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Divers états du capital culturel numérique

Publié le 25 avril 2012 par Fmariet
Delphine Serre coordonne le numéro de Actes de la recherche en sciences sociales, N°191-192, 2012/1-2 consacré aux légitimités culturelles. Elle l'ouvre par un article de cadrage intitulé "Le capital culturel dans tous ses états" (pp. 4-13). Divers états du capital culturel numériqueCette notion sociologique construite par Pierre Bourdieu dans les années 1970 reste peu utilisée directement par les sciences des médias pourtant avides d'outils de description et d'analyse sociologique (i.e. ciblage). Elle est souvent réduite à sa forme scolaire (niveau d'études, nombre d'année d'études vers quoi l'attirent la notion économique de capital humain et l'économie de l'éducation).
Bourdieu distinguait trois états du capital culturel : objectivé (visible dans des objets accumulés, livres, disques, tableaux, collections, partitions, etc.), incorporé (gestes, doigtés, tours de main, maîtrise langagière, etc.), certifié (institutionnalisé, diplôme reconnu, légitimant).
Des questions difficiles naissent de la notion de capital culturel dès que l'on veut l'utiliser hors labo : celle de la conversion d'un état dans un autre (certifier un capital corporel, incorporer un capital objectivé, etc.) et celle de la transmission (l'héritage et le métier d'hériter). C'est pourquoi l'évaluation du capital culturel repose essentiellement sur des enquêtes ethnographiques. Dans ce domaine, les enquêtes quantitatives sont souvent trop promptes à simplifier pour compter à tout prix.
Les articles réunis dans ce numéro d'Actes illustrent différentes approches méthodologiques du capital culturel.
Que faire du capital culturel pour comprendre et analyser les médias ? Sans doute est-ce une variable essentielle de l'explication des consommations média ; toutefois, dans le meilleur des cas les études de référence s'en tiennent à exploiter le diplôme, ignorant les pratiques, réduites à des déclarations. Les données produites par les médias numériques pourraient vivifier les analyses du capital culturel : analyses des recherches effectuées sur les moteurs de recherche, suivi du marketing comportemental (suite des actions aboutissant à une transformation, click, achat, etc). L'étude des comportements observables sur le champ des réseaux sociaux reconstituerait avantageusement "l'anatomie du goût" et l'enrichiraient : que peut-on faire, par exemple, de la notion d'engagement, telle que l'exploite le marketing ?
  • Il serait sans doute fécond de rapprocher l'évolution de la notion de capital culturel de la dynamique nouvelle lancée par les réseaux sociaux (la formation universitaire joue un grand rôle dans la timeline affichée sur Facebook, réseau lui même issu de la vie universitaire américaine - Harvard Business School). "Groups for School" ouvert en avril 2012 aux Etats-Unis par Facebook, apparaît comme une contribution à la mise en avant du capital culturel : les universités sont gérées comme des marques (stratégies de distinction, etc.).
  • Quid des formes nouvelles du capital culturel objectivé (livres numériques, musique en fichier) tous objets invisibles? Quid des forme de capital culturel incorporé assurant la gestion de la réputation (dite, pour l'occasion, e-reputation) et exploitées par le marché de l'emploi (chasseurs de têtes, ressources humaines). La gestion de sa propre image, jusqu'à présent réduite aux techniques du corps, a pris une ampleur et des formes nouvelles.
  • Les réseaux sociaux professionnels (Viadeo, LinkedIn) illustrent des "savoir-faire relationnels", une  sociabilité amicale ou professionnelle difficilement certifiables (p. 10).
  • D'une manière générale, quels types d'habitus sont inculqués par ces nouveaux outils ?
On ne peut que souhaiter que se tourne la sociologie de la culture vers ces nouveaux objets de recherche issus du développement du Web et de la téléphonie mobile. 

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