Un – premier – repas d'adieu à la Petite Auberge de Ganzeville

Par Eric Bernardin

Je ne pouvais quitter la Normandie sans partager quelques bouteilles avec des amis amateurs de vins. Comme ils n'étaient disponibles qu'en semaine, et que j'étais dans l'incapacité de préparer le moindre repas (je travaille toute la journée), nous avons décidé de nous réunir à la Petite Auberge de Ganzeville. Tenant à faire des accords mets et vins intéressants, j'ai réussi à m'arranger avec le chef pour qu'il modifie légèrement son menu. Et ce fut impeccable ! 

Si tant est qu'elle en avait besoin, je voulais avoir un plat qui mette en valeur une Grande Cuvée de Krug. Je pensais à un mix de deux ingrédients : foie gras et ris de veau, relevés par de la noisette grillée. Le chef n'ayant pas le temps de se procurer les ingrédients et de préparer ce plat sur mesure, je m'en suis occupé. Patrick n'a eu plus que le montage à faire (je donnerai la recette de ce plat dans les prochains jours. 

La Grande Cuvée fut absolument magnifique (quel beau début de repas !) et l'accord était vraiment excellent. Un des beaux moments de la soirée.

Là, c'est un plat de la carte, intitulé "douceur terre et mer". A l'intérieur de ce nem, du veau et de la langoustine marinés aux agrumes. Afin d'intensifier encore plus le côté agrume j'ai amené la petite sauce orange que vous voyez au coin de l'assiette (du jus de pamplemousse rose réduit + yuzu) et du zeste de combava sur le tout (les petits points verts). Dans la soucoupe, c'est un jus de cuisson élaboré à partir des têtes de langoustine. Tout cela pour accompagner un vin que j'aime beaucoup : le Bergerac Blanc Inédit 2006 du Château Combrillac. Ce vin est un hymne au pamplemousse, autant sur les notes du fruit frais que celle de son écorce. Pour un vin de 6 ans, il était encore d'une jeunesse folle, avec une personnalité bien marquée qui faisait totalement oublier le seul cépage qui le compose : le Sauvignon. 

Vu que je servais ensuite un Bordeaux arrivant à maturité, j'avais choisi un plat super classique pour continuer : un filet de boeuf abec quelques pommes grenaille, des pleurottes et une sauce "marchand de vins". Et c'était efectivement parfait : le Pomerol La Fleur Petrus 2001 était heureux comme un pape (clément). C'était la seule bouteille que je possédais de ce vin : je le découvrais donc en même temps que mes invités. J'ai été surpris de son côté très "cabernet" : nez sur le Havane et le cèdre, bouche de demi-corps tendue par une fine mais inflexible acidité. A l'aveugle, j'aurais plus dit Figeac que la Fleur Petrus...

En tout cas, c'est bien bon un Bordeaux d'une dizaine d'années !...

Si le restaurant proposait du gigot d'agneau "façon sept heures", il le servait avec de la tomate confite. J'ai demandé à Patrick de les remplacer par de l'aubergine, plus vino-compatible ;-) Et ce fut franchement génial ! L'ail confit qui l'accompagnait était à se damner... Autant dire que le Châteauneuf du Pape 2001 du Château Beaucastel était ici à son aise. Déjà seul, il était envoûtant avec ses aromes de garrigue (ciste en particulier). Mais avec le plat, il était impérial !

Un autre grand moment du repas !


Suivait du Saint-Nectaire accompagné d'un excellent Clos du Pavillon 2009 (Puisseguin), mais j'ai totalement zappé les photos de l'un et de l'autre... 

Je sais pas pourquoi, mais quand ils ont vu arriver le dessert et la bouteille (étiquette cachée comme toutes les autres), ils ont tout de suite parlé de Tirecul la Gravière. Etonnant, non ? Et dès qu'ils ont commencé à le déguster, pas de doute, c'est une Madame. Bigre, ils sont forts ! Ils n'ont pas trouvé le millésime tout de même. Allez, je vous le dis, c'était une 2005. Que dire de ce vin si ce n'est que c'est un véritable nectar, riche mais pas écoeurant, soutenue par une acidité vibrante. Et puis une finale interminable sur l'écorce d'orange confite...

Le plat, juste de la mangue "avion" et du sorbet au fruit de la passion est juste là pour accompagner Madame comme le ferait un serviteur bienveillant. 

Et l'on fait une conclusion à l'anglaise en servant un vin doux naturel avec une pâte persillée. Ici, point de Porto et de Stilton – nous sommes en France – mais du roquefort et du Maury 2001 "cuvée Charles Dupuy" du Mas Amiel. Je comprends mieux cette tradition : c'est une façon admirable de terminer un repas. L'accord n'est rien mons que magique. Cette cuvée avait un élevage assez marqué dans sa jeunesse. Celui-ci s'est transmuté en notes épicées et balsamiques et c'est vraiment superbe. La matière est d'un velouté irrésistible sans une once d'alcool. Tout simplement GRAND !

Tout au long du repas, nous avions veillé à laisser toujours dans la bouteille la "part du chef". Celui-ci a beaucoup apprécié les différentes cuvées. Il est venu nous rejoindre au moment du Porto pour un long moment de partage. 

Bref, une soirée magique et inoubliable...

Merci à tous pour votre présence !

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