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L'économie est ailleurs

Publié le 11 avril 2012 par Omelette Seizeoeufs

Lors des débats sur la hausse de la TVA – dite "sociale", puisqu'elle permet aux gens qui gagnent le moins d'augmenter leur participation au financement des services sociaux – on avançait cet argument qui me semblait, à l'époque, assez étrange : la hausse de la TVA serait une manière de taxer les importations en provenance de notre grand ennemi économique, la Chine. Je ne voyais pas comment on pouvait l'affirmer, puisqu'avec la TVA, on ne peut pas cibler les produits par leur origine industrielle. Parallèlement, la hausse de la TVA ne devait rien coûter aux consommateurs parce que la concurrence ferait baisser les prix. Cet argument là, je ne le comprenais pas non plus, une taxe comme la TVA étant justement neutre en termes de concurrence : si on augmente le prix de l'iPhone que j'ai envie d'acheter, ce n'est pas comme si j'allais me rabattre sur des poireaux français.

Les mois passent et je pense à autre chose. Puis, hier, alors que je commençais à songer à faire un billet pour expliquer mes réserves sur Mélenchon, sujet complexe et subtile s'il en fut, je tombe sur cet édito dans les Échos, plein de mépris et dédain pour les électeurs de Front de Gauche (partagés, d'après l'auteur, entre des staliniens quasi terroristes et des bobos conformistes). Le succès de Mélenchon doit être un grand soulagement pour certains, qui peuvent sortir des vieux arguments et clichés qui n'ont pas servi depuis la chute du mur. Bref, notre éditorialiste, Henri Dubreuil, finit son billet sur le SMIC à 1 700 euros :

Il reste malgré tout primordial de combattre les idées mortifères d’un diable rouge ayant troqué sa fourche pour une faucille. La simple idée de fixer à 1 700 euros le SMIC relève de la folie ou de la stupidité. Elle conduirait à la faillite des milliers d’entreprises à travers tout le pays. Et à ceux qui m’opposeraient la relance de la consommation, je rétorquerai : relance des importations. Couler notre économie pour faire le bonheur des Chinois ou des Allemands est tout sauf une idée digne d’un candidat à la présidentielle.

Je ne vais pas aborder la question du SMIC aujourd'hui. Ce sont les deux dernières phrases qui sont fascinantes, et qui, je pense, expliquent bien des choses sur la perception économique de cette droite si sûre d'elle.

Prenons les choses point par point :

  • Relance de la consommation = relance des importations C'est le nerf de la guerre : consommer, c'est importer. Donner des sous au peuple et il va préferer l'iPad aux poireaux.
  • Le déficit commercial, c'est la faute aux consommateurs Car effectivement, si au lieu d'acheter des écrans plats, nos consommateurs achetaient plutôt des Airbus ou, mieux encore, des Rafales ou des centrales Aréva, ils contribueraient quelque chose à l'économie française. Ce sont les jeunes qui nous coulent, avec leur langage SMS et tout ça. Abrutis.
  • Aider économiquement "les gens" c'est en réalité aider les Allemands et les Chinois Dans la guerre économique mondiale, toute aide sociale finit, peu ou prou, dans les poches de l'ennemi. C'est presque comme si les consommateurs constituaient une sorte de "front intérieur", une tentacule de l'ogre chinois, venue siphonner notre richesse nationale.

Et la conséquence de tout cela, c'est que la population, celle qui travaille et consomme, ne sert presque plus à rien. En tout cas, cela ne sert à rien qu'elle ait de l'argent à dépenser. Le "pouvoir d'achat" est, pour nos patriotes, non seulement inutile, mais une fuite potentielle de richesse. Si "les gens" veulent contribuer à la réussite nationale, la seule chose qu'ils peuvent faire c'est travailler plus en demandant moins. Il faut qu'ils transférent leur pouvoir d'achat vers les marges des grandes entreprises.

L'économie n'est plus à nous, nous ne sommes plus que des freins, ni ouvriers ni consommateurs, juste des enfants dépensiers. L'économie est ailleurs et il n'y a rien à faire. Et pour autant, mais là je commence à mordre sur mon futur billet sur Mélenchon, il ne suffira pas déclarer la "réindustralisation" ou la "démondialisation". Il va faire falloir trouver autre chose, une autre manière de réintégrer "les gens" dans leur propre économie en modifiant petit à petit le terrain de jeu pour favoriser des structures plus petites, des réseaux plutôt locaux. Il va falloir également, et c'est surtout là où François Hollande me semble avoir raison, améliorer la qualité globale du pays, surtout en termes d'éducation et de recherche. Car l'éducation et la recherche, en plus d'une augmentation de la compétitivité (si si, monsieur le Président, cela peut se dire en socialisme), ce sont des moyens de remettre l'accent sur des gens, plutôt que sur des intérêts.


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