Il était secoué, même s'il masquait. Sa campagne dérive. Les sondages, qu'il manipulait pourtant si bien voici 3 ans, le donnaient perdant.
Ces dernières heures, la campagne avait pris une curieuse tournée.
Il avait laissé Carla, son épouse, emprunter ses comptes Facebook et Twitter, jeudi 18 avril, pour dire combien son « mari » adorait et lisait dses 3500.000 « fans » sur Facebook ou « followers» de Twitter. «De passage au siège de campagne, j'emprunte momentanément le compte de mon mari pour vous saluer et vous remercier pour votre soutien sur Facebook. Merci de votre engagement, si nombreux, à ses côtés. Il me parle souvent de ses amis sur Facebook. Je sais que votre fidélité le touche. -Carla ». L'homme nous prenait pour des cons, à moins qu'il ne s'agissait d'une initiative de l'un des néo-geeks de l'équipe de campagne du QG sarkozyste.
C'était drôle, malencontreux, inefficace et ridicule.
Nicolas Sarkozy a refusé l'interview proposée par le site Mediapart. François Hollande avait fait de même avec le Figaro. Notez la comparaison. Le site d'informations d'Edwy Plenel avait multiplié les scoops sur les nombreuses affaires de Sarkofrance. Le quotidien de Serge Dassault avait multiplié les unes contre François Hollande. Mediapart voulait confronter Nicolas Sarkozy à quelques questions, dix pour être précis. Trop dangereux pour le candidat sortant. Depuis des semaines, quelques journalistes un à un s'obstinent à lui poser une question par ci, une autre par là, sur le financement illégal présumé de sa campagne de 2007. Bizarrement, le Figaro n'avait pas proposé à Jean-Luc Mélenchon une quelconque interview. Mais ce jeudi 19 avril, il titrait sur ce quart d'électeurs indécis, histoire de mobiliser à droite.
A gauche, Libération s'inquiétait d'une remontée soudaine de Marine Le Pen.
Mercredi, à Morlaix, Nicolas Sarkozy n'était pas en meilleure posture. L'envoyé spécial du Figaro, le lendemain, fut incroyable. Il rappela cette injure faite aux Bretons, en 2007 mais dévoilé après la campagne de l'époque: «Je me fous des Bretons!». A Morlaix, il paraît que le candidat sortant était « revenu à ses fondamentaux ». Lesquels ? L'homme nous avait habitué à trop de girouettes, trop de voltes-faces, quels étaient donc ses « fondamentaux » ? Nous fûmes rassurés. Ou pas.
À la tribune, il reprend son antienne sur l'islam et la laïcité, l'immigration «divisée par deux», la dénonciation de «l'Europe passoire», ou encore les racines chrétiennes de la France: «En Bretagne, ou il y a tant d'églises et de chapelles, vous pouvez aller à la messe ou pas. Mais savoir d'où l'on vient, qui l'on est, ça permet ensuite de tendre la main aux autres.»Jeudi, à Arras, le rendez-vous fut à peine plus décisif. Les équipes semblaient sonnées par l'avalanche de sondages brutalement défavorables. Parfois, ça sentait la panique. Le conseiller Henri Guaino aurait enjoint les rédactions télévisées de traiter de faits divers.
La France silencieuse avait-elle déserté les sondeurs ?
Les ralliements soudains et nombreux d'anciens ministres de gouvernement de droite à François Hollande n'en finissaient pas de déclencher des réactions outragées de l'UMP. Concernant Martin Hirsch, Nicolas Sarkozy dénonça le « moment » et « l'élégance » de la décision de son ancien Haut Commissaire aux Solidarités Actives. De sa part, c'était inélégant et le mauvais moment. Il savait pourtant combien Hirsch avait mal supporté les attaques contre le RSA émanant du couple Wauquiez/Sarkozy depuis un an. Jean-François Copé a laissé son sbire Christian Jacob, président des futurs ex-députés UMP tacler plus durs la décision de Hirsch, la qualifier d’« indigne ». On se souvient que Martin Hirsch avait écrit un fâcheux ouvrage contre les conflits d'intérêts. A l'époque, Jean-François Copé était député, encore maire et surtout avocat d'affaires. Le conflit d'intérêt était latent, horrible, ignoble. Copé démissionna de son poste d'avocat, discrètement et avec honte.
Un peu plus tard, sur Twitter, nous eûmes le pire. Le chef de cabinet adjoint de la ministre Nadine Morano lâcha sur Twitter :« Fadela: ni pute ni soumise...mais un peu quand même ! ». Fadela Amara, ancienne secrétaire d'Etat inutile à la Ville sous Sarkozy, venait de confier qu'elle voterait François Hollande.
A Arras, Nicolas Sarkozy dénonça la « gauche caviar » qui n'est jamais allé à Sangatte. On a promis des surprises pour le premier tour de dimanche. Pensait-il à des bourrages d'urnes ? Certainement pas. Mais la motivation n'était plus là : « le cœur n'y est pas vraiment. » commentait le Figaro la veille à Morlaix. A Arras devant 2 ou 3.000 personnes à peine, Nicolas Sarkozy faisait campagne... contre Marine Le Pen: « Et bien le vote Marine Le Pen, ça servira François Hollande ! Voilà ce que je ne veux pas ! »
Il y eut enfin cette chronique incroyable, en page deux du Monde. Les correspondants des campagnes de Sarkozy et Hollande comparaient leurs expériences de campagne. Sur Sarkozy, objet d'interrogations et de chroniques du blog Sarkofrance depuis le 6 mai au soir, la confirmation fut étonnante. Sur les estrades de ses meetings sur-castés de militants UMP retraités et de jeunes crypto-droitistes de l'UNI, Nicolas Sarkozy racontait qu'il avait tout donné. Dans le Monde, nous lisions que ses journées de candidat étaient resserrées, quelques heures à peine. Nicolas Sarkozy était « pressé » de rentrer chaque soir dormir aux côtés de « Môman » Carla. Ces meetings commençaient invariablement à 18 heures. Seuls des retraités, des étudiants, ou des salariés aux 35 heures ou en RTT pouvaient donc y participer. Vive la France forte ! Quand Sarkozy donnait « tout » en campagne, le planning était rôdé: 17h la visite, 18h le meeting, 21h le dodo avec Carla. Il donnait tout, comme depuis 2007. « J'essaie toujours de toutes mes forces d'apporter des solutions parce que c'est mon devoir, ma nature, mon tempérament », martelait-il encore à Arras ce jeudi, « Pendant 5 ans, j'ai mouillé la chemise».
Cette nouvelle, peu commentée et pourtant incroyable, n'était pas une surprise. Je me souviens avoir écrit, il y a longtemps déjà, combien Nicolas Sarkozy président multipliait les weekends et vacances. Je me souviens qu'en octobre 2008 déjà, je m'interrogeais: « Finalement, quelqu'un s'est-il demandé si Nicolas Sarkozy travaillait le dimanche ?»
Ce jeudi, les conseillers de Nicolas Sarkozy voulaient croire que c'était la faute aux règles de temps de paroles si leur mentor ne convainquait plus. Qu'il était béni le temps où le temps de parole du Monarque n'était pas décompté !
«Il continue à ratisser, confirme un conseiller. Les gens l'entendent, le voient… ça paye. L'égalité du temps de parole nous force à faire campagne comme avant…»
Fantastique.
Continuez.