Deux êtres exceptionnels viennent de disparaître à quelques heures de distance.
Raymond Aubrac nous a quittés le 10 avril 2012 à l’âge de 98 ans.
Le résistant, ami de Jean Moulin, aura connu la cruauté d’un Klaus Barbie mais aussi la foi prophétique d’un De Gaulle. Engagé dans l’armée des ombres avec sa femme Lucie il combattra l’aigle nazi jusqu’à la victoire puis perpétuera la mémoire de la résistance française en témoignant dans les écoles.
Il aura dû résister, également, aux accusations portées contre lui sur la base de déclarations émises par l’ancien SS sus-nommé selon lesquelles il aurait livré Jean Moulin à la Gestapo en indiquant le lieu de réunion en la maison de Calluire.
Une diffamation qui aura profondément blessé le couple Aubrac.
Mais le vieux ménage trouvera son œuvre de gloire avec l’adaptation sur grand écran de leur odyssée des années noires.
Le film « Lucie Aubrac » (1997) mettant en scène Carole Bouquet (Lucie) et Daniel Auteuil (Raymond) évoquera la rocambolesque évasion de Raymond Aubrac par l’instigation de sa femme, au nez et à la barbe de l’infâme boucher de Lyon.
Ben Bella est mort le lendemain à Alger. Ahmed Ben Bella est également une figure de la résistance, à sa façon, mais de l’autre côté de la Méditerranée. Lui aussi a combattu le nazisme en s’engageant dans l’armée française et a mouillé la chemise lors de la fameuse bataille du Monte Cassino (revoir le film « Indigènes »).
Mais surtout, il aura combattu « l’ennemi français », celui là même qu’il avait servi ! Car, Ben Bella est algérien et, marqué par les massacres de Sétif (mai 1945) il n’aura de cesse que l’ «occupant français » ne quitte son pays en prônant la décolonisation et la course vers l’indépendance. Responsable de l'organisation secrète qui préparait la lutte armée il sera arrêté par les Français en 1950. Mais il s’évadera (quel parallèle avec Raymond Aubrac) !
Après les accords d’ Evian (18 mars 1962 ; nous en fêtons le 50ème anniversaire !) Ben Bella prendra vite le pouvoir et inscrira son nom dans l’histoire de l’Algérie Indépendante en tant que premier président de la République.
Il sera, ironie du sort, détrôné militairement par son dauphin, un certain Boumediene en 1965…
Mais cet ami de Nasser finira sa vie comme « alter mondialiste » et très proche des utopistes révolutionnaires qui souhaitent la fin du capitalisme mondial.
L’ Algérie va se draper dans un deuil national. La France va pleurer le grand résistant et chaque parti cherchera à la récupérer…
Deux nonagénaires qui s’éteignent en laissant dans l’histoire une trace qu’on souhaite indélébile parce que le passé doit nourrir le présent…
Un jour entre deux agoniesLa mer sépare les endeuillésEntre mémoires, contre l’oubliBaigne la Méditerranée.
Les flots n’emportent pas la flammeDes hauts faits de la résistanceL’histoire s’écrit dans chaque drameEn tout héros magnificence.
Pugnacité dans le combatL’envahisseur en point de mireQu’il soit sinistre svastikaOu colon fou de son empire.
Chasser l’intruse humiliationPar son amour pour la PatrieS’éloigner des compromissionsQui font le lit des ennemis.
Sous le soleil des convictionsDésatomiser l’occupantL’enfant des colonisationsOu l’aigle nazi malfaisant.
Trouver la foi dans ses racinesLe regard bleu des lendemainsQui justifie qu’on assassineL’ombre salissant nos desseins.
Voies sanguinaires de SétifOu dramaturgie de CalluireUn même élan impératifD’éradiquer qui veut détruire.
Juste combat, libérationAspiration vers l’humanismeChaque blessure à la nationNourrit le cœur de l’héroïsme
Sous le soleil de l’AlgérieOu dans le crachin lyonnaisLa liberté en égérieD’un combat pour l’humanité.
Les chemins d’émancipationGuident souvent le feu des armesLes morts subliment les passionsD’une vengeance au goût d’alarme.
Résistant ou bien terroriste ?Tout dans le prisme se signale…En chaque camp l’idéalisteAveuglément combat son mal.
Ahmed ébloui par NasserRaymond par Jean Moulin séduitEt la fierté s’éprend d’AlgerEt tombe le drapeau nazi…
L’histoire érige ses hérosQu’une mémoire immortalisePour un pinacle d’idéauxTout un panthéon s’humanise
Les jeunes apprendront l’odysséeDe leur combat si prophétiqueLa juste cause peut sculpterSon noble corps pédagogique.
Quelques heures entre ces deux finsLa mer sépare les endeuillésSur ce passé en lendemainsBaigne la Méditerranée...