Si on laissait faire les sondages, Nicolas Sarkozy et François Hollande
seraient qualifiés pour le second tour et François Hollande serait élu au second tour avant même que les électeurs ne se soient prononcés. Première partie.
C’est l’objet de ces réflexions bipolaires : prenons au mot les sondages et centrons-nous non pas autour du candidat sortant
(donné perdant depuis le début de la campagne) mais autour du candidat favori, pour ou contre.
Un favori qui, malgré sa prudente réserve en public, considère que son élection est acquise, et cette
affirmation s’est encore vérifiée ces derniers jours par deux informations : d’une part, par le fait que non seulement son gouvernement est déjà à peu près constitué (dixit "Le Monde" et
"L’Express"), mais les ministres pressentis ont déjà désigné
leur propre cabinet ministériel en débauchant déjà des hauts fonctionnaires : dircab etc. ; d’autre part, par l’envoi d’un émissaire au Mexique (et pas n’importe lequel, Michel
Vauzelle, président du conseil régional de PACA et ancien conseiller de François Mitterrand à l’Élysée), officiellement pour préparer le G20 qui se tiendra juste après l’élection présidentielle
et officieusement pour faire de la basse récupération dans l’affaire Florence Cassez. C’est ahurissant de voir à quel point certains court-circuitent la voie du peuple en faisant fi de sa
parole.
Mais puisque cette élection serait acquise (reconnaissons que les sondages se trompent généralement peu à
moins d’une semaine du premier tour, même si on sait qu’il y a toujours des surprises), faisons cet exercice à trois coups autour du candidat favori d’aujourd’hui, et aujourd’hui, examinons les
trois raisons qui pourraient me faire voter pour François Hollande (je rassure les lecteurs sur le fait qu’il y a une suite).
1. Fin des stigmatisations
La principale répulsion que peut engendrer le candidat sortant est son discours stigmatisant contre des catégories de la population vivant en France :
étrangers, musulmans, chômeurs, fonctionnaires, etc. En particulier, son discours de Grenoble du 30
juillet 2010 et aussi son attitude avec les musulmans sont deux arguments pour en finir avec un Président
de la République, garant de l’unité nationale, qui ne cesse de mettre le feu au fragile équilibre du vivre ensemble.
Il est probable qu’il n’en croit pas un mot et qu’il n’a adopté cette posture que par électoralisme ou
maladresse, mais il convient de remarquer non seulement l’inefficacité électorale d’une telle méthode
mais encore l’effet d’entraînement stupéfiant notamment sur des proches comme Claude Guéant qui n’a cessé, depuis un an qu’il est place Beauvau, à stigmatiser d’une manière ou d’une autre les
musulmans.
L’arrivée à l’Élysée d’une personnalité de gauche renverserait à l’évidence la vapeur, cette vapeur
malodorante et rétablirait un semblant de cohésion sociale. Je dis bien semblant car le nouveau locataire aurait sur sa gauche des troupes qui n’hésiteraient pas à faire avancer leurs pions dans
des rapports de force sociaux.
2. L’alternance
Entre 1981 et 2007, il n’y a pas eu une seule élection législative qui n’a pas fait changer de majorité
parlementaire. Cette instabilité électorale, qui contrastait avec vingt-trois ans de stabilité gaullo-pompidolo-giscardienne, n’était pas forcément mauvaise.
Elle a permis une aération de la classe politique et un renouvellement des générations, non seulement au sein
de la nouvelle majorité qu’au sein de l’ancienne.
La gauche ayant été privée du pouvoir gouvernemental depuis dix ans, il y a toute une nouvelle génération qui
est prête à siéger au gouvernement : Jean-Marc Ayrault, André Vallini, Bertrand Delanoë, François
Rebsamen, Manuel Valls, Stéphane Le Foll, Vincent Peillon, Jérôme Cahuzac, mais aussi Aurélie Filippetti, Marisol Touraine, Cécile Duflot, Delphine Batho, Clémentine Autain, Najat Vallaud-Belkacem, etc. qui attendent depuis un certain
temps de faire la "relève". C'est même pour cette raison que François Hollande n'a aucune expérience ministérielle.
Si ce renouvellement du personnel politique est sain dans une démocratie où l’alternance politique doit être
comprise comme une respiration, renvoyant les responsables de l’actuelle majorité à une cure d’opposition, il faudrait cependant prendre garde que cela ne concerne pas la haute fonction publique
qui, elle, ne devrait pas être victime d’une chasse aux sorcières comme certains le préconiseraient.
3. L’éclatement de l’UMP
Les fronts électoraux ne fonctionnent dans l’unité que pour profiter d’une victoire. En cas d’échec, il est
plus difficile de maintenir la cohésion d’un mouvement proche de l’auberge espagnole. D’ailleurs, Alain
Juppé a voulu prendre les devants en réclamant un congrès de l’UMP dès l’automne 2012, n’excluant pas de reprendre en main le parti qu’il avait lui-même créé au service de son ambition
présidentielle il y a tout juste dix ans. Il est clair que dans un tel contexte, Jean-François Copé
lutterait avec ténacité pour garder les rênes du parti.
Un échec à l’élection présidentielle entraînerait probablement un effondrement aux élections législatives par
l’effet levier du scrutin majoritaire et une recomposition inévitable du centre droit : d’un côté,
l’aile droite populaire de l’UMP pourrait être tentée par une alliance électorale avec le FN, de l’autre côté, les centristes de l’UMP pourraient définitivement quitter le navire en perdition et rejoindre
enfin, à l’instar de Philippe Douste-Blazy, un rassemblement nouveau regroupant également les
sympathisants de la candidature de François Bayrou.
Trois raisons
Trois raisons de voter Hollande, certes, mais mes réflexions ne sont pas pour autant terminées. La suite dans
la deuxième partie.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (17 avril
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Manichéisme.
L’esprit de
Valence.
Expérience
dans la décision.
Coup de menton.
Pas de majorité ?
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/reflexions-bipolaires-1-3-raisons-114846