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Idex et l'Union européenne

Publié le 13 avril 2012 par Edgar @edgarpoe

Les initiatives d'excellence (Idex) sont des éléments de la politique d'enseignement supérieur de Sarkozy.

Il s'agit, vu de l'extérieur, de faire émerger des sortes d'établissement d'excellence au sein des universités. De loin, on peut être tenté de dire pourquoi pas ? Une façon de renouer avec une sorte d'élitisme républicain, cela pourrait contribuer au final à mieux positionner le système universitaire par rapport notamment aux grandes écoles.

De près, on constate surtout que la conception de l'excellence est assez révélatrice : prime sera donnée aux établissements acceptant de renoncer à un gouvernement par des conseils d'administration élus, au bénéfice de cénacles non élus ; prime également à ceux qui associeront le plus étroitement le privé.

Le collectif Sauvons l'Université a publié un article assez détaillé et convaincant sur les travers de cette réforme.

J'en extrais quelques lignes, qui figurent dans le projet Idex de l'université de Toulouse : 

Nous devons cependant également envisager la possibilité qu’un collège manque à ses engagements ; or aucune règle n’est complète sans la mention de ce qui se produirait dans le cas (qu’on espère peu probable) de tels manquements. Les dispositions suivantes rendront crédibles les évolutions proposées. Les mesures radicales à l’encontre des dérives fonctionnant rarement, le Pacte prévoit des règles des actions rapides destinées à établir cette crédibilité :

Le DGE de l’UT ou son directeur de recherche pourront émettre des avertissements.

En cas d’infraction répétée, un panel composé d’une majorité de membres indépendants sera réuni pour évaluer les dérives et proposer un recours ou des sanctions adaptées. Le panel fera rapport au conseil de l’UT, qui se réunira et prendra une décision en l’absence de tout directeur appartenant à l’établissement concerné. Afin d’être crédibles, les sanctions seront rendues quasi-automatiques par un mécanisme de vote à majorité inversée : la décision du panel sera adoptée à moins que tous ses membres ne rejettent ses conclusions au cours d’un vote à bulletin secret.

Les sanctions consisteront en un retrait progressif de l’accès au financement IDEX et à d’autres services (labellisation, etc.), le dernier recours pouvant être l’éviction de l’UT d’un membre ou d’une unité. Il convient de rappeler ici que, les membres ayant conjointement conçu et souscrit au Pacte, leur motivation intrinsèque et la pression de leurs pairs devraient suffire à garantir le respect des règles.

On croirait lire le pacte de stablité européen.

La structure de gouvernance des Idex est assez symptomatique :

se substituant aux CA élus, le « board of directors » (conseil de direction composé de 16 membres nommés dont seulement 5 seront issus – indirectement – des élections universitaires) sera chargé de piloter les restructurations en décidant notamment de redéploiements d’emplois issus des secteurs hors périmètre d’excellence vers ledit périmètre, de la création de chaires d’excellence et des CDD/CDI (avec contrats et salaires négociés de gré à gré), ainsi que de la mise en place de filières sélectives. Les instances élues sont par conséquent très largement exclues des processus qui vont aboutir à des changements institutionnels drastiques et à une modification complète du cadre et du contenu de l’activité professionnelle des enseignants-chercheurs, des chercheurs, des étudiants et de tous les personnels des institutions membres des Idex.

Qui a pensé au fonctionnement de la Commission européenne en lisant cela ?

J'avoue que cela m'a effleuré...

Deux idées, pour ceux qui souhaiteraient me guérir d'une obession anti-européenne :

1. On peut arguer que l'esprit du temps est à l'autoritarisme et au culte de l'efficacité par la concurrence, les structures européennes, comme celles d'Idex, en étant affectées. Je réponds que dans ce cas, il faut frapper le plus haut possible. Plutôt que de contester les Idex en laissant l'Union européenne hors de cause, je tiens qu'il importe de se concentrer sur le niveau de pouvoir le plus élevé, et de viser d'abord l'Union européenne. L'Union sert en effet d'ombrelle géante qui multiplie les mesures et structures autoritaires.

2. C'est si vrai qu'en reprenant un billet que j'avais consacré à l'effet pernicieux de l'Union européenne sur le CNRS, je tombe sur un morceau de la charte de l'AERES (agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur). L'AERES est au coeur du dispositif Idex. Elle se place donc sous les principes suivants :

L‘AERES prend en compte l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans un contexte de mondialisation du savoir.

Les enjeux de l’agence au niveau international :

Pérenniser son appartenance à l’ENQA (European Association for Quality Assurance in Higher Education).

Etre inscrit au registre des agences européennes l’EQAR (European Quality Assurance Register). Pour ce faire, l’AERES se soumettra à une évaluation externe en 2010.

L’agence peut également proposer son expertise pour évaluer des établissements étrangers ou internationaux de recherche et d’enseignement supérieur. L’ambition de l’AERES est de valoriser son originalité et de devenir un évaluateur reconnu à l’étranger. En cela, elle vise à contribuer au rayonnement international des établissements."

(le lecteur curieux relira mon billet sur le très bon livre de Jean-Claude Milner contre l'évaluation)

J'en concluais ceci : "L'agence est bien française mais les critères qu'elle retiendra seront européens et anglo-saxons. D'où la nécessité d'en finir avec le CNRS. Habile façon pour l'Europe de rester en retrait."

aeres.png

Ce n'est donc pas du tout un hasard si le dispositif Idex exhale les mêmes relents antidémocratiques que ceux qui émanent de n'importe quel dispositif européen : ce n'est qu'un élément de détail du processus de construction de l'état européen.


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