Bon d'accord, j'admets avoir pris un coup de poing dans la tronche à 20 heures au moment des premières estimations. Bien plus que la déception liée au score de Jean-Luc Mélenchon, c'est évidemment le résultat de Marine Le Pen qui choque, déçoit et énerve. 18 % ! Plus de 6 000 000 d'électeurs qui ont fait le choix d'une candidate réactionnaire, cela a de quoi faire peur.
Cependant, ce qui fait surtout froid dans le dos, c'est que nous sommes encore repartis pour un tour. L'immigration, l'insécurité vont encore nous bouffer la vie, là où l'on aurait tant besoin d'un débat serein et constructif sur toutes les autres questions, pourtant bien plus fondamentales : chômage, logement, pouvoir d'achat, environnement, etc. D'ailleurs tout laisse à penser que les 15 jours qui viennent vont être caricaturaux à cet endroit.
Il y a de quoi déprimer, surtout si on se contente des informations alarmistes distillées partout depuis hier soir, sur toutes les chaines, sur tous les tons. A en croire la caste qui fait l'opinion, le grand vainqueur du scrutin, se serait Mme Le Pen. Diable ! redescendons sur terre ! Certes, si son score est haut, beaucoup trop haut, il convient de le relativiser grandement et on s'apercevra qu'il n'y a pas de poussée de l'extrême-droite, elle est tout simplement au niveau qui est le sien depuis 20 ans, niveau qui pourrit la vie politique, mais qui finalement, du PS à l'UMP arrange beaucoup de monde.
- Premier constat, avec 18 % Marine Le Pen est dans l'étiage de l'extrême-droite depuis 20 ans, elle est même en léger recul :
1995 : Le Pen 15 % + Villiers 4.74 % = 19.74 % pour l'extrême droite (ce n'est pas parce que de Villiers est soluble dans l'UMP que les idées qu'il porte ne sont pas celles de l'extrême-droite)
2002 : Le Pen 16.86 % + Mégret 2.34 % = 19.2 % pour l'extrême-droite.
2007 fait donc figure d'exception, avec un Nicolas Sarkozy qui en reprenant en partie le bréviaire extrêmiste avait réussi en partie à siphonner le FN.
- Deuxième constat : Il est étonnant que tout le monde soit étonné devant le score de Mme Le Pen. Certes elle a été sous-estimée, mais de 2 % en moyenne, ce qui est peu au final. Mais rappelons qu'il y a un an seulement, elle bénéficiait d'une couverture médiatique hors du commun, que le tapis rouge était déplié devant elle. Tout le monde ne parlait plus que de dédiabolisation, d'intégration républicaine du FN. Rappelons encore que les cantonales avaient déjà été un premier rappel, les candidats FN obtenant une moyenne de plus de 19 %, soit plus qu'hier soir.
- Troisième constat : présenter Mme Le Pen comme le grand vainqueur de ce premier tour, c'est avoir la mémoire courte. C'est oublier qu'en mars 2011 en pendant plusieurs mois des dizaines de sondages se sont succédés indiquant tous qu'elle serait au second tour, voire en tête à l'issue du premier tour. Pire, tous lui prévoyaient des scores avoisinant les 23 ou 24 %. Je ne suis pas fort en mathématiques, mais sachant qu'elle est sous-estimée dans les sondages, passer de 24 à 18 %, c'est une contre performance, non ?
Beaucoup plus que les résultats de dimanche soir, ce qui me questionne, c'est surtout l'attitude du PS qui a été beaucoup plus prompt à taper sur ses alliés à gauche que sur le FN. Ils n'ont jamais rien dit, ni fait pour essayer de faire baisser le score de Mme Le Pen. Auraient-ils un quelconque intérêt à maintenir le FN à un haut niveau ?
Mais la vraie inquiètude vient de la droite beaucoup plus que de l'extrême-droite. En effet, en siphonnant les voix FN en 2007, Nicolas Sarkozy à surtout recycler les idées du FN. Aujourd'hui, toutes les digues sont en train de tomber, et on ne voit plus très bien ce qui différencie la droite de son extrême, à tel point que l'on parle déjà d'alliance, voire de ralliements au niveau local pour les législatives. Et ça, beaucoup plus que les 18 % d'hier soir, c'est vraiment angoissant.