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Vrac

Par Volodia

Dans le bus 2, le chauffeur, africain, parle avec un collègue. Il parle fort, et à travers mes écouteurs je l'entends dire : « Ici tu travailles, tu travailles, après tu arrives à la retraite et tu meurs. » L'autre rigole. Il approche de la retraite, cela se lit sur son visage que je vois de trois quarts. L'africain poursuit « Le paradis c'est comme chez moi, le soleil et des jolies femmes. » Subitement mal à l'aise, je monte le volume, Inexorable Parade de CNK. Je ne veux pas en entendre plus. Avant que le son n'efface complètement sa voix, je comprends encore « Mais chacun sa croyance. »

Je me souviens lorsqu'elle a sonné, puis frappé à la porte devant mon silence, nue, vêtements épars sur le palier, dans la lumière jaunâtre des néons de la cage d'escalier. J'étais dans le bain, enchaînant les vodka cranberry, me secouant le sac en tous sens sous la mousse. Trempe, un linge à la taille, je suis finalement allé lui ouvrir. Elle m'a sauté dessus. J'ai échappé ma serviette. Je l'ai ramassée tandis qu'elle récupérait ses habits. Je ne me rappelle pas la raison de l'altercation. Je me rappelle l'étreinte.

Dans ma manière borderline de tomber, je m'attache à de bien futiles sourires, fugitifs devant la police de la vie harnachée de Kevlar toute entière et me retrouve à n'aimer que le froid métallique de l'absence. Petits soleils, de ma posture inabordable car lasse de trop de choses je vous vois, vous êtes belles filles désireuses d'aventures banales, et de ne savoir comment vous satisfaire sans me décevoir moi-même, je reste accoudé au fumoir, fumant des cigarettes par rafales, à siroter une vodka Red Bull surnuméraire à l'ivresse, contemplatif de ce peu qui me manque et de vos visages moites dans les tromboscopes hallucinés qui scandent une musique maintes fois rabâchée et ressemblant à la vie.

Au Dublin's d'où maintenant, résolutions balayées, j'écris ces lignes imbéciles en buvant une bière plate, je ne suis pas un artiste, encore moins un type bien. Que faudrait-il pour que je caresse encore l'espoir d'un roman – que faudrait-il surtout pour l'entreprendre vraiment ? Car j'ai finalement bien peu à dire à la page comme à ces femmes qui dansent au Podium où je me rends pour boire sous licence et peut-être, si l'on me tombe dessus, tirer un coup...

Tentative d'objectivité qui n'occulte nulle folie, déballage de faits précis, conscience des tenants, aboutissants ; le tout avec minutie, rationnel jusqu'aux heures les plus sombres, mécanismes expliqués ; et cela pourtant n'enlève rien aux mensonges, délires et autres grossières inventions et vulgaires fautes. Ce pot-pourri est, infâme, infect, de ceux dont on ne peut démêler les odeurs et qu'alors on laisse traîner en guise de bibelot – un peu de côté, sans le vouloir ostensible, mais qu'on puisse le voir cependant, comme une ligne de faille, un cratère, et qui tiendrait un peu d'une explication à, d'une raison à l'odeur de la pièce qui est ma vie, avec son lambris qui tombe et la structure solide mais inutile, avec l'espoir sordide que l'objet saurait captiver quelque femme que ma distance timide et blasée m'empêcherait de ravir ; qu'il serait remède aux solitudes comme il l'a été au bonheur des années durant. Avec cette certitude aussi que cela serait éminemment vain et voué aux mêmes échecs.

La culpabilité dorée de l'alcoolique à la bière surgit au deux-tiers du breuvage...


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