J'étais avec quelques Luzéens l'autre soir quand l'un d'entre eux s'approche de moi et me demande "et toi Laurent? t'es plutôt Sarko ou plutôt Hollande?".. Bon déjà lui c'est sûr, il ne lit pas mon blog. Je sens que sa question est sérieuse alors je ne fais pas de blague. Je lui réponds pour situer les choses "tu sais moi je suis adhérent d'un petit parti de centre gauche, le PRG, la dernière fois j'ai voté Bayrou au premier tour et Ségo au second tour, ce coup ci je vote Hollande au premier tour et au second tour".
Il n'a pas vraiment écouté ma réponse, il ne voulait pas connaitre ma réponse, en fait il avait quelque chose à me dire, quelque chose d'important et il me le dit: "tu comprends moi j'ai voté pour Marine au premier tour..". Il me regarde, je le regarde, bref on se regarde, et comme je sens qu'il appréhende ma réaction et qu'il attend ma réponse, je lui dit: "Ah bon et pourquoi tu as fait ça?". Il m'exprime sa colère, son mécontentement vis à vis de tas de choses, je lui réponds qu'il y avait d'autres moyens d'exprimer sa colère au premier tour, de nombreux choix de votes contestataires etc.. Je sens qu'il est satisfait, on n'est pas d'accord mais je ne l'ai pas traité comme un paria. Je ne sais pas si je l'ai convaincu que le vote Hollande était le vote contestataire pour le second tour, mais on a vraiment échangé, sur un sujet délicat.
Cet échange m'a inspiré deux réflexions:
1/ En période de diminution dramatique du pouvoir d'achat, en période de grandes incertitudes, combien de "Français moyens" supplémentaires vont exprimer leurs peurs et leurs colères en votant pour Marine Le Pen? Je n'aurais jamais pensé que ce monsieur, que je croise très régulièrement était FN. Je l'aurais placé plutôt à gauche. Sa colère, ses doutes, ses angoisses étaient légitimes et il n'y avait aucune arrière pensée nauséabonde dans sa démarche.
2/ Je ne sais toujours pas comment je dois gérer mon discours face aux électeurs de Marine. J'ai un discours sur ce qui se cache derrière le message anti-immigration. J'explique, quand on me le demande, que l'aspect "couleur de la peau", est intelligemment caché dans le vocabulaire mais bien présent dans la réflexion du FN. Mais tout cela ne répond pas, mais alors pas du tout, aux peurs, aux angoisses, aux colères légitimes des électeurs FN.
Par leur langue de bois, par leur déni de réalité, par leur clientélisme, par leur électoralisme, c'est toute une génération de politiques qui pousse l'électeur dans les bras de Marine. Toute une génération qui va être sévèrement jugée par l'histoire. Le système en place depuis 30 ans arrive à bout de souffle dans toutes les démocraties occidentales. Par leur myopie (ils ne voient pas plus loin que la prochaine échéance électorale) ils ont préparé le terrain pour une vague de colère qui va amener les extrêmes au pouvoir. Ce sera l'extrême droite dans certains pays, et l'extrême gauche dans d'autres, avec une politique raciste ou pas, mais les causes seront les mêmes... nos démocraties occidentales sont en train de mourir sous une montagne d'incompétence.
Bon voilà que je me mets en colère... comme d'hab. Ce qui me met le plus en colère ce sont ces discours moralistes de certains élus et militants de gauche, qui prennent de haut tous ses Français qui votent Le Pen. Ils parlent sans arrêt de leur xénophobie, mais refusent de voir leurs souffrances, leurs peurs, leurs angoisses.... Ils pavent la route de Marine.