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Marathon des Sables: mon récit.

Publié le 18 avril 2012 par Sylvainbazin
Mon MDS s'est donc achevé, comme celui de 800 autres participants encore en course, samedi, par une dernière étape assez courte, 15 kilomètres, et ludique, dans les dunes de Merzouga, les plus hautes montagnes de sable du Maroc. J'ai couru un tout petit peu plus, et un peu mieux, que lors des étapes précédentes, mais cette « bonne note » finale n'enlève pas le sentiment général que je porte à la fois sur ma prestation, mon ressenti, et sur ce MDS en général.Je vais donc revenir plus en détail sur cette expérience Marathon des Sables, qui comme vous l'avez sans doute senti dans mes brefs compte-rendus d'étape (nous ne disposions pas de beaucoup de moyens de communication et je n'écrivais donc pas dans les meilleures conditions), fut à la fois curieuse, troublante et finalement assez marquante pour moi. L'an passé, lors du voyage de presse, j'avais réellement découvert, mais sans courir, l'épreuve et le côté pile de son organisation hyper-rôdée, à la fois surannée et efficace, moderne et démodée. Cela m'avait paru plutôt impressionnant, avec un bel intêret sportif en tête de course et par contre un camps de réfugié et des coureurs en très mauvais état voire vraiment lamentable pour assombrir le tableau et ne pas m'attirer. Mais il est vrai que cette épreuve a beaucoup su construire son mythe et attirer des concurrents sur ces images de coureurs harassés, sales et amaigris. En tous les cas cette année, me revoilà embarqué dans l'aventure, mais cette fois ci en tant que « coureur- journaliste », c'est à dire comme un concurrent normal. Juste un accès un peu plus privilégié à un ordinateur pour envoyer le mail quotidien autorisé, c'est tout ce qui nous sépare du coureur lambda dans cette position au MDS. Je vais donc découvrir l'autre versant de cette épreuve dont j'ai beaucoup entendu parler au fil de mes années de pratique, une de celles « qu'il faut avoir fait une fois », comme on dit... L'épreuve aussi qui a marquée la vie de mes amis marocains Mohamad, Lahcen, et dans un autre genre Karim Mosta. Ce sera donc sans doute une expérience intéressante, me disais je en partant. Il faut dire que j'avais déjà remiser à peu près toute ambition sportive pour ce MDS. Je pars en effet dans un état de fatigue et de mauvaise condition psychologique assez inédit. Je compte presque sur l'épreuve pour me remettre un peu sur pied, un comble finalement car pour l'immense majorité des concurrents ce MDS représente avant tout un défi extrême sur eux-mêmes.Je retrouve à Paris, puis à Ouarzazate, ceux avec qui je vais majoritairement partager la semaine: mes deux coéquipiers de l'équipe « running solidaire et responsable », Marco et Emma, et bien sûr mes complices Christophe et Aline. Karim, la figure de proue de l'épreuve, est là aussi. D'autres amis sont présents: Cécile, Corinne, Widy...mais je n'aurai pas tant l'occasion de les voir sur ce MDS où l'on reste beaucoup, sur le camp, dans les environs immédiats de nos tentes, même si avec Pam et Christophe nous feront quelques rondes le soir pour discuter et mettre un peu d'ambiance. Le transport vers le camp, où nous nous rendons directement, est assez long et se termine par quelques kilomètres où les coureurs s'entassent comme des bestiaux dans des camions; cela met dans l'ambiance mais nous optons pour un 4X4 qui se trouve là aussi. Commence alors une longue attente, la première du voyage, jusqu'au départ. Le camp est aménagé en cercle et les tentes des coureurs sont alignées par nationalité. Il faut sans doute cette rigueur quand on doit gérer plus de 850 athlètes. Les tentes, de style berbères, sont des plus spartiates et laissent à peu près tout passer, notamment le vent et le sable. Cet inconfort, qui n'a rien d'obligatoire dans le désert, me semble faire partie du jeu que les organisateurs veulent faire vivre aux coureurs: vous êtes là pour en ch..., cette semaine sera la plus difficile de votre vie. Pour les nombreux cadres supérieurs présents, c'est effectivement ça et cette forme de « mise en danger » est part intégrante du rêve MDS. Nous récupérons enfin nos dossards, nos sacs sont (plus ou moins) vérifiés: nous voilà livrer à nos seules ressources personnelles pour le reste de la semaine. Les miennes sont plus ou moins bordéliques: je n'ai pas eu le temps, ni la disponibilité d'esprit surtout, de bien préparer mon sac. Il me paraît trop lourd, la nourriture n'y est pas étudiée au gramme près. Après une nuit encore fraîche, nous nous réveillons sous un ciel dégagé pour le départ de la première étape. Nous avons encore à faire la queue (c'est une des images et des contraintes qui me restera du MDS: on passe son temps à faire la queue, pour le contrôle, l'eau ou même pour aller aux toilettes, comme dans un grand supermarché planté au milieu du désert) pour récupérer notre « eau du matin ». Les gourdes chargées, nous nous dirigeons vers la ligne de départ.
