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260ème semaine de Sarkofrance: pour Sarkozy, sa fin justifie des moyens

Publié le 28 avril 2012 par Juan
260ème semaine de Sarkofrance: pour Sarkozy, sa fin justifie des moyens Le choc est venu, dimanche soir. Les courbes ne s'étaient pas croisées. Nicolas Sarkozy restait second au palmarès de son premier tour, à 600.000 voix de François Hollande. Marine Le Pen frôlait les 20%, avec plus de 6 millions de suffrages. François Bayrou était bon dernier, et Jean-Luc Mélenchon avait tout de même créé la surprise, avec 11% des suffrages.
Les commentateurs se lamentaient d'une campagne démotivante, la participation fut au contraire exceptionnelle, à plus de 80%.
Lundi matin, Nicolas Sarkozy avait la gueule de bois. 
Les digues ont rompu
Dès dimanche soir, il agita une proposition qu'il croyait décisive: il voulait trois débats de l'entre-deux tours avec François Hollande. Il fallait le comprendre, il venait tout juste de publier son programme... La manoeuvre fit choux blanc. La ficelle était si grosse.
Puis choisit une voie incroyable: chiper une à une les propositions les plus emblématiques de l'extrême droite en matière sécuritaire ou d'immigration, et les développer avec une violence verbale inédite sur les estrades de ses meetings. Cette course, Nicolas Sarkozy la menait tambour battant, « ventre à terre » vers l'extrême droite,  comme la qualifia François Bayrou, déstabilisa tout le monde, et surtout son camp. A gauche, on ne croyait possible de voir Nicolas Sarkozy singer les pires de ses caricatures. Dans la presse, on doutait de cette improbable et si dramatique stratégie. A droite, des voix se multiplièrent, d'abord anonymes puis plus officielles, pour s'inquiéter. Dès dimanche soir, un propre ministre de Nicolas Sarkozy s'énerva devant un journaliste du Parisien: « Avec ses conneries, il va nous envoyer droit dans le mur ».
Depuis 2007, le Monarque avait régulièrement cassé ses digues - rappelez-vous les tests ADN, ou le discours de Grenoble. Mais il s'était « récupéré » avec un discours quasi-gauchiste post-crise et quelques mesures d'apparence humaniste ou solidaire, telles le RSA. Mais pour cette campagne, le candidat sortant avait décidé de démolir les quelques frontières qui lui restaient avec le FN. Ce n'était que tactique, nous expliquait-on chez certains UMP ou centristes qui se cherchaient des raisons de loyauté.
Nicolas Sarkozy ne choisissait pas de s'adresser à un électorat désorienté par la crise, la précarité, le chômage et la souffrance. Il plongea dans la caricature, l'insulte, la raillerie systématique, le mensonge sans limite. Il faisait exprès d'utiliser des formules quasiment inusitées depuis la Collaboration.
Mensonges ou absences ?
Etait-il fatigué au point d'avoir des absences ? Ou est-il si désespéré au point de mentir si effrontément ? Lundi, il promit une manifestation le 1er mai pour le « vrai travail », une expression malheureusement clivante et pétainiste qu'il nia avoir prononcé alors que quelques centaines de journalistes en avaient la preuve filmée. « j'ai voulu dire une vraie fête du travail » s'excusa-t-il jeudi soir sur France2. Puis, à Saint-Cyr-sur-Loire, il s'acharna contre le système « politico-médiatique », la « technocratie » et les « élites » qui l'empêcheraient de parler d'immigration... « La Burqa, ce n'est pas anecdotique ! ».
Mardi, il déclara que «Le Pen était compatible avec la République ». Libération en fit sa une. L'UMP s'indigna, Sarkozy démentit mais il mentait: sa déclaration avait été enregistrée. A Cernay, dans le Haut-Rhin, rien n'était trop gros pour faire peur: «si vous ne nous rejoignez pas, alors vous aurez le droit de vote pour les immigrés en France ! ».
Mercredi, il attaqua François Hollande et son prétendu soutien de Tariq Ramadan et de 700 imams de France. Et pourquoi pas Ben Laden ? Tout était faux, archi-faux et rapidement démenti. Mais il s'obstina encore jusqu'à jeudi, comme s'il voulait imposer la figure de Tariq Ramadan comme l'épouvantail de cette avant-dernière semaine.
A celles et ceux qui lui reprochaient, y compris dans son camp, sa dérive droitière, il mentit à nouveau, et en public. C'était à Dijon, en meeting, « Je n'ai pas fait une seule proposition nouvelle depuis lundi ». C'était faux. Il s'était saisi d'un fait divers - la mise en examen d'un policier pour homicide - pour annoncer une mesure, une nouvelle, la présomption de légitime défense pour les forces de l'ordre. Il eut d'autres idées, jamais entendues dans sa bouche ni lues dans son programme pour cette campagne: imposer la maîtrise de la langue française aux bénéficiaires du regroupement familial, ou leur retirer le bénéfice de leurs cotisations sociales pendant 10 ans.
Et les vrais sujets ?
Courir après Le Pen sans l'argument d'un succès sur ses thèmes essentiels n'était pas risqué mais suicidaire. Car que retenir du bilan du Monarque en matière de lutte contre l'insécurité sinon la progression constante des atteintes aux personnes depuis 2002 ? Que comprendre des déclamations aux relents xénophobes dans la dernière ligne droite quand on gouverne depuis 10 ans ?
La France ne manquait pas de vrais sujets.
Le futur judiciaire de Nicolas Sarkozy, en cas de défaite, inquiétait jusqu'à l'agence Reuters, qui promettait audition voire inculpation à l'ancien Monarque. Un ancien proche, Ziad Takieddine, fut mis en examen une seconde fois, cette fois-ci pour blanchiment, dans le volet financier du Karachigate. A la presse, il confia sa rancoeur et dénonça le « triumvirat de la corruption » constitué, selon lui, par Claude Guéant, Alexandre Djouhri et Bernard Squarcini.
Il y avait le chômage, dont les statistiques à fin mars furent publiées ce jeudi. Le soir sur France2, la question fut à peine évoquée. Le sous-emploi frappe plus de 5 millions de personnes, avec la plus forte hausse depuis 3 mois.
Il y avait aussi la croissance, qui s'invitait enfin dans le débat partout en Europe, sauf chez Sarkozy. Le patron de la BCE lui-même, Mario Draghi, devant le Parlement européen, a déclaré qu'il fallait « revenir en arrière et en faire un pacte de croissance.».  Angela Merkel promettait un « agenda de croissance » pour le sommet européen de juin. L'Espagne, pourtant sous politique austère depuis 3 ans (avant même le changement de gouvernement), s'enfonçait dans la crise et fut dégradée de deux crans par l'agence Standard & Poor's.
De tout cela, il n'en fut jamais question dans les discours du candidat sortant. Nicolas Sarkozy était ailleurs, hors sol. Il semblait emporter la droite parlementaire vers les bas-fonds. Vendredi, Villepin se dit effrayé. Il y avait de quoi.
Mais qui réagirait enfin ?
La « France forte » était affolée.
Ami sarkozyste, es-tu encore là ?


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