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Culture de Normandie: L'impitoyable sire de la Lande-Patry.

Publié le 24 avril 2012 par Jeunenormandie

Par Jules Lecoeur, 1883.

Un des sires de la Lande-Patry fut, dit la légende, un brigande sans foi ni loi qui pillait impitoyablement les campagnes, mettait à sac la chaumière du pauvre paysant lui enlevait ses troupeaux, le tourmentait cruellement, détroussait les voyageurs et dépouillait à l'occasion les églises et les monastères. Rien, ni personne n'était à l'abri de ses rapines de ses violences; il était le fléau du pays.

Son nom seul faisait trembler les plus hardies même à plusieurs lieues autour de son repaire, et quand éclatait soudain ce cri si redouté: Ganne! Voilà Ganne!, tous, hommes femmes et enfants s'enfuyaient, affolés de terreur comme les passereaux devant l'oiseau de proie; c'est qu'on savait que la moindre résistance, le plus faible murmure était aussitôt punis de la corde ou du cachot.

Souvent on voyait, aux premières lueurs de l'aube, le pont-levis du château s'abaisser et des profondeurs de la poterne une troupe rapide de cavaliers s'élancer. C'était Ganne et ses compagnons allant porter dans les campagnes désolées le rapt, le pillage, le meurtre et l'incendie.

Longtemps les crimes de Ganne demeurèrent impunis: ce fut en vain qu'on l'assiégea dans son château, qu'on lui dressa des embûches. Son esprit fertile en ressources savait rendre inutiles tous les moyens employés pour le prendre, savait le faire échapper à toutes les poursuites. Tantôt en faisant ferrer son cheval à rebours, il mettait sur une fausse piste les cavaliers courant après lui; tantôt, pressé de trop près dans son château entouré d'ennemis, il leur échappait par des souterrains donnant au loin dans la campagne et conduisant jusqu'à Domfront même. Puis c'est dans le ventre d'un cheval abattu qu'il se cachait, après avoir ordonné qu'on le traînât dehors, au-delà des lignes des assiégeants.

Une autre fois enfin, qu'il était assiégé, et que, les provisions manquant, il lui eût fallu se rendre à merci, il sut de nouveau tromper ses ennemis. Il ne lui restait qu'un boisseau de blé; il le fit manger par sa dernière vache, qu'on tua ensuite et dont on jeta les intestins par-dessus les remparts.

Le stratagème réussit. La place ne pouvait être prise d'assaut et désespérant de réduire par la famine des gens si bien approvisionnés, les assiégeants se dispersèrent, décampèrent jusqu'au dernier, et Ganne put reprendre le cours de ses déprédations.

Tant de forfaits ne pouvait demeurer toujours impunis. Ganne tomba dans une embuscade et accablé sous le nombre comme la bête fauve sous la meute, il fut capturé. On le garrotta étroitement, et il fut porté, caché avec soin dans un manteau, au bord de la douve de son château. De grandes clameurs appelèrent la châtelaine,

  • de quel supplice, lui crièrent les paysans, faut-il punir un scélérat, traître à son dieu, traître à son roi et tout couvert d'opprobre et de sang?

  • Qu'il soit répondit la châtelaine, ignorant qu'il s'agissait de son époux, enfermé dans un tonneau garni de pointes de fer à l'intérieur et roulé du haut en bas d'une colline.

  • Ainsi va être fait, répondit-on.

Et Ganne, mis dans un tonneau plus hérissé de longs clous, de lames de couteaux, de pointes de flèches et de faux que la herse du laboureur ne l'est de ses dents de fer, fut roulé du haut d'une colline semée de rocs et subit l'affreux supplice qu'il avait entendu dicter par sa femme aux manants.


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