Magazine Humeur

Pourquoi toute notre Justice est à reconstruire ?

Publié le 18 avril 2012 par Rsada @SolidShell

palais de justice_facade_arcade.jpg

Le NouvelObs publie ce mercredi sur son site internet, l’interview de Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats, qui dresse un bilan désastreux de l’état de la Justice dans notre pays dans les cinq dernières années.

Entre multiplication et enchevêtrement des Lois, indépendance de la Justice mise en péril ou maltraitance des magistrats, le constat du syndicat majoritaire chez les magistrats est sévère.

Extraits :

Quel bilan général dressez-vous de ces cinq dernières années ?

- Le bilan n'est pas bon. Justice et magistrats n'ont jamais été autant maltraités. Ces derniers croulent sous des avalanches de lois. Ils n'ont jamais été autant stigmatisés et n'ont jamais tant souffert de l'atteinte à l'indépendance de la justice. Le tout sur fond de pénurie budgétaire continue et de situations dans les juridictions de plus en plus tendues.

Ce bilan ne contient pas de scoop, il ne fait que reprendre ce que nous dénonçons depuis plusieurs années. Notamment en 2010 dans notre "livre blanc", qui n'a manifestement pas été entendu. On ne dit pas que rien n'a été fait : de nouvelles prisons et de nouvelles juridictions ont, certes, été créées, et l'informatique s'est développé. Mais rien n'a bougé au niveau des effectifs, le plus gros point noir.

Avec quelles conséquences ?

- Le problème est tel qu'il devient insupportable. La RGPP (Révision générale des politiques publiques) appliquée au ministère de la Justice s'est faite sur la base d'effectifs déjà insuffisants, et les charges de travail n'ont pas été réduites, au contraire. Les successions de lois les ont même augmenté, et la réforme de la carte judiciaire a ajouté de nouvelles difficultés aux juridictions "absorbantes".

On mord sur les week-ends et les vacances, les fonctionnaires ne peuvent plus prendre leurs récups'. On peut toujours se transformer en machine distribuant des jugements types, mais ce n'est pas pour cela qu'on a choisi ce métier.

(…)

La multiplicité des lois est un point important de votre état des lieux. Quel bilan faites-vous ?

- Le problème de l'incohérence de la déferlante de lois, qui n'a pas cessé ces cinq dernières années, est toujours aussi important. Prenons un exemple : en 2007, les peines planchers sont introduites et on demande aux magistrats d'incarcérer les personnes.

Deux ans plus tard, en 2009, la loi pénitentiaire passe, et on leur demande de libérer les personnes. En 2011, enfin, partant du principe que les magistrats sont laxistes, on introduit les citoyens assesseurs censés être plus sévères...

(…)

Le quinquennat a été marqué par l'affaire de Pornic et la mise en cause des magistrats.

- En effet, mais ce n'est pas la seule. Deux affaires emblématiques ont particulièrement marqué les magistrats : Pornic a signé le réveil du monde judiciaire. C'était l'attaque de trop et l'injustice était telle, qu'elle a été vécue comme une insulte. D'où les manifestations massives. L'affaire Bettencourt, quant à elle, a démontré par "a+b" la mainmise du pouvoir sur certaines affaires.

L'image renvoyée à l'opinion publique a été détestable vis-à-vis de l'état de la justice et de l'autorité de l'Etat. Elle a valu des récriminations et commentaires non moins détestables aux magistrats pendant certaines audiences...

Le chantier aujourd'hui est donc plus que vaste...

- Tout est à reconstruire. Au-delà des problématiques déjà citées, l'organisation de la justice est essentielle, avec la double question de l'organisation des juridictions sur le territoire et la redéfinition du périmètre de l'intervention du juge. Il est aussi primordial de restaurer le respect et faire cesser les critiques permanentes des magistrats et de la justice. Quoi qu'il en soit, il est toujours bien de dresser un bilan. Cela permet de repartir sur autre chose, et ce, quel que soit l'élu. 

Cette interview donne un écho particulier au reportage diffusé sur France 2 mardi soir, dans lequel une Juge d’application des peines de Rouen avouait que compte tenu de la surpopulation carcérale à la maison d’arrêt de la ville (parfois jusqu'à 200%), elle était dans l’incapacité de procéder à toutes les mises sous écrou commandées par ses confrères et révélait qu’elle ne donnait priorité qu’aux peines les plus lourdes et aux individus les plus dangereux.

A la manière d’un proverbe kashmiri : « la Justice vaut mieux que l’adoration ».


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rsada 587 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte