Il est bien des choses qui se font depuis des temps reculés parce, tout simplement, il en est ainsi. On s’y plie de bonne grâce, sans même y réfléchir d’ailleurs, tant ces actes sont naturels, tant ils sont ancrés dans l’inconscient collectif ou font partie de ce que je qualifierais de valeurs nobles. Mais cette période de fin de règne pour quelques uns voit de bien curieuses remises en causes de la tradition humaniste de la France, et de bien vilains concepts sur la manière de traiter l’étranger, responsable de l’insécurité et du pillage de la solidarité nationale. Rien de mieux pour soutenir l’industrie que de relancer massivement la fabrication de barbelés afin de garnir les frontières de notre beau pays…
Fini les grandes traditions. Même les plus insignifiantes sont balayées. Le gnome n’a d’ailleurs pas daigné serrer les pognes des footballeurs finalistes de la Coupe de France comme cela se fait d’ordinaire, craignant sans doute une bronca appuyée, ce qui n’a tout de même pas manqué de se produire, lors d’une brève apparition de son auguste personne sur les écrans du stade.
Partout autour de moi, je ressens ce rejet absolu du personnage. Il ne reste lui pour exister que le fameux débat télévisé d’entre deux tours. Cette vieille tradition alimente l’Histoire de petites phrases bien préparées et bien servies, qui, avec un brin de nostalgie, font sourire aujourd’hui. Cependant, cet exercice incontournable, qui s’apparente à un ridicule combat de coqs, ne fait, sauf accident, que très peu bouger les lignes parce qu’il est trop préparé, trop formaté pour aborder réellement le fond des programmes. On y jugera un personnage sur une phrase, une mimique, un sourire, un désarroi mal maîtrisé…
Cette péripétie m’indiffère. L’exaspération est là, palpable, envahissante, et chaque jour plus vivace à mesure que le terme approche. Et je suis loin d’être le seul à la ressentir. Ça et là, dans le bus ou ailleurs, il y a des phrases qui fusent, mêlant le quotidien, le temps qu’il fait et d’étranges double-sens, comme une espérance secrète, comme pour accélérer le temps et nous rapprocher un peu plus vite de cette fameuse frontière du dimanche 6 mai 20 heures…
Parmi les agacements qui m’interpellent, il y a cet édito du Petit Bulletin de l’entre deux tours. Cet hebdo papier gratuit sur l’actualité cinéma, spectacles, concerts, théâtre, danse, expositions, musique à Lyon, Grenoble et Saint-Étienne est une mine d’or en matière d’information culturelle. Sur fond de présentation du naufrage du Titanic en bande dessinée, la redac’chef Dorotée Aznar, qu’on ne peut franchement pas classer comme activiste politique, a livré une pépite que je souhaitais partager ici.
En attendant le retour d’une vraie monnaie qui a de la gueule (le franc), le retour des femmes à leur vraie place (la maison), l’arrivée tant attendue du libre choix de ne pas avorter (pour avoir de quoi s’occuper à la maison), la création d’un vrai ministère utile (le ministère des souverainetés), et le rétablissement de la peine de mort (à partir de treize ans, si possible, en laissant une marge de négociation jusqu’à quinze), en attendant la mise en œuvre de ces thèmes chers à un nombre grandissant de nos concitoyens (6.421.773 pour être exact), nous avons tous de même décidé de ne pas nous priver de la joie de voir le navire prendre l’eau. Le Petit Bulletin d’entre deux tours vous invite donc à regarder le bateau couler, et à trouver ça beau. Pour ce faire, nous avons taillé un bout d’iceberg avec le scénariste Cédric Rassat et le dessinateur Emre Orhun qui éditent, en plein revival « My my heart will go on and ooooooon », « La malédiction du Titanic », une bande dessinée qui, certes, n’empêchera pas le naufrage de se produire, mais qui aura le mérite de montrer que, même dans la chute, on peut avoir de l’allure.
Voilà, c’est envoyé. Et quelle allure…
Demain, si vous me cherchez, je suis dans la rue, en vraie manifestation.