1.
Quatre heures du matin.
C’est l’heure la plus froide.
L’heure où le monde, dans son ensemble, s’absente de soi.
Un gigantesque accroc dans la trame des heures.
Un hiatus où le vide, enfin, peut s’engouffrer.
L’heure où l’on se demande si ce Tout (ce tout-ça) va renaître. Monumentale, maximale hésitation.
Quatre heures du mat’.
Moment de l’absolu exil.
Insondable silence des choses désertées…
Trou où s’échappe, en hémorragie, la substance…où la nudité des astres, on le sent, fait mal.
Quatre heures de la nuit noire. Repères éclipsés. Mutisme lisse, entre chaque grain de matière.
Entre chaque atome, cet immense état creux.
Et les astres, gigantesques aspirateurs…
Que fait-on là ?
Attend-on l’éternel retour ?
2.
Les nuits d’insomnie, le silence est si concentré, si puissant qu’on a l’impression qu’il s’est fait aussi vide que le Vide lui-même.
Il se retranche dans chaque draperie, chaque voile d’obscurité.
Je le vois s’incurver, tourbillonner dans l’enclos de la pièce qui m’abrite. Comme s’il s’apprêtait à passer un grand trait de gomme sur chaque forme, chaque épaisseur…
Et j’ai la sensation tout à coup que ma chambre est un îlot ; une survivance incongrue et fragile de matérialité isolée au milieu d’un monde éliminé, anéanti ; d’un univers soufflé qui n’est plus qu’une gigantesque absence sourde et muette.
Patricia Laranco