Test complet: Trials Evolution sur XBLA

Par Repostit @S2PMag

Jouer à l’équilibriste avec un motocross sur des tracés apparemment planifiés pour qu’aucun véhicule ne puisse s’y sentir à l’aise, voilà assurément quelque chose qui n’a jamais fait rêver tout le monde. Certainement, car la réalité étant ce qu’elle est, s’adonner à une telle pratique peut certainement être qualifié de masochiste. Pourtant, lorsqu’on la transpose dans l’univers dénué de conséquences réelles du jeu vidéo et qu’on la confie à un studio débordant de talent, celle-ci devient diablement addictive et fun, tout en gardant malgré tout ce petit côté masochiste sous-jacent. C’est ce que l’on avait appris avec Trials HD, sorti en 2009 sur le Xbox Live Arcade et qui avait rencontré un succès autant mérité qu’inattendu. Presque 3 ans plus tard, voici donc enfin sa suite qui porte bien son nom puisque Trials Evolution vient reléguer son prédécesseur dans les archives du jeu vidéo. Les Finlandais de RedLynx, studio fondé en 2000 mais s’étant longtemps fourvoyé dans le développement de jeux destinés à la NGage, viennent donc enfoncer le clou et nous montrer une bonne fois pour toute comment faire LE jeu Xbox Live Arcade ultime. Explications.

TestAlors que la Xbox 360 est en fin de vie et que beaucoup se plaignent du manque de titres gamer triple A à sortir en exclusivité – et on aurait plutôt tendance à leur donner raison – il ne fallait pas oublier la puissance et l’attractivité du XBLA. Avec un mois d’avril plutôt chiche en sorties, Trials Evolution a donc un boulevard devant lui, un boulevard pourtant jonché d’obstacles plus tortueux les uns que les autres sur lequel il ne lui reste plus qu’à jouer au funambule sur roue.

Lumière, caméra, Evolution

Youhouhou!

Pour ceux qui n’auraient jamais joué à Trials HD, il est obligatoire de rappeler le concept de cette série. Il s’agit d’un jeu de motocross en 2 dimensions ou l’objectif est simplement de se débrouiller tant bien que mal pour aller de droite à gauche en surmontant tout ce que l’esprit tortueux des développeurs de RedLynx ont trouvé amusant de mettre comme obstacle sur la route de votre rider. Dit comme cela, cela ne parait pas bien folichon, et ce Trials Evolution ne révolutionne rien de ce côté-là. Mais au fond, pourquoi changer une équipe qui gagne ? Alors la changer : non. Mais la faire évoluer : oui.

Les joueurs se plaignaient du manque de variété des environnements dans Trials HD ? RedLynx a prévu un environnement par course, tous plus fous les uns que les autres. Imaginez-vous faire de la moto à plusieurs milliers de mètres d’altitude sur des plateformes en suspension qui explosent lors de votre passage, ou sur des ilots flottants de type JRPG, ou alors jouer aux montagnes russes sur de longs tracés en bois de plusieurs centaines de mètres de dénivelé. Bon sang, quel panard ! Chaque décor a sa propre personnalité, et chaque décor est aussi agréable à l’œil que crédible, malgré leur côté totalement farfelu. Difficile à expliquer, tant il faut le voir pour le croire. Les développeurs se sont même permis de faire des références à d’autres vedettes du XBLA. Le niveau Trials of Limbo permet par exemple de se balader en moto dans un niveau et une atmosphère renvoyant directement au chef d’œuvre visuel de Playdead, alors qu’un autre renvoie directement à Splosion Man. Tous plus fous les uns que les autres, mais tous gardant une crédibilité qui renforce à chaque instant les sensations : impressionnant.

