Moi, je veux admirer, car c’est aimer toujours !
Les Admirations sont les soeurs des Amours.
Tout enfant, j’adorais les beaux vers et les roses.
J’avais des pâmoisons devant les belles choses.
J’admirais par les yeux, – par l’esprit plus encor.
Je me cachais de tous pour ouvrir mon trésor,
Quelque chef-d’oeuvre antique ! Et mon esprit agile
Volait aux rendez-vous que me donnait Virgile !
Du jour qu’à mon oreille il chanta, je l’aimai ;
Et cet amour en moi naquit au mois de mai.
L’abeille butinait tout autour de mon livre.
J’admirais, – non, j’aimais et je me sentais vivre !
L’esprit, comme le coeur, a des éveils charmants.
Il ne sait, cherche, hésite, et des ravissements
Lui viennent, chaque fois que, dans l’ombre cachée,
Se lève, à son appel, une image couchée,
Qui dormait dans un livre ainsi que dans son lit,
Et s’y rendort, quand c’est un profane qui lit !
Car, pour l’esprit, le Livre est la forêt magique
Où, sous les mots muets, l’Image léthargique
Peut dormir deux mille ans sans en craindre d’affront,
Sans ride, inaltérable et la fraîcheur au front,
Aussi jeune, aussi pure, en sa divine argile,
Que lorsqu’elle jaillit du cerveau de Virgile,
Toujours prête à l’éveil en s’entendant nommer,
Morte pour tous, hormis pour qui la sait aimer !
Lucien PATÉ (1845-1939).
*****************************************************