Un lieu commun dans l’opinion
Concept arrivé assez récemment dans le vocabulaire des Français, la mondialisation est passée en quelques années dans l’opinion d’un phénomène seulement rejeté par certains mouvements et partis de gauche à un fléau rejeté par une large majorité des Français.
Aujourd’hui identifiée comme la première cause du chômage en France (33%, devant la politique du gouvernement, la crise de l’euro et le système social français), elle légitime du même coup la réponse protectionniste, thème de plus en plus porteur dans les discours politiques des différents candidats à la présidentielle. 54% des Français s’estimaient en effet favorables en octobre dernier à une augmentation des droits de douane des produits importés, le débat politique se cristallisant aujourd’hui autour de la politique protectionnisme la plus réaliste et adaptée aux besoins de la France.
Une évolution récente
Ces perceptions n’allaient pourtant pas de soi il y a quelques années puisque 54% des Français estimaient en 2007 que la mondialisation profitait avant tout aux pays occidentaux développés. Les doutes existaient pourtant déjà à l‘époque sur les bienfaits du libre-échange économique puisque que le vote sur le référendum européen de 2005 avait largement mobilisé les mêmes arguments qu’aujourd’hui. Le « Non » l’avait ainsi emporté à 55%, et très largement dans les catégories défavorisées, dans un débat notamment animé par la « directive Bolkestein ».
Incarnation aux yeux de certains d’une Europe nivelant par le bas les droits sociaux des citoyens, elle avait en partie fait basculer le vote dans le camp du « Non ». En dépit de ce résultat, le protectionnisme restait pourtant à l’époque très marginal dans l’opinion, la remise en cause du libre-échange étant encore circonscrite à la gauche, voire à l’extrême-droite.
La peur du déclassement
Ce basculement d’une majorité de l’opinion publique dans le rejet de la mondialisation économique est en fait due à une rapide évolution de la perception des bénéficiaires de la mondialisation. Alors que les Français pensaient encore en majorité faire partie des bénéficiaires de celle-ci en 2007, cette perception s’est inversée en 2012 : 50% des Français estimaient ainsi en janvier 2012 que la mondialisation de l’économie profite avant tout aux pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil, seuls 16% pensant qu’elle profite avant tout aux pays occidentaux et 13% à tous les pays.
Plus inquiétant encore, presque deux Français sur trois (61%) voient l’économie française être au moins rattrapée d’ici 50 ans par des pays comme le Mexique, la Thaïlande ou le Nigéria, alors même que les écarts de niveau de vie restent aujourd’hui très importants. 29% estiment même que l’économie de la France sera dépassée par celles de ces pays.
Les angoisses croissantes des Français face à la mondialisation semblent donc croître avec la mondialisation elle-même, le danger représenté aujourd’hui par un pays comme la Chine et sa main d’œuvre bon marché étant d’une autre ampleur que la peur du plombier polonais agitée en 2005. Face à cette évolution perçue comme à la fois incontrôlable et défavorable à la France, le protectionnisme a fini par s’imposer comme une réponse plausible, les autres politiques économiques ayant jusque là échoué à endiguer la montée du chômage en France.
L’intégralité de cette note est à retrouver sur le site Élections 2012 de l’institut CSA