Une avalanche a tué 138 soldats pakistanais sur le glacier de Siachen dans le Nord du pays, près de la frontière indienne. L’Inde et le Pakistan se disputent ce territoire depuis 30 ans. Mais le drame fournit l’occasion d’un règlement du conflit.
Paru sur Le Point.fr le 12 avril. Par Emmanuel Derville, à Islamabad.
Un soldat indien sur le glacier de Siachen
C’est la pire catastrophe naturelle jamais connu dans l’armée pakistanaise. Samedi à l’aube, 138 soldats installés sur leur base du glacier de Siachen sont surpris dans leur sommeil par une avalanche. Les recherches se poursuivent depuis quatre jours, mais les espoirs de retrouver des survivants s’amenuisent. L’ampleur du drame a choqué la nation toute entière d’autant que le conflit de Siachen a tout d’une guerre inutile.
A la partition en 1947, l’Inde et le Pakistan ne délimitent aucune frontière dans cette région inhabitable située à la frontière chinoise. Le 13 avril 1984, sur fond de tensions diplomatiques entre Islamabad et New Delhi, l’armée indienne occupe les hauteurs du glacier. L’armée pakistanaise, qui n’est pas encore déployée sur place, arrive trop tard. Elle tente de reconquérir le terrain dans les années suivantes. En vain. En application d’un cessez-le-feu en vigueur depuis 2003, les deux forces ne combattent plus. La presse indienne et pakistanaise estime que 4000 militaires pakistanais font toujours face à 4000 soldats indiens sur ce champ de bataille considéré comme le plus haut du monde. Le camp enseveli par l’avalanche de samedi servait de base logistique à partir de laquelle étaient ravitaillés les postes avancés en amont. Plus que la guerre, c’est la montagne qui tue les soldats. Depuis le début du conflit, 70 % des 8000 victimes sont mortes à cause du froid.
“Siachen, c’est l’enfer”
Le général Shaukat Qadir se souvient des trois séjours qu’il a effectués sur ce glacier avant de prendre sa retraite. « Siachen, c’est l’enfer. L’enfer froid » Le militaire n’a passé qu’un jour et demi à chaque fois, mais il n’a rien oublié de ce qu’il a vécu là-haut. « Tout est compliqué à Siachen, raconte-t-il. Quand on tire au fusil ou au mortier, la détonation peut déclencher une avalanche. Pour éviter d’être foudroyé, il faut enterrer les fusils et les mitrailleuses. Mais le pire à Siachen, c’est le vent : quand il fait – 20 degrés, la température ressentie chute à – 60 degrés. On est obligé de respirer avec un masque pour ne pas avoir les poumons congelés instantanément. »
Depuis le drame de samedi, des voix s’élèvent dans la presse et la classe politique pour condamner ce conflit absurde. Lundi, des Parlementaires ont appelé le gouvernement à reprendre les discussions avec l’Inde pour démilitariser le glacier. Paradoxalement, la catastrophe constitue une occasion de relancer le processus de normalisation avec l’Inde qui a d’ailleurs offert son aide pour retrouver les victimes. Les discussions restent cantonnées à une reprise des échanges commerciaux et butent toujours sur la question du Cachemire et du soutien que le Pakistan apporte à certains groupes djihadistes.
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