
œuvre de l'Algérien Rachid Koraïchi, "Jameel prize" 2011
Hollande et Sarkozy, les deux « finalistes » des présidentielles françaises, vont-ils faire comme beaucoup d’autres avant eux et tenter de connaître le sort que leur réservent les urnes grâce aux talents des extralucides ? On ne pense pas aux sondeurs mais plutôt à ceux et celles qui ont le don de lire l’avenir. A tout hasard, on leur rappelle qu’Élisabeth Tessier, la « diseuse de Sorbonnaventure » pour reprendre la formule du Canard enchaîné, très fréquentée par l’ancien président Mitterrand, n’est en principe plus disponible depuis qu’elle a rejoint définitivement le camp de la vraie science après une extraordinaire thèse de sociologie...
Qu’on y croie ou pas, la magie peut s’avérer utile pour ceux qui exercent des responsabilités publiques, à l’image de ce juge saoudien qui, accusé de corruption, a plaidé l’innocence : il était ensorcelé ! Il est peut-être encore temps pour Berlusconi de suivre son exemple, d’autant plus qu’il est de notoriété publique qu’il est homme à tomber facilement sous bien des charmes…

Cette évolution du « métier » s’explique peut-être également par le fait que la bonne exécution des rites exige le plus souvent que le « guérisseur » rencontre sa patiente. Les occasions de pareils tête-à-tête étant rares dans un pays où la séparation des sexes est un dogme, au sens propre du terme, il y a forcément des « débordements » : en janvier, on a ainsi exécuté un « sorcier » accusé d’avoir profité de la situation pour abuser une bonne centaine de victimes (toujours , en arabe par conséquent). Entre femmes, les risques ne sont en tout cas pas les mêmes !
Toutes sortes de chiffres circulent à propos de la magie et de ses usages, probablement aussi fantaisistes les uns que les autres : 80 % des femmes en Irak y auraient recours à un moment de leur vie, en particulier pour retrouver la trace d’un disparu, fléau de ce pays ravagé par la violence depuis la brillante expédition nord-américaine ; 60 % en Égypte pour tenter de trouver une solution à un autre drame social, le célibat ou le divorce, l’un et l’autre de plus en plus fréquents… Une inquiétude qui touche toutes les sociétés de la région, l’Arabie saoudite par exemple où de très nombreuses maîtresses de maison, jalouses de l’empire que peut prendre sur les affaires de la maisonnée une domesticité dont elles ne sauraient se passer, ont recours à des « inspecteurs » en sorcellerie, dont le rôle est d’inspecter les affaires personnelles du personnel de maison à la recherche d’indices prouvant que, si tel ou tel membre masculin de la famille est tombé sous leur charme, c’est la faute à la magie !
Probablement très lucrative quand le sort permet qu’on la pratique dans la haute société, la magie est un « business » qui concerne toutes les classes sociales, y compris les moins riches. Ce sont elles qui constituent le gros de la clientèle, aussi fidèle que désespérée sans doute, et limitée dans son budget. En Égypte, un « honnête » talisman se vend aux alentours de 60 dollars. En Arabie saoudite, où le ministre des Affaires religieuses a récemment autorisé – au grand dam de son collègue de la Santé – le métier de « psychologue religieux » (طبيب نفساني اسلامي), on peut désormais se faire « soigner » à l’aide du Coran, mais le traitement ne doit pas dépasser les 150 dollars : une misère !
Signe également du caractère très féminin, dans le monde arabe, des pratiques magiques, le succès des émissions de télévision qui font de ce thème leur fond de commerce. Un excellent article dans (original en arabe ici) évoque ainsi comment sur Al-Nahar, une télévision privée égyptienne, on peut voir un exorciseur au travail sur une jeune femme habitée par les djinns. Un nouveau type de téléréalité dont on peut imaginer qu’il finira bien par trouver sa place dans la programmation de nos meilleurs chaînes (à moins de considérer que les émissions des prêcheurs télé-médiatiques nord-américains appartiennent déjà à ce registre).