Seigneur, dans mon pays on n’aime
Que rarement la poésie,
Hélas ! Vous en souffrez vous-même
Qui voyez les âmes choisies
Par vous pour chanter la couleur
Des mondes, pâlir et puis blêmes,
Donner voix, plus bas, aux poèmes
Exaltant le pommier en fleurs
Et l’ombre du clocher d’ardoise
Qui s’allonge avec son église
Tandis que l’air sent la framboise
Et que terre et ciel s’égalisent.
Seigneur, je connais des poètes
Dont la tristesse est d’être nés,
Puisqu’il n’y a jamais de fête
Pour eux qui sont insoupçonnés..
Que faire, afin qu’ils soient heureux
Une heure, des lauriers au front ?
Je ne demande rien pour eux
Qu’une heure, et que les pommiers ronds
Laissent tomber toutes leurs fleurs
Avec tendresse, avec ampleur
Sur eux, pour que, devenus roses
De joie et leur âme assouvie
Ils voient comme jamais, les choses
Briller, et qu’ils aiment la vie..
Alliette AUDRA (1897-1962).
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