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Sarkozy cherche la France silencieuse chez Le Pen

Publié le 20 avril 2012 par Juan
Sarkozy cherche la France silencieuse chez Le Pen Jeudi 19 avril, il était sur Europe1, puis à Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, puis dans le Figaro et enfin sur TF1. La campagne du premier tour touchait à sa fin. Pour ces dernières heures, Nicolas Sarkozy aggravait sa posture frontiste. Il ne s'agissait plus que de chiper le plus d'électrices et d'électeurs possibles à Marine Le Pen pour être le plus haut possible dimanche.
« Le peuple de France, il aime le respect. »
C'était l'une des formules de campagne, prononcées ce dernier jeudi d'avant le premier tour. Respect ? La formule était curieuse.
Respectait-il seulement cette campagne ?
Fraudeur sur Europe1
Le matin sur Europe1, il était à l'antenne, comme ses 9 autres concurrents. Il chargea son rival jugé principal, François Hollande, qui venait de défendre un vrai coup de pouce au SMIC. Sarkozy était évidemment hostile, mais pourtant favorable au pouvoir d'achat. « Voilà donc une proposition qui dit : 'les bas salaires, on va les augmenter'. Dans le même temps, on supprime les heures supplémentaires défiscalisées et on augmente les cotisations salariales. Cette campagne doit servir à dire la vérité ».
Il mentait. La défiscalisation des heures supplémentaires, coûteuse en recettes fiscales et en emplois, restait une arnaque censée masquer la hausse des déremboursements et de la TVA pour tous.
Fatigué ou inconscient qu'il était président, il se dit « pas choqué » par des fuites sondagières sur les résultats du scrutin avant 20 heures. Un Président qui légitime une infraction à la loi de la République... Avec lui, tout restait possible...
Où est passée la France silencieuse ?
A Saint-Maurice, dans une petite salle mal équipée en drapeaux français et peut-être 2.000 personnes à peine, il débuta par un appel à cette majorité silencieuse, en fustigeant , évidemment, les médias. L'omniprésident, l'homme du Fouquet's  « L'autre jour, un journaliste aimable ... positif... m'a dit qu'est-ce que c'est... le peuple de France à qui vous voulez parler ? » Et il partit dans un éloge de l'effort et du mérite de « ce peuple de France que je connais, dans lequel je me reconnais », de l'histoire et de la tradition.
C'était son grand jeu, le numéro désormais connu du candidat du peuple fâché avec les médias, les bobos, la France d'en haut. Même son épouse Carla organisait des réunions Tupperware dans son hôtel particulier, Villa Montmorency dans le 16ème arrondissement de Paris pour convaincre ses richissimes voisines.
Il cherchait la France silencieuse, «qui ne casse pas, qui attend les élections pour s'exprimer ». Dans l'après-midi, on sentait qu'il enrageait de ne pas la trouver. Il priait désormais à voix haute, mais ses prières étaient des cris de rage : « Le peuple français va donner une leçon à tous ces gens comme jamais il n'en ont reçu une avant... Jamais on a vu de telles forces mises en avant. Et malgré tout, je sens le peuple de France exaspéré à un point qu'on n'imagine pas dans certains milieux et dans certaines élites.»  Nous promettait-il la guerre civile ou la décapitation pour cause d'anti-France ?
« Le peuple de France, il n'aime pas l'injure, il est courtois». Souvenez-vous du « casse-toi pov'con ».
Seul contre les médias
Le président des Riches sonna donc la charge contre les médias, et pas des moindres. Ce fut la radio publique France Inter, dont il avait nommé, seul, le PDG, et, par ricochet, le directeur d'antenne, qui en pris pour son grade
« Le peuple de France, il ne se reconnaît pas dans une radio de service public qui quand on donne la parole à un auditeur, il insulte celui qui est l'invité. » Ou encore: « L'audiovisuel public doit parler à tous les Français ». Nicolas Sarkozy pensait à sa propre expérience, la veille sur France Inter. Il eut cette salve assez inédite, terrifiante si l'on y pense. Si terrifiante qu'il fallait la retranscrire, la lire à voix haute et la comprendre. L'homme était prêt à tout.
Quand on écoutait ce qu'il lâcha contre France Inter cet après-midi, on se disait que s'il était réélu, il nommerait jusqu'à la standardiste.
« L'autre jour, j'étais dans cette radio, et un reportage était fait sur les militants de l'UMP.... Et tout à fait au hasard, avec un souci de l'apaisement et la mise en valeur que l'on connait, que l'on vit et qui nous va très bien, ... contre lequel naturellement je ne prononcerais pas un mot au risque d'être accusé de ne pas être démocrate car naturellement vous avez compris bien sûr qu'il faut faire très attention à ce qu'on dit... y avait une dame, une militante de notre famille politique qu'on interrogeait, et au hasard, on l'avait choisi où ? En Seine-Saint-Denis.
Cette dame m'a dit quelque chose qui m'a touché: je ne me reconnais pas dans ses mots, mais je lui reconnais le droit de les dire. Elle a dit, "Monsieur le président, on n'en peut plus...On n'en peut plus parce qu'on a peur, et c'est toujours les mêmes qui nous font peur"...Et la personne qui l'interrogeait (NDR: Patrick Cohen)... 'mais qui sont...' Et on voyait bien la ficelle qui n'était pas une ficelle mais un câble... Un câble qui n'était pas un câble mais un immeuble... Un immeuble qui n'était pas un immeuble mais une arrière-pensée qui était devenue une pensée... On voulait me servir sur un plateau une déclaration naturellement... 


Et elle dit, cette femme, "Mais enfin, vous savez très bien que ce ne sont pas des Portugais"... Je veux répondre à cette femme...Et je voudrai devant vous le dire... Je le fais devant la presse, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté... 
Ces mots, exprimés par cette femme, ne sont pas les miens... Et sans doute que quand on les regarde avec une longue jumelle...quand on n'habite pas dans ces villes, quand on ne met pas ses enfants dans des écoles qui sont devenues ghettos, on peut juger sévèrement cette femme, mais moi, je conteste qu'on donne des leçons à cette femme quand on habite des quartiers où il n'y a aucune violence et qu'on met ses enfants dans des écoles qui sont privilégiées !
La gauche caviar n'a aucune leçon à donner au peuple de France ! »
La droite saumon avait-elle une quelconque leçon à donner aux bénéficiaires du RSA ? Aux chômeurs de longue durée ? Aux dé-remboursés de l'assurance maladie ?
Cette saillie était exemplaire de cette avant-dernière journée avant le premier tour: Sarkozy devait la caricature de lui-même, sans réaliser sans doute la portée de ses propos. Il fustigeait lui-même son propre échec en matière de lutte contre l'insécurité. Il en appelait évidemment aux sympathisants ou aux électeurs tentés par le Front national.
« On va leur montrer qui sont les Français !! »
Seul contre tous
Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, responsable des règles d'égalité des temps de paroles imposées aux médias audiovisuels depuis deux semaines, fut également étrillé.
« La conception extraordinaire de l'égalité à la Française, c'est neuf contre un. (...) Et en plus, il ne faut pas se plaindre. Je passe dans des émissions à des heures extraordinaires entre deux personnes que je ne connais pas, qui viennent tous les cinq ans comme une sorte de festival de Cannes qui s'arrête et qui ne recommencera pas. C'est une démocratie formelle qui étonne le monde entier et que même les Français regardent avec beaucoup de scepticisme ».
A quelques heures de la fin d'un tour, le Monarque prenait peur et s'énervait. Tel un personnage à la Titeuf, on l'entendait désormais couiner un « C'est pô juste » fort mal venu. Il s'agaçait qu'on ne le traita pas avec davantage d'égards et de privilèges.  Au Figaro, il répéta le même jour: « je suis seul contre neuf candidats ». Quelle injustice ! Voulait-il supprimer les « candidats inutiles » ? Cela faisait des mois, 4 ans ou presque, qu'il s'était acharné à détruire, décourager toute candidature à droite.
A la faveur d'une campagne ratée, il nous demandait d'oublier ses 150 déplacements en province par an depuis 4 ans, avec estrade ou tables rondes, caméras d'Elysée.fr et 1.000 à 2.000 participants à chaque épisode, le tour retransmis sur toutes les chaînes et la Web-TV présidentielle. Combien d'interventions sur des sujets sans actualité ? De discours radio-télévisés sur un agenda décidé par lui seul ? Rappelez-vous ce moment grotesque, le 18 janvier janvier dernier, quand il mobilisa 10 chaînes de télévision françaises simultanément pour la même interview.
Sarkozy se rêvait-il en Poutine avec sa démocratie contrôlée ?
A la remorque de Le Pen?
Le soir, le candidat sortant faisait sa dernière interview à Parole Directe, une quinzaine de minutes sur TF1, en fin de journal. On se rappelait combien il avait été désagréable contre Laurence Ferrari et François Bachi, le 12 mars dernier. Cette fois-ci, il faillit rater l'essentiel. il n'y a pas de mesure phare, répondit-il à Mme Ferrari qui s'inquiétait de son programme. Puis il se resaisit. Il avait 5 minutes et finalement 5 mesures:
- La formation professionnelle, « un droit pour chacun quelque soit son âge, mais un devoir, l'impossibilité de refuser un emploi correspondant à sa formation ».
- sur l'immigration, « la France ne sera pas un pays qui se ferme » mais nous avions trop d'immigrés. Laurence Ferrari s'inquiéta: vous cherchez l'électorat du Front national. « Non, Je ne suis pas un homme dur ». Puis il fit ce lien, ignoble, entre immigration et chômage. C'était la suite du discours de Grenoble, en quelque secondes sur TF1, quelque part vers 20h34. « On ne peut pas demander des efforts aux Français et pas aux étrangers » s'indigna le candidat sortant.
- l'éducation, avec 80.000 enseignants de moins depuis 5 ans. Le voici qu'il promettait une enveloppe financière pour chacun des 100.000 élèves en difficulté. Sans argent ni budget.
- le RSA, imposé de 7 heures de travail hebdomadaire forcé, faute de quoi, il sera supprimé. Le Président des Riches savait être ignoble.
- Les retraités enfin. Il défendit enfin sa grande idée du weekend dernier, celle-là même que son ancien ministre Eric Woerth avait refusé voici deux ans, avancer au 1er du mois le paiement des retraites.

Nous comprîmes que son projet se résumait finalement à supprimer les indemnités chomage en cas de refus d'emploi et du RSA en cas de refus des 7 heures de travail forcé hebdomadaire. Il oublia d'évoquer ses grandes idées de référendums et de constructions de  bureaux pour les professeurs de collèges. Il oublia surtout, comme dans son programme, toute mesure sur la finance.  Il avait oublié toute mesure sur les banques pour son prochain quinquennat...
L'homme avait compris qu'il n'avait plus rien à perdre.


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