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Le déclin de la France, ou la leçon de pessismisme d'Elie Arié

Publié le 21 avril 2012 par Juan
Le déclin de la France, ou la leçon de pessismisme d'Elie Arié La question du déclin de la France était plus ou moins sous-jacente dans cette élection présidentielle. Le 15 mars dernier, Elie Arié a publié un ouvrage au titre explicite: « Mondialisation, déclin de l'Occident » (*). Elie commente très régulièrement le blog Sarkofrance chez Marianne2, s'attirant souvent l'ire de nombre de mes soutiens. Au dos de son bouquin, il se décrit comme ancien militant du parti socialiste, puis du Mouvement Républicain et Citoyen, dont il fit partie du Secrétariat National, et, enfin, actuellement membre du Conseil Scientifique de la fondation Res Publica.
Ses prises de position sont toujours argumentées.
J'avais promis une critique de l'ouvrage, la voici, à quelques heures des résultats du premier tour des élections. Je ne fus pas déçu. La lecture de son livre fut une douche froide, nécessaire sans doute. 
Elie Arié paraissait pessimiste. Il livrait un « témoignage personnel ». Il ne s'en cachait pas dès l'introduction, dès la première phrase du premier chapitre. « Avoir conscience de sa mort prochaine dans un monde qui se meurt lui-même est un privilège exceptionnel, mais qui impose quelques obligations.» Et il confiait que c'est pour lui « un grand soulagement que de quitter, comme aujourd'hui, un univers où l'on voit s'effondrer tous ses repères et toutes ses valeurs, alors qu'on n'a plus le temps ni les capacités de s'en construire de nouveaux: la mort est une heureuse délivrance d'une tâche surhumaine.» Je comprends ce soulagement. Depuis petit, j'ai toujours eu l'intime sentiment de la brièveté de notre passage sur Terre, de la fragilité de la vie. Mais j'ai toujours placé d'immenses espoirs dans notre capacité collective à renverser le destin. Je crois qu'on appelle cela être de gauche.
Au fil des pages, Elie Arié démolissait un à un les emblèmes de notre vieil Occident.
Son état des lieux était terrifiant. Il soutenait l'idée presque convaincante, que nous ne ferions que défendre notre confort d'occidentaux privilégiés sous couvert de luttes sociales, contre les économies émergentes. « Et si, alors que nous ne dénonçons l'individualisme des privilégiés, nous n'étions qu'un pays qui défend ses privilèges de façon très individualiste ? » . Cet argument était presque convaincant s'il n'oubliait une autre vision, celle d'un monde qui n'est plus national. La lutte des classes est désormais mondiale. Le trader n'a pas de nationalité, ne mérite aucune nationalité.
Elie Arié tapait juste quand il critique les lacunes de l'Europe politique, ses « aveuglements idéologiques » (abandon de la maîtrise de la monnaie, libre-échange intérieur), ou l'incroyable « édification de fortunes colossales » pour quelques-uns. Et il regrette que ce système « sans doute le plus inégalitaire et le plus révoltant que le monde ait jamais connu, se trouve protégé de ce qui, jusqu'à présent, avait toujours mis fin à l'intolérable: les révolutions
Elie Arié était aussi pessimiste sur notre démocratie. Si « le peuple vit en démocratie lorsqu'il en a le sentiment », l'auteur était convaincu que la France ne vit plus en démocratie depuis le début de la mondialisation. Il évoquait le discrédit de la classe politique, qui s'étendrait « de façon de moins en moins injuste, aux simples militants ». Pourquoi tant de rancoeur ? Elie Arié s'inquiétait même de la « relativisation de la réalité », une expression qu'il emprunte à l'économiste Benjamin Dessus, née d'un simplisme accru de la pensée populaire et d'un échec de la science à tout expliquer.
La question sociale, primordiale pourtant, était découragée en quelques pages. L'Etat ne pourrait plus rien, à cause de la mondialisation. C'est la fin, sautons tous par la fenêtre ! Le Fordisme aurait vécu, la conscience de classe disparu. La grève serait inefficace. Les luttes sociales ne seraient plus que corporatistes. C'est la « fin des solidarités », et, pire, sans manifestations ni révoltes. Ce paragraphe est éprouvant, et contredit par la réalité. On se révolte, on proteste. Il n'y a aucune raison de penser que la protestation ne débouchera pas sur une révolution si le système ne se réforme pas. Mais Elie Arié restait plus pessimiste. « Aujourd'hui, il n'existe aucun projet alternatif ».
Elie Arié était très critique sur nos médias. La presse traditionnelle serait quasi-morte, déplacée sur Internet. Il consacre même quelques lignes à railler nos exercices blogosphériques : « tous journalistes ! ». « Ainsi, les sites des quotidiens les plus réputés pour leur sérieux et leur fiabilité s'enrichissent-ils (?) de plus en plus d'articles de "blogueurs", simples particuliers qui s'imaginent qu'il suffit d'éprouver le besoin d'écrire quelque chose pour que cela mérite effectivement d'être publié et porté à la connaissance de tous ».
Inutile de préciser que votre serviteur s'est senti concerné par le constat. Ou presque: « la prise de position sur un sujet n'a plus besoin de s'appuyer sur une connaissance préalable aussi exacte que possible ». Elie Arié allait vite en besogne. Nombre de blogs n'ont d'autres prétentions que d'exprimer des points de vue personnels. Et les journaux qui associent des blogueurs à leur entreprise 2.0 n'accueillent pas non plus n'importe qui. Que dire enfin de cette profusion d'éditorialistes professionnels dont la seule compétence est d'apparaître sur des médias connus ?
Dans un autre chapitre, Elie Arié licencia religion et patriotisme, tous deux en perdition dans notre démocratie malade. Puis, en introduction de sa conclusion, il lâche cette phrase improbable:
« On aurait tort de voir dans cette perception du monde un quelconque pessimisme.»
Fichtre! Il avait la conclusion contradictoire ! Il voulait trouver « de nombreux éléments réconfortants » dans toutes ces évolutions, comme la possibilité démocratique, avec l'effondrement des systèmes et autres tyrannies intellectuelles ou politiques. Finalement, Elie Arié concluait qu'il n'y avait d'inquiétant que l'absence d'alternative.
On sait ce qui meurt, on ne sait pas ce qui arrive.
(*) Les Editions de Paris, 8 euros.

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