historiques qui devaient donner au peuple des grandes leçons de courage. C’est ce que Nietzsche, dans la première de ses Considérations inactuelles, nomme l’histoire « monumentale ». L’histoire n’est pas alors jugée par rapport à  la scientificité de son propos mais seulement par rapport à sa capacité à mobiliser les foules par l’imitation des Anciens.
A cet égard, reste à se demander comment Nicolas Sarkozy nous raconte son propre quinquennat. Son propre bilan est-il digne des Grands Anciens qu’il cite dans sa Timeline ? De façon très significative, les événements marquants de son quinquennat sont presque toujours liés à sa propre action politique. En effet, alors que dans la période 1955-2007, seules deux lois sont jugées dignes de figurer dans les événements ayant marqués l’histoire de la France forte, toutes les réformes phares du quinquennat Sarkozy sont mentionnées : retraites, défiscalisation des heures supplémentaires, exonération des droits de succession… On ne s’étonnera pas de l’absence du bouclier fiscal par contre. On sera en revanche surpris du choix des deux lois de la période 1955-2007 : la loi Veil sur l’IVG de 1975 et la loi sur le PACS de 1999.  Volonté du président-candidat de contrer son image de conservateur sur le plan des mœurs ? Libre à chacun de trancher. Toujours est-il que le message que Sarkozy veut nous faire passer est clair : avant 2007, ce n’est pas l’action politique qui a guidé la France, mais les grandes personnalités de la société civile : industriels, artistes, sportifs, scientifiques… Au contraire, depuis son élection, la politique aurait montré sa capacité à influer sur le cours de la vie du peuple, comme le prouve toutes les innovations législatives qu’il met en exergue. C’est bien l’image du président protecteur dans la tempête que veut se forger M. Sarkozy, jouant sur le contraste entre l’inaction supposée de ses prédécesseurs, et sa propre capacité à changer réellement la situation. Un coup de force par rapport à la tradition antique en somme : le seul exemplum pour Nicolas Sarkozy, c’est… lui-même.


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