L'ambiance monte, malgré une bande son un peu éculée parfois. Les derniers conseils sont donnés et nous nous élançons enfin. Bêtement, sans doute, je pars comme si j'étais en forme. Presque par réflexe. Mais je ne suis plus le bon coureur que j'étais il y a maintenant pas mal de temps. Mon manque de préparation spécifique, ma forme morale fragile et la fatigue me rattrapent vite sur les immenses lignes droites qui sont livrées à nos mollets. J'avance péniblement. Mon sac, fatigué lui aussi, a craqué sur une point de serrage et ballote. Je vais devoir réparer ça à l'étape, grâce à une ficelle gentiment donnée par un coureur italien. En attendant je me fais doubler par une ribambelle de coureurs et j'ai du mal à apprécier les quelques beaux passages de l'étape. Il fait très chaud... Je termine tant bien que mal à la 94e place.La suite sera pire. La 2e étape est du même tonneau, nous parcourons d'immenses espaces surtout composées de longues lignes droites caillouteuses, et le soleil chauffe. Je bois trop au dernier ravitaillement et commence à vomir. J'arrive à l'étape dans un état plutôt catastrophique. Mes amis Pam, Marco et Christophe s'inquiètent et je me sens vraiment mal. Gros coup de chaleur. L'équipe médicale ne me laisse pas le choix, je suis perfusé pour la première fois de ma vie. Je pense que j'aurai pu m'en passer, j'ai l'habitude de passer d'états assez spectaculaire à une forme bien meilleure. Et puis j'ai surtout eu chaud...
Marathon des Sables: mon récit.
Le lendemain, je ne suis guère vaillant aussi je décide de ne plus forcer du tout. Je vais marcher pratiquement toute l'étape. Je me refais petit à petit. Mon esprit divague sur les longues lignes droites, toujours la marque de ce MDS côté parcours, et j'apprécie les quelques djebels proposés aujourd'hui. Au bivouac, la fatigue générale du peloton commence à se faire sentir. Moi, je vais mieux. L'idée est maintenant de ne pas se fatiguer, d'essayer d'aller mieux dans tous les sens du terme et de me préparer pour mon périple sur le Saint-Jacques. L'attente reste longue sous nos bout de tapis même si l'on s'amuse bien aussi. La grande étape sera la plus agréable pour moi. Le parcours est plus varié, le temps plus clément. Les passages de dunes sont beaux, j'y vois un beau troupeau de chameau noirs notamment. Je cours les 40 premières minutes, puis plus tard une trentaine de minutes avec Pam dans les dunes. Et marche tout le reste du temps. Pas si lentement puisque j'arrive au bout de 13h30, à la 160e place. Les conseils pour marcher vite de mon ami Francis Gauze me servent un peu... En tous cas je ne suis guère fatigué au bout de ces 81 kms et j'ai même vraiment, enfin, apprécié les derniers kilomètres dans la nuit saharienne. Sous le ciel étoilé, mes pensées sont enfin un peu plus positives, j'ai envie d'avancer. Le jour de repos me paraît ensuite très long. Le vent souffle très fort et nous contraint de rester un bon moment blottis sous nos tentes, qui s'effondrent plus ou moins... Mes coéquipiers Emma et Marco sont très fatigués et passent une bonne partie de leur temps à dormir, nos « co-locataires », une équipe soudée de Cherbourg, aussi... L'attente est longue. L'orage éclate enfin et nous avons droit à une averse de grêle, curieuse à vivre au Sahara. Après, le soleil revient et nous pouvons enfin profiter un peu du bivouac, nous promener et discuter. Il ne reste finalement que deux étapes. Mes amis sont dans une forme correcte: Marco se remet, Emma est motivée, Pam volontaire malgré des pieds et un dos bien abîmés, Christophe contrôle, Karim maîtrise, Christian aussi... nous avons juste hâte, et moi j'ai très envie, que cela se termine vite maintenant. Le bivouac ressemble de plus en plus au radeau de la méduse; l'aspect camp de réfugiés, avec les longues files pour aller chercher l'eau, la carte à poinçonner, le règlement, me pèsent. Certes, vu le nombre de concurrents, c'est nécessaire, mais ce n'est pas vraiment ce que j'aime. Et nous passons encore de longs moment à ne pas faire grand chose. Ambiance désert des tartares...
Marathon des Sables: mon récit.
L'étape marathon est enfin partie. Je cours un tout petit peu plus mais marche souvent et ne force pas du tout. Le parcours s'étire à nouveau sur de longues lignes droites très monotones, heureusement ponctuées de beaux passages dunaires. Je trouve souvent que le parcours aurait pu être plus beau. Mais entre le beau et le dur, le MDS a choisi la deuxième option. Ceux qui sont là pour vivre un défi ultime sont bien servis et d'ailleurs j'ai l'occasion de voir certains coureurs se livraient à une belle entreprise d'auto-destruction. Je reste ainsi dix kilomètres derrière un anglais qui court à cloche pied avec une énergie impressionnante, la jambe gauche complètement raide. Il passera sans doute le reste de l'année au pub, j'imagine un peu méchamment. La ligne d'arrivée, tout au bout de l'horizon me semble t il, est la bienvenue. Je commence à me sentir un peu plus en forme. Seule une ampoule développée sous le talon, je déroule en effet le pied en marchant davantage qu'à l'habitude, me gêne un peu. Avec Marco, nous allons nous faire soigner les pieds. L'attente à l'infirmerie est longue. Nous sommes bien lotis. Certains ont les pieds vraiment meurtris. C'est le cas de Lionel, de Terdav, qui reste par ailleurs en bonne forme, ou encore d'Aline, qui va endurer une belle séance de torture pour se soigner... mais ça ne l'empêche pas d'avancer dès qu'il le faut. Marco aussi va finalement déguster. Il est décidément temps que cela se termine. La dernière étape est la plus courte et aussi la plus ludique. Je cours assez péniblement mais me force à courir jusqu'au bout des 6.5 kms de piste au bout desquels commencent les dunes, les fameuses dunes de Merzouga, les plus hautes du Maroc. Un bel endroit. Où est passée ma vitesse, je me le demande, j'ai ressenti une certaine nostalgie de mon passé de coureur sur ce MDS... J'aborde ce dernier secteur dunaire en compagnie de Karim. Comme il est très expérimenté sur ces terrains particuliers, je me cale derrière lui. Au moins, je vais apprendre quelque chose. Nous restons un moment ensemble et je termine pas trop mal cette dernière étape, en tous cas dans un état de fraîcheur un peu rassurant, après les énormes difficultés connues au début. Le moral, bien difficile à gérer pour moi sur ce MDS, a tenu tant bien que mal.
Marathon des Sables: mon récit.
Je ne suis pas le seul à être soulagé de ce dénouement. En général, le peloton est très fatigué. Le terrain et les conditions de vie sur le MDS n'ont rien de facile. C'est une course dure, même si pour moi ce n'est pas la « grande aventure de votre vie ». J'ai vu pas mal de gens venir pour un Everest personnel, ou en tous cas pour se faire très mal. Même de très bon coureurs dégustent: Damien se rompt le tendon, Rachid se casse le fémur, Benoit, le plus performant des cherbourgoies, termine en boîtant bas... L'organisation maîtrise, le suivi médical est performant. J'ai eu du mal avec ce désert trop peuplé pour moi, souvent trouvé que le parcours était bien trop rectiligne et traversait des endroits pas bien jolis par rapport à ce que je connais du désert, j'ai aussi vécu difficilement ma méforme, au départ, puis bien mieux en acceptant d'aller tranquillement. Ce MDS restera donc pour moi une expérience très intéressante, marquante finalement alors que ce n'est pas vraiment mon type d'épreuve. Je vais maintenant pouvoir m'élancer plus sereinement, j'espère, sur le chemin de Saint-Jacques, la première étape de mon projet Terdav Trail World Tour (j'ai beaucoup apprécié de sentir l'équipe de Terdav derrière moi pour ce projet, je le signale au passage, sur ce MDS), un cheminement qui me tient vraiment à coeur et qui marquera je pense ma vie à partir de maintenant. A très bientôt sur les grands chemins...

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