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Présidentielle : comment la télévision du Service Public ridiculise les petits candidats

Publié le 14 avril 2012 par Jacquesh

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C'était jeudi 12 avril, sur France 2, dans l'émission "Des paroles et des actes", animée par David Pujadas.  L’invité était cet homme dont vous avez peut-être entendu parlé. Cet inconnu  qui a atteint plusieurs fois le score de 0,5 % des suffrages à l'élection présidentielle.

On découvre, ce soir là, à une heure de grande écoute, un homme d'un certain âge, à l'allure d’universitaire. Il s'exprime bien. Il à fait HEC, et puis l'ENA. Mais, faisant preuve d’une indépendance assez rare, il évolue en marge du système. "Je suis une jeep" répond-il, de façon assez originale, pour signifier qu’il est touche à tout,  à la chroniqueuse qui lui demande pourquoi il n'a pas opté pour une carrière de chercheur plutôt que de se lancer dans la politique en free lance avec les résultats que l'on connaît. Elle, la chroniqueuse, ne conçoit manifestement pas que l’on puisse poursuivre un idéal gratuitement.

Ce qui dérange dans cette émission, mais qui est intéressant d'un point de vue sociologique, pour celui qui cherche à comprendre les rouages de la société démocratique dans laquelle nous vivons, c'est l'agressivité générale des chroniqueurs du Service Public à l’encontre de cet homme, chroniqueurs au demeurant payés avec votre argent, et le mien, et censés offrir un temps de parole et un traitement égal à tous les candidats.

Tout le long de l'émission nous voyons en effet, chacun de ses petit soldats zélés de la télé s'employer à tour de rôle à faire passer Monsieur Cheminade, soit pour un imbécile, soit pour un adepte des théories du complot...  Chacun a bien noté sur ses fiches en bon petit procureur de la pensée Unique, le mot de trop, l’idée malheureuse qui a pu être extirpée de son programme pour le faire définitivement passer pour un crétin. (Un type qui fait 0,5 % à la présidentielle dans une société ou il est interdit de perdre sera facilement suspecté d’être un imbécile ou un hurluberlu…)

Peut-être ces journalistes en savent ils plus que nous sur les véritables idées du bonhommes, peut-être ont-ils des raisons d'avoir de la bave aux commissures et de lui couper la parole d'une façon si grossière, mais le téléspectateur lambda lui, écoute un monsieur instruit, qui s'exprime bien et qui tient des propos pertinents. Il voit un candidat qui fait preuve d'intelligence et de mesure dans ses réponses, alors que ses contradicteurs eux, lui posent des questions outrancières et sont manifestement de mauvaise foi.  Il voit donc un candidat qui parle de remettre les chorales et le chant dans les écoles, qui propose de donner plus d'argent à la recherche, de rediscuter le pouvoir des banques, et malgré tous les efforts des chroniqueurs de France 2 pour tourner cela en ridicule (On a compris qu'il s'agissait d'une intention éditoriale), l’homme est convainquant. Les journalistes eux, nous apparaissent pour ce qu'ils sont. Avec leurs crânes rasés, ou leurs cheveux décolorés, à peine plus instruits, à peine plus polis, à peine mieux attifés, que le service de sécurité de la RATP. Ce que l’on ressent, c’est qu’ils en veulent à se monsieur, non pas d'avoir pris le métro sans payer, mais d'être libre, alors qu'eux ne le sont pas, et le savent.

 On l’a compris, le spectacle que nous présente David Pujadas, avec sa choucroute sur la tête— lui donnant cet air de félon si caractéristique —, n'est pas simplement un débat sur la politique. C'est le spectacle de la bêtise et de la méchanceté des chiens de garde d’un système,  face à l'intelligence et à la gentillesse d'un homme libre qui n’en fait pas partie. C'est la ruse et l'ironie de petits employés carriéristes, face à la franchise et à la droiture d'un homme qui ne souhaite rien d'autre que partager ses idées.  Et au delà de ce spectacle, plus triste encore, c'est la préfiguration de ce qu'est en train de devenir notre société.

Une société dans laquelle la différence de pensée n'est plus tolérée, ou la philosophie n'a plus droit de cité... Une société soi disant démocratique, mais qui fait preuve d’un totalitarisme idéologique d’autant plus sournois qu’il ne se nomme pas, et n’a pas de forme à laquelle l’on puisse opposer une résistance. 

Pour couronner le tout, comme si ce débat ne suffisait pas, France 2 à fait un casting pour trouver... un électeur de Jacques Cheminade. Et pas n’importe lequel.

Comme ils n'ont pas réussit à faire passer ledit Cheminade pour un imbécile (comment-y arriveraient-ils, ils n'ont pas à eux tous, les neurones du bonhomme), ils sont donc allés chasser une proie plus facile.

Le sujet est tourné façon télé réalité : Un journaliste s'invite chez un pauvre homme qui a très certainement besoin de parler depuis très longtemps, et qui n'a manifestement rien à faire d'autre que de passer ses journées sur Internet où il s’abonne aux théories du complot les plus grotesques qui circulent au sujet du 11 septembre.

Pourquoi tu t'énerves ? Lui demande le journaliste désinvolte, lui coupant la parole pour les besoins du reportage, étendu outrageusement, les pieds sur son canapé, après avoir bu et mangé à sa table au coin du feu sans l'écouter. (On comprend que ça fait partie du script. C’est une nouvelle forme de journalisme sans doute…)

Sous l’effet de l’émotion l'homme n'arrive pas à aligner deux mots. Comment la télé peut-elle s’intéresser à lui ? C’est une aubaine. Il veut parler. Il en à gros sur le coeur. Mais il n’y arrive pas. Il n’a pas le souffle. Il est ridicule. D’autant plus qu’il ne sait pas que c’est un piège. Que France 2 l’a convié à un dîner de con, à sa propre table et à ses frais, devant des millions de téléspectateurs. Il ne sait pas non plus qu’il sera le jouet d’un monteur qui aura pour directive de couper l’interview de façon intempestive afin de le faire passer pour un crétin irrécupérable. Et la besogne ne sera pas difficile. L’homme est perdu dans ses idées qui ne sont d’ailleurs pas les siennes, il est comme un drogué au cerveau carbonisé. On a mal pour lui. Ainsi donc France 2  rééduque les masses en exhibant leur bêtise. En soumettant des pauvres gens, qui payent sans doute leur redevance audiovisuelle,  à la chaise électrique de la pensée. Peu importe que le service public ait contribué à alimenter cette bêtise en diffusant un certain nombre d’émissions stupides. Peut importe que ce soit France 2 qui ait donné une médiatisation inespérée au livre de Thierry Meyssan, à l’origine des théories conspirationnistes au sujet du 11 septembre…

Jean Luc Toutlemonde


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