Les aventures de Marco Polo, relatées dans le fameux Livre des Merveilles, font partie de la culture populaire, autant par l'exotisme (Marco Polo découvre l'empire sino-mongol de Kubilai Khan) que par le côté fantastique, voire fantaisiste, de ses découvertes. Il évoque ainsi des licornes, bien que cela pourrait en fait être des rhinocéros, car ces licornes sont "laides" et ont des pieds "comme des éléphants".
Mais par ailleurs, Marco Polo est avant tout un témoin d'une culture étrangère à l'Europe, et il rapporte ses observations dans divers domaines, y compris techniques.
Le papier-monnaie
L'une des inventions chinoises qu'il rapporte en Occident est le papier-monnaie, présent en Chine dès le Xe siècle et inconnus en Europe avant le retour de Marco Polo.
Le billet de banque semble si ordinaire aujourd'hui qu'on oublie qu'il s'agit d'une authentique invention technique, substitution aux pièces en métaux précieux qui pouvaient être facilement volés aux négociants en thé chinois de la dynastie Song.
Remplacer un objet physique de valeur par un morceau de papier n'est, quand on y songe, pas si anodin. Il faut en effet créer un système permettant d'abstraire la valeur de l'or, de la virtualiser.
On n'est pas très loin du concept informatique des pointeurs, notion technique s'il en est et cauchemar de bien des informaticiens débutants.
Par ailleurs, il faut en définir la forme, rendre les billets identifiables comme des objets portant une valeur à la différence de tout autre morceau de papier.
L'observation par Marco Polo des billets chinois a certainement facilité l'introduction du système en Europe, et notamment dans le nord de l'Italie. Pas étonnant que les premiers banquiers d'Europe à la fin du Moyen-Âge soient italiens !
Charbon, pétrole, amiante, système postal
D'autres découvertes de Marco Polo sont des redécouvertes. On peut ainsi citer le charbon et le pétrole, utilisés pour se chauffer ou cuisiner, l'amiante utilisée comme textile nettoyable par le feu, ou encore le formidable système postal mongol.
Ces techniques ne sont probablement pas véritablement nouvelles pour les Européens, car elles sont citées par des auteurs de l'Antiquité. Toutefois, elles ont disparu en pratique au cours du Moyen-Âge, d'où la nouveauté apparente pour Marco Polo et ses contemporains occidentaux.
On retrouve ainsi l'une des caractéristiques de la médiation technique : une technologie bien connue par certains peut être complètement nouvelle pour d'autres.
Marco Polo joue donc un rôle de médiateur technique entre ceux qui savent (les Chinois) et ceux qui ne savent pas, ou plus. C'est donc un authentique précurseur.
Son influence personnelle sur la technologie européenne est toutefois difficile à évaluer, dans la mesure où sa contribution apparaît grosso modo à la même époque où l'Europe redécouvre les traités de l'Antiquité par les Arabes. Mais on peut finalement considérer que c'est l'un des acteurs de ce qu'on pourrait qualifier anachroniquement d'innovation ouverte médiévale, qui a permis le lancement de cette période faste qu'est la Renaissance.