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Sexualités maghrébines en France : l’ histoire de Pichi

Publié le 02 novembre 2007 par Naravas


Sexualités maghrébines en France

L’ histoire de Pichi Pichi

                  Pichi fait des études de psychologie à Paris. Elle est originaire de l’est algérien, avec un accent arabophone prononcé, mais parle la langue de Molière à la perfection. L’hypercorrection linguistique fait parfois des miracles et c’est le cas de le dire ici, puisque rien dans son articulation ne permet de deviner qu’elle est maghrébine. Elle a réussi à expurger de sa voix, au prix d’un effort surhumain, tous les timbres qui impriment au français algérien une mélodie du pays. Avec un physique avenant, on ne peut pas dire qu’elle a beaucoup de problèmes pour rencontrer un homme. Pourtant, elle se débat dans des soucis affectifs littéralement inextricables. C’est que Pichi veut un musulman, un vrai, avec une foi au moins égale à la sienne…

Il y a de cela quelque temps, Pichi a réussi à se faire séduire par un homme d’une incomparable beauté. Il se trouve que je connais cet homme. Vous ne me croirez pas, mais je vais vous le dire : cet homme, par ailleurs tout à fait remarquable, signifie pour elle la même chose que son accent linguistique. Il représente pour l’imagination de Pichi ce beau mélange des Orients et des Occidents.

La puissance de l’attrait a pour effet d’économiser le temps et les malentendus. Pichi a appellé son homme pour la première fois le week-end passé. Poussée par une solitude sauvage, elle ne lui laisse pas le temps de franchir le seuil de son studio quand elle se jette sur lui. Elle lui arrache vigoureusement ses vêtements et se met à le mordiller, à le serrer et à le griffer dans tous les sens. Sa première frénésie passée, elle reprend de plus belle pour s’attaquer à sa ceinture, puis à ses sous-vêtements. Elle découvre le centre de son partenaire et se confond dans un mouvement de va et vient qui laisse celui-ci stupéfait.

Au bout d’un moment, la tension descend et vient le temps des mots tendres. Pichi se tourne alors vers son partenaire et lui dit :

-          Sais-tu que je suis vierge ?

-          Ah bon ?  Non, je ne le savais pas.

-          En plus, c’est péché !

-          Euh…quoi ?

-          C’est péché. C’est écrit dans le Coran. Surtout par derrière…

Mais son partenaire lui a fait savoir qu’il ne croyait pas en le Coran et qu’il trouvait sa manière de croire pour le moins paradoxale. Pichi se lève alors et s’habille aussi vite qu’elle s’est déshabillée quelques instant auparavant. Elle semble tout d’un coup préoccupée et se met à arpenter le peu d’espace de son studio de la place de la Bastille. Au bout d’un moment, elle s’arrête et lance à son homme :

-          Et tu crois en Dieu ou pas ?

-          Non rétorque sèchement le bonhomme, je suis complètement irréligieux. Ce n’est pas mes oignons, les affaires de Dieu ne m’intéressent pas.

Pichi reprend ses va et vient dans la pièce, horizontaux cette fois, et plonge dans un silence profond où se lit le désir et le désarroi. L’homme s’habille à son tour et se dirige doucement vers la porte.

-          Attend, je t’accompagne !

Ils cheminèrent en silence jusqu’à la station de métro. Là, Pichi eut le courage de le regarder une dernière fois, avec beaucoup de regret au fond des yeux.


03 novembre 2007

Suite à la publication de ce post, l'ami en question m'a prié
de corriger quelques informations et d'insérer la précision
suivante qui complète selon lui ce que j'ai écrit :

Bonjour,
Je suis l'homme à qui cette histoire est arrivée. Je pense que pour bien comprendre Pichi, il faut avoir en tête la nature de sa religion. Sa foi est vraiment rudimentaire. Je suis certain qu'elle croit en un livre qu'elle n' jamais lu, ce que je ne peux pas comprendre vu son niveau d'études. Son sentiment religieux est aussi loin du dogme coranique qu'un enfant de la comptabilité de l'entreprise de son père. Elle sait qu'il y a un enfer et un paradis et qu'il faut « bien » se conduire pour mériter ce dernier. Elle croit qu'en observant des règles simples (ne pas mentir, ne pas voler, faire le ramadhan et surtout ne pas épouser un non musulman), elle se hisse au rang des musulmans les plus pieux. Je crois qu'elle ne fait pas la prière, mais elle s'abstient de manger la viande non licite. Pour elle, le sens des versets est insondable et donc hors de sa portée. Le problème de l’interprétation des textes religieux est ainsi résolu pour elle, même si elle rejette comme « mauvaise interprétation » tout ce qui ne lui convient pas. Sa conviction la plus profonde, c'est que dans cette jungle urbaine, Dieu l'assiste pour triompher de la solitude. Aussi, sa foi a-t-elle décuplé depuis qu'elle est en France, loin de sa bourgade natale. On peut même dire que le respect sacré qu'elle voue à ses parents se confond avec sa foi.

Mais son problème le plus délicat lui vient de la force de ses désirs. Elle a essayé le jeûne (dit des « Sabrine »), elle a essayé l'indifférence, elle a essayé l'oubli de ses pulsions en organisant des soirées avec des copines, rien n'y fait. Dans les moments où elle « craque », elle donne une marge de liberté à sa folie et fréquente confusément un homme jusqu'aux limites qu'elle s'est elle-même assignées, avant de regretter son acte. Elle feint de ne pas savoir que le Coran n’a pas seulement interdit de commettre la fornication, mais a surtout interdit de l' « approcher ». Oui Pichi, l’approcher est aussi un crime, comme le prouve le hadith qui abolit la mixité (avec les femmes étrangères à la maisonnée).

Mais Pichi ne s’embarrasse pas de subtilités théologiques. Elle sait qu’elle approche la trentaine et que son heure biologique va bientôt « sonner ». Elle se dit qu’elle doit « faire quelque chose ». L’inaction la mènerait au bord de la faillite. Alors, elle tente l’entreprise impossible de chercher un religieux dans un pays sur-laïque. Elle est prête à tout sacrifier pour cela, y compris ses sentiments. Je crois que c’est ce qu’elle a fait avec moi. Je lui ai beaucoup plu. L’appel de son cœur a été gravement contrarié par l’injonction de sa foi.

Et l'épopée continue. Pichi repart à la chasse, d'un musulman susceptible de devenir mari. Cela rappelle la chasse parallèle, celle que Mohammed Fellag à nommé la chasse de la carte de résidence aux yeux bleus...


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