Hmmm, plutôt dangereux le jump

D’autant plus impressionnant que le level design est d’une inventivité à toute épreuve. Le jeu est en réalité presque comparable à un jeu de plateforme, tellement les niveaux semblent calculés par rapport aux capacités du biker à se mouvoir dans l’espace. Chaque saut, chaque distance semblent calculés au millimètre, alors que chaque plateforme est minutieusement disséminée sur les parcours, un peu comme une sorte d’algorithme ultime prenant forme devant nos yeux. Il n’y pas de temps mort, pas de level en dessous de la moyenne. RedLynx n’a rien laissé au hasard et les level designers semblent avoir eu une liberté totale afin de préparer l’un des calvaires interactifs parmi les plus jouissifs sur cette génération de console. En plus de cela, les niveaux étant au nombre de plusieurs dizaines, autant dire que le jeu devient vite le pire ennemi autant du sommeil que de la vie sociale.

Si Newton le savait…

aujourd'hui, je vais au boulot en moto

Mais tout cela ne serait rien sans un gameplay et surtout un moteur physique sans faille. Le gameplay n’a pas beaucoup évolué depuis Trials HD et c’est tant mieux. Le moteur physique est toujours aussi impressionnant, dans la mesure où il parvient à dégager à la fois un réalisme saisissant et un aspect fantaisiste omniprésent. C’est presque comme si Trials Evolution parvenait à créer une autre réalité qui se conjugue par des lois physiques et des lois gravitationnelles modifiées, à la fois si proche et si loin de celles en vigueur sur terre. Après quelques heures de jeu, l’impression de ne faire plus qu’un avec le biker, cette physique et cette gravité virtuelle si particulière submergent littéralement le joueur, permettant ainsi une immersion totale dans cet univers où les lois de Newton sont repensées et où la douleur physique n’existe pas. Le moteur physique est tellement bon que les développeurs ont même commencé à imaginer ce que l’on pourrait faire de complètement délirant avec, histoire de pimenter un peu le jeu. Un mode de jeu permet de piloter un vaisseau spatial, un autre de faire une descente à ski, un autre encore permet d’incarner une grosse boule de métal qu’il faut balader sur des tracés et garder en équilibre, rappelant furieusement l’ancêtre Marble Madness. Après quelques heures de jeu, on se rend compte que c’est bien le moteur physique qui est la star, et c’est parfaitement mérité tant il semble une classe au-dessus de ce que l’on a l’habitude de voir.

Trials of Limbo

Le gameplay, quant à lui, est d’une simplicité enfantine, mais d’une profondeur quasi infinie. Le genre de gameplay qui nécessite 5 secondes de réflexion pour comprendre et assimiler, et des dizaines et dizaines d’heures pour le maitriser parfaitement. Accélérer avec la gâchette droite, freiner avec la gauche et orienter le poids corporel du biker vers l’avant ou vers l’arrière avec le stick droit. Dit comme ça, on a presque du mal à comprendre comment RedLynx arrive à une telle profondeur dans son gameplay. Mais c’est tout ce qu’il faut pour faire un hit. La façon dont le gameplay s’imbrique dans le level design, ou l’inverse, va savoir, est tout simplement un cas d’école. Ce doux mélange touche dans le mille et fait des étincelles par milliers, que l’on ressent dans ses doigts manette en main.

Schtroumpf de schtroumpf !

Alors, comment vais-je monter là-haut?

Mais Trials Evolution n’est pas un plaisir comme les autres, c’est un plaisir quelque peu masochiste avec une pointe de sadisme touchant au cœur des sentiments humains les plus complexes. Masochiste car n’y allons pas par quatre chemins : le jeu, à partir de la difficulté hard, va vous botter les fesses, puis les botter à nouveau, avant de recommencer et ainsi de suite. La difficulté est élevée, voir totalement abusée, mais on y revient toujours et encore, car on se rend rapidement compte que le jeu mérite la mention « Si tu tombes, c’est de ta faute » et il serait insensé d’accuser qui que ce soit d’autre pour ses déboires. Suivant la rapidité avec laquelle on arrive au bout du tracé et le nombre de fois où l’on a appuyé sur B afin de revenir à l’un des checkpoints parsemés tout du long, le jeu décerne des médailles de bronze, d’argent et d’or. Rien de bien original, mais obtenir la médaille d’or à partir des niveaux en difficulté hard relève du pur masochisme, mais de celui typique des jeux vidéo, celui que l’on adore, celui dont on redemande, celui qui nous rend fou mais contre lequel on ne peut rien ou presque, celui qui fait s’évaporer les heures d’une soirée comme si elles duraient le temps d’un battement de cil, celui qui, alors qu’il est l’heure d’aller dormir, pousse à se dire « je ressaie une dernière fois ». Addictif, terriblement addictif.

C'est pas gagné

Heureusement, tout ce masochisme consenti peut être contrebalancé par la joie de se défouler sur le biker virtuel qui s’en prend plein la poire tout au long du jeu. Les développeurs semblent avoir bien compris la nécessité d’extérioriser sa frustration et dès le moment où l’on part à la faute, celui-ci se transforme en une sorte de poupée inanimée sans vie dont les membres voltigent de droite à gauche pour un résultat sentant bon l’humour noir bien vache. Parfois, ce sont même des mines anti-personnelles, voire des caisses d’explosifs qui sont disséminées sur le tracé et qui attendent dans l’ombre notre pauvre biker, histoire d’ajouter une couche à ce spectacle macabre tout aussi amusant que rageant que devient le fait même de partir à la faute. De plus, à la fin de chaque niveau ou presque, on peut admirer l’imagination des développeurs qui n’en finissent plus de trouver des moyens de terminer la course en sacrifiant le biker avec le consentement du joueur. Un coup il se prend des dizaines de troncs de bois sur la face, un autre il tombe du haut d’un barrage, un autre encore il termine sa course sur une caisse d’explosifs quant on ne lui largue pas 6 tonnes de bombes sur le coin de la face pour un résultat qui se passe de commentaires. Le biker devient une sorte de punchingball sur lequel on a un plaisir fou à passer la bonne  frustration que la difficulté du jeu procure. Voilà un jeu qui ne manque pas d’humour noir bien carabiné, et c’est tout à son honneur.

Et l’horloge tourne

Les plus vieux reconnaitront un côté Excitebike

Et tout cela ne concerne que le mode solo qui vous prendra plusieurs dizaines d’heures à compléter de fond en comble pour les plus fous qui l’affronteront face à face. Absent de Trials HD, cette suite compte cette fois-ci un mode multijoueur pouvant être savouré en local comme en ligne. Au lieu de reprendre les mêmes tracés que pour le mode solo, Trials Evolution propose des séries de circuits qui se parcourent à quatre, côte à côte, pour des courses pêchues et qui ne manque pas de piquant. Moins longues et souvent moins compliquées dans leur design que les courses du mode solo, celles-ci permettent un rythme particulièrement élevé où chaque course dure moins d’une minute et dont les résultats sont répertoriés dans un classement général. Les plus nostalgiques (où mieux dit les plus vieux) reconnaitront là un petit côté Excitebike dans l’impression visuelle laissée par ces courses multi qui sont particulièrement savoureuses en local, avec des potes histoire de se lancer des vannes, ou de vider des bières un samedi soir avant de sortir. Très addictif et particulièrement bien pensé, ce mode multi est exactement ce dont le jeu avait besoin afin de peaufiner encore un peu plus son CV.

Terminons par la cerise sur le gâteau avec l’éditeur de niveau qui était déjà présent sur Trials HD, mais qui a subi un lifting plus que bienvenu. Celui-ci est d’une telle profondeur qu’on pourrait facilement le comparer à celui de Little Big Planet, rien que ça ! RedLynx a eu la bonne idée de le séparer en deux parties, à savoir une pour les « amateurs » qui souhaitent seulement construire un petit tracé histoire de faire mumuse et de s’essayer à une création avant de la mettre en ligne. L’autre pour les « experts » permet carrément de créer des niveaux n’ayant rien à voir avec le gameplay motocross, mais permet plutôt de s’amuser avec le moteur physique du jeu et de laisser libre cours à son imagination de geek. Il faut tout de même signaler que son utilisation nécessite un certain entrainement et qu’il n’est peut-être pas à la portée de tous. Mais les développeurs ont déjà mis en ligne quelques exemples de ce que l’on peut faire en l’utilisant. On trouve notamment un jeu de baby-foot ainsi qu’une promenade mortelle en jet pack, parmi des dizaines d’autres. Toutes les créations seront mises gratuitement à la disposition de la communauté qui peut évaluer les créations après les avoir essayé. A travers cela, RedLynx montre tout simplement qu’ils ont parfaitement compris comment on pouvait entretenir une communauté et lui mettre à disposition les outils nécessaires afin de prolonger infiniment l’expérience de jeu et prendre ainsi son destin en main. La façon dont le studio finlandais comprend le fonctionnement du XBLA est sidérante, faisant de Trials Evolution un réel cas d’école de tout ce qui définit l’expérience du jeu en ligne sur console.

La personnalisation du biker n'est pas top

N’y a-t-il donc rien qui vienne ternir le tableau ? On a beau chercher, cela reste très difficile de trouver de réels défauts à Trials Evolution. Il est vrai que la personnalisation de l’apparence du biker n’est pas ce qui se fait de mieux en la matière et seuls quelques vêtements et autres casques supplémentaires peuvent être débloqués. Certains seront certainement rebutés par la difficulté des circuits en mode extrême, qui auront raison de plus d’une touffe de cheveux. La seule petite déception est en réalité le fait que les replays ne soient pas accessibles directement, et il est donc impossible de les partager. Dommage, car les vidéos d’un tel jeu auraient fait un malheur sur youtube. Reste à espérer que sorte un jour une version PC comprenant un accès direct aux fichiers de replay. Mais c’est vraiment pour faire la fine bouche envers un jeu qui ne mérite simplement pas qu’on lui cherche des noises.

En résumé :

Ce n’est pas vraiment ce qu’il fait, mais plus la façon dont il le fait qui oblige à courber littéralement l’échine devant Trials Evolution. En gardant l’ossature de l’excellent premier volet, et en y ajoutant toute une myriade de petits détails et de grosses évolutions, Trials Evolution arrive tel un éléphant dans un magasin de porcelaine sur le XBLA, s’apprêtant à écraser comme des mouches la concurrence. Autant il est dur de comprendre son attrait en regardant des screenshots, autant on se sent presque honteux lorsqu’on y joue en imaginant qu’on aurait peut-être pu passer à côté. Les Finlandais de RedLynx ont créé la version ultime, non seulement d’un jeu, mais de l’exemple de ce que doit être et de ce que doit offrir un tel titre sur le service en ligne de Microsoft. Que cela soit dans la gestion du multijoueur, de la campagne solo ou alors des outils donnés à la communauté afin de prendre en main son destin, le jeu fait un sans-faute, un sans-faute magistral qui nous fait même parfois oublier qu’il ne coute que 1200 points Microsoft, ce qui est une bouchée de pain pour un titre d’une telle qualité stratosphérique. Il ne faut pas aimer le motocross pour prendre son pied sur Trials Evolution, comme il ne faut pas aimer les champignons pour apprécier un Mario, le plaisir est ailleurs. Moteur physique, level design, gameplay, durée de vie, originalité, fun, contenu, humour noir : Trials Evolution a tout. Tout, mais en mieux qu’ailleurs sur le service de téléchargement de Microsoft. Un peu comme un premier de classe qu’on adore détester, ou qu’on déteste adorer, c’est selon. Quant à le couronner roi du XBLA…

Mathieu Lanz

+ Le moteur physique incroyable, un gameplay jouissif, un contenu démesuré, le level design, seulement 1200 points Microsoft!, l’écureuil lors des temps de chargement

- Une difficulté pouvant rebuter, la personnalisation du biker pas top, pas de partage des replays

Fiche

Type: Motocross/plateforme

Editeur: Microsoft

Age/PEGI: 12+

Sortie: 18.04.2012

Multijoueurs: 4 joueurs

Plates-formes: XBLA

Testé sur: XBLA

Graphismes: 

Bande Son: 

gameplay: 

scénario: 

Durée de vie: 

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