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Les filles de l’ombre (qui rayonnent quand même). Elle est...

Publié le 14 avril 2012 par Mmepastel

Les filles de l’ombre (qui rayonnent quand même).

Elle est culottée Sofia Coppola. Après des débuts acclamés, elle a continué de creuser le sillon des “riches malheureux”. En s’intéressant au destin de Marie-Antoinette d’abord, vu à travers la lorgnette de la futilité inconsciente ; mais pire, elle enfonce le clou (son clou, elle fait des films personnels), en s’intéressant dans Somewhere à la vie dorée d’un acteur d’Hollywood couronnée de succès et qui pourtant souffre d’un vide abyssal dans son existence et d’un ennui quasi métaphysique. Forcément, ça énerve. On lui reproche de se répéter, de ne s’intéresser qu’à des personnages privilégiés comme elle (fille d’un réalisateur célébrissime) -est-ce qu’on reprochait à Proust de ne parler que l’aristocratie en son temps ? Ah, oui, c’est vrai-. Et comme pour aggraver son cas, dans Somewhere, elle filme le quotidien facile de cet homme riche et oisif avec lenteur, d’une manière laconique, presque plate. Elle frôle l’ennui du spectateur en rendant aussi bien celui de son protagoniste, joué par un Stephen Dorff aux paupières lourdes parfaites. Il boit, regarde des filles payées se trémousser pour lui, rencontre des filles se déhancher gratuitement pour lui, croule sous l’abondance du choix, picore des rencontres sexuelles passablement ratées, fume, prend des médicaments, se rend mécaniquement aux rendez-vous que son métier réclame. Un automate. Une caricature de l’acteur sexy et en vogue. Une enveloppe vide.

Oui mais voilà. Tout est délibérément morne et plat (dans ce monde de paillettes qui fait rêver tant de gens) jusqu’à ce que déboule sa fille de 11 ans, Cleo, dont on devine qu’il suit l’éducation d’assez loin. Et Cleo, elle est incarnée par Elle Fanning. Et ça change tout. C’est une pré-adolescente toute en bras et en jambes et en longs cheveux. Une haute brindille qui mélange grâce, énergie, maladresse en virevoltant légèrement autour de son papa, qu’elle accepte comme il est. Une exquise esquisse, délicieuse enfant, qui rappelle la douceur de Charlotte Gainsbourg à ses débuts, la légèreté en plus.

La fille dans l’ombre, puisque c’est ce qu’elle est : fille d’un acteur ultra exposé, tandis qu’elle est relativement peu mêlée à ce monde-là. Mais comme une fée habillée de jeans et de T-shirts trop grands, elle enchante ce qui l’entoure. À son contact son père se révèle doux, attentif, complice. Forcé de passer davantage de temps avec elle que d’ordinaire, il va même prendre goût à cette vraie relation. Une femme en devenir avec qui il n’a pas à jouer de rôle, qui ne demande pas grand-chose, qui apporte juste sa présence lumineuse et fraîche. Elle Fanning rayonne quand elle observe, tranquille, tout le monde s’affairer autour de sa star de père, de ses grand yeux limpides. Elle minaude peu, juste comme on minaude, timidement, à onze ans. À onze ans, quand on est fille, on danse pour passer d’une pièce à l’autre, par exemple. Eh bien Elle Fanning le fait, avec la grâce fragile qu’il faut.

Cette jeune fée va ranimer le père. On ne nous dit pas trop comment, et tant mieux. On devine juste qu’il va se trouver sa place, somewhere, pas trop loin de Cleo.

Ce qui m’a intéressée, au-delà de ce film, c’est la récurrence de ce thème de la jeune fille/femme qui vit dans l’ombre d’un important personnage, que l’on retrouve dans plusieurs des films de Sofia Coppola (Lost In Translation, Marie-Antoinette, Somewhere). Evidemment qu’il y a une dimension autobiographique. Ce n’est pas ce qui me passionne le plus. Ce qui me touche, c’est que film après film, elle continue d’explorer ce thème, qui est le sien. Je trouve que c’est honnête, et je ne trouve pas qu’elle se répète pour autant. Je trouve cette prise de risque assez audacieuse même. Elle parle de ce qu’elle connaît, de ce qui la touche, et même si ça ne ressemble pas à nos vies de quidam, parce qu’elle est sincère, honnête et maligne, ça nous parle quand même. C’est un peu ça le principe d’une oeuvre réussie me semble-t-il. Donc même si son prochain film parle d’une jeune femme vivotant dans l’ombre d’un oisif de la haute, je lui ferai confiance.


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