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Fin de règne en Sarkozie

Publié le 17 avril 2012 par Variae

La sentez-vous, l’odeur de la fin de règne ? Elle a cette note nostalgique que l’on repère en automne quand les feuilles des arbres commencent à se décomposer, elle a la couleur des antichambres silencieuses, des bâtiments ministériels désertés où les cartons se remplissent à mesure que les bureaux se vident. Elle a l’aspect improbable de ces articles du Figaro qui brisent tous les tabous de la droite, en titrant sur la montre de prix que le Président de la République tente de protéger de ses propres militants, réactivant l’image « bling bling » contre laquelle le sortant lutte tant.

Fin de règne en Sarkozie

La fin de règne ne se mesure pas aux sondages, même si, dans une certaine mesure, ils la rendent possible et ils l’accélèrent en assommant jour après jour le camp qu’ils donnent battu, minant la motivation de ses soutiens. La fin de règne se devine au fait que ce qui était auparavant chuchoté et virtuel devient tout d’un coup réel. En 2007 déjà, la personnalité clivante de Nicolas Sarkozy nourrissait des rumeurs de vote sous la table de personnalités de droite en faveur de Ségolène Royal, des rumeurs d’improbables soutiens à front renversé. On sait ce qu’il en fut finalement : on se souvient du score, aux deux tours, de l’ancien maire de Neuilly. Aujourd’hui, une ancienne ministre de Jacques Chirac, Corine Lepage, appelle publiquement à voter pour François Hollande dès le premier tour. Un dirigeant du MoDem centriste, Jean-Luc Bennahmias, annonce déjà son vote Hollande au deuxième tour. Quant aux intentions de l’ancien président corrézien et de son « clan », elles sont si transparentes et commentés que le candidat sortant doit y répondre, publiquement, à l’antenne de France Inter pour les combattre.

C’est d’abord cela, la fin de règne : la fin de l’hégémonie d’un homme sur son camp et sur ses appuis institutionnels, qui, parfois sans grande élégance il faut bien le dire, changent de casaque in extremis pour ne pas sombrer avec le capitaine et son navire. Une ambiance, une petite musique de fond, qui voit par exemple le très libéral Institut Montaigne statuer, dans l’ultime ligne droite, que le chiffrage du projet de Nicolas Sarkozy est faux et sous-estimé ; ou encore l’anciennement très sarkozyste Laurence Parisot se sentir obligée, histoire de ne pas insulter l’avenir (proche), de souligner ses points de convergence « sur le dialogue sociale » avec François Hollande.

La fin de l’hégémonie d’un homme, la fin de la peur qui paralysait ceux qui craignaient son ire en cas d’écart ou de trop grande liberté de parole. Chez les professionnels de la profession, les grands élus, les ténors de l’UMP, les ministres en perdition, c’est – bien entendu – encore pire. Gare à la première goutte de sang dans le bassin aux piranhas !  Cela commençait par un Jean-Pierre Raffarin qui, tel le chat face à la souris, jouait avec Nicolas Sarkozy, le soutenant tout en lui savonnant la planche, au moment pourtant crucial des polémiques sur l’Islam. Cela continue avec ces articles qui se multiplient sur la guerre des chefs en préparation à l’UMP, sur ce Jean-François Copé qui se retrouve réduit, loyal malgré tout, à affirmer « son intuition » sur les chances de gagner du président sortant, tout en faisant déjà campagne pour la suite ; ou encore avec Bernard Accoyer – oui, Accoyer – qui dément mezzo voce les explications de Nicolas Sarkozy sur ses affaires immobilières.

D’abord des ridules, puis des rides, des craquements, des lézardes, qui vont en s’élargissant dans les murs de ce bel édifice que fut la Sarkozie. Cet édifice dont l’horizon de la droite se libère progressivement, dévoilant un grand vide à sa place.

Romain Pigenel